L’idée de décroissance, dans l’univers économique, se fonde sur l’idée qu’une catastrophe écologique est inévitable tant que l’on soumet l’exploitation des ressources (finies) à la croissance (donc à l’exploitation infinie).
Il me semble que les idées chez un professeur ne sont pas renouvelables au même rythme que l’exploitation des esprits induite par le système universitaire, surtout si elles sont soumises à une pression constante.
On somme les professeurs de produire toujours plus, ignorant les aléas de la vie (fatigue, dépression, grossesse, vieillissement). Cette dichotomie entre la créativité et la surproduction intellectuelle crée parfois une dissonance et donne l’impression que certains font l’étalage d’idées appauvries.
On constate des phénomènes semblables dans les domaines artistiques, alors que les artistes se sont transformés en « producteurs culturels ». J’ai souvenir d’une entrevue avec la peintre Agnes Martin, qui justifiait d’avoir jeté aux ordures toutes ses tentatives jusqu’à ses 40 ans en disant : « Cela prend du temps pour créer quelque chose de neuf. »
Le mythe du fonctionnaire
Être en phase avec son intériorité sans être constamment menacé par l’extériorité est une exigence tout aussi valable pour un chimiste que pour un peintre. On ne peut pas produire du neuf sans laisser du temps aux idées pour se régénérer.
Mais avant même d’aborder de front la vitesse elle-même, il faut critiquer un discours sur le temps qui contamine la discussion. Il suffit d’avoir mis les pieds dans une université pour savoir que tout le monde prétend ne pas avoir de temps, fléau universel, mais qui atteint un niveau délirant pour les professeurs d’université : retard de plusieurs mois dans les réponses de courriels, dans l’évaluation de mémoires et de thèses, etc.
“La méconnaissance de la variété de la tâche des professeurs peut parfois entretenir des préjugés à leur égard : ils travailleraient peu, logés dans une oisiveté passive, obtenant un salaire généreux, voyageant aux frais du public.”