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Pour moi, porter un bébé que je n'élèverai pas est synonyme d’aider son prochain

«Si on a la possibilité d’aider quelqu’un d’autre dans un projet qui est aussi important, pourquoi pas? Pas "pourquoi tu le fais?", mais "pourquoi tu ne le fais pas?"»
Maxime Renaud
Courtoisie/Maxime Renaud
Maxime Renaud

Les propos de ce témoignage ont été recueillis par le HuffPost Québec et retranscrits à la première personne.

La question qu’on me pose le plus souvent: mais comment vas-tu faire pour te départir du bébé que tu as porté? J’ai senti tout de suite que c’était différent, vu que j’ai tellement été «mindée» dès le départ que ce ne serait pas mon enfant.

Ce n’est pas mon embryon. Ce n’est pas mon ovule, c’est vraiment l’ovule de la maman. Ce n’est pas mon ADN du tout, ce n’est pas mon bébé, puis c’est clair dans ma tête depuis le début. Je le sens.

C’est une opportunité qui s’est présentée sans que je m’y attende, sans que j’aie vraiment pensé le faire. La femme du couple est une amie d’une amie. Malheureusement, elle n’a pas la possibilité de porter un enfant elle-même et le couple cherchait d’abord dans son entourage pour trouver une mère porteuse.

Ils ont envoyé un message préfabriqué à environ une quarantaine de personnes de leur entourage pour qu’elles l’envoient à leur entourage. Moi, c’est comme ça que je l’ai eu, à travers une amie commune.

Quand je l’ai lu, ça m’a beaucoup touchée… Surtout que la femme en particulier, c’est une condition spéciale qu’elle a, ça l’affecte beaucoup. Moi aussi, dans le passé, j’ai connu des problèmes de fertilité et des fausses couches à répétition, donc ça venait me toucher beaucoup, le désir profond de vouloir un enfant et de ne pas avoir les moyens de le faire.

Ça a piqué ma curiosité, donc je les ai rencontrés. On a appris à se connaître un peu et tout de suite, on a eu un bon «feeling» des deux côtés. On s’est super bien entendu et on a vu qu’on était sur la même longueur d’onde, qu’on partageait les mêmes valeurs, ça fait qu’on s’est dit: bien, pourquoi pas! Et on s’est lancé.

“Ma mère et mon amie d’enfance, c’était: «Oh wow! C’est vraiment beau ce que tu fais pour eux», et ma soeur et d’autres amies, c’était «Ah ouin?!» et «Tu ne trouves pas que tu en as assez sur les épaules?»”

Moi, j’ai trois enfants (à moi). Ils sont au courant depuis le moment où j’ai considéré être mère porteuse. Je leur ai tout de suite expliqué que j’étais en train de regarder. Je leur ai dit: «C’est pour ça que les membres du couple sont rendus des amis de la famille et que je vais à des rendez-vous avec eux, parce qu’on regarde si je peux porter leur bébé.

Une fois que ça a été fait, je leur ai annoncé. Mais ça a toujours été clair que ce ne serait pas «notre» enfant. Mon plus vieux, il a 13 ans, donc il comprend très bien, mais pour les plus jeunes de cinq et six ans, ça a été un peu plus abstrait.

Au début, ils ont demandé quelques fois: «Est-ce qu’on va garder le bébé? Est-ce que ça va être notre frère, notre soeur?» Je leur ai expliqué à quelques reprises que non, c’est vraiment le couple qui va prendre le bébé en charge tout de suite dès l’hôpital et qu’on n’est pas lié par le sang. C’est juste que la maman, elle, ne peut pas porter le bébé. Je leur ai expliqué que son ventre est «brisé», donc moi, je le porte pour elle, mais c’est vraiment «son bébé».

Je n’ai pas une super grande famille. Chaque fois que j’en parle, c’est vraiment moitié-moitié. Ma mère et mon amie d’enfance, c’était: «Oh wow! C’est vraiment beau ce que tu fais pour eux.» Maman, c’était: «Je suis fière de toi». Ma soeur et d’autres amies, c’était comme «Ah ouin?!» et «Tu ne trouves pas que tu en as assez sur les épaules?»

C’est sûr qu’étant toute seule avec mes trois enfants, je ne pourrais pas assumer les frais de la grossesse en plus. Tout ce qui est relié directement à la grossesse, que ce soit les médicaments, les vêtements, le kilométrage, si je dois me déplacer à des rendez-vous, tout ça, c’est remboursé. Il n’y a pas d’argent en plus; pas de bonus, si on veut.

Ce qui est le plus difficile, ce sont les limitations physiques dans tout ce que ça englobe, autant le fait d’avoir eu des nausées et des vomissements dans le premier trimestre - c’était vraiment intense, je ne pouvais plus manger, même pas boire - que le fait qu’il y ait eu un décollement placentaire dans les premières semaines.

Tout le premier trimestre, j’avais interdiction de bouger. J’avais l’habitude de m’entraîner intensément une heure chaque jour, donc de ne plus bouger du jour au lendemain, d’avoir la bedaine qui grossit, le souffle qui coupe, les nausées, c’est ça qui est le plus difficile.

Si je peux dire ça comme ça, ma tolérance n’est pas la même pendant cette grossesse-ci. Quand j’ai eu des malaises dans les autres grossesses pour mes enfants, c’est sûr que ce n’était pas le fun, mais j’étais tellement excitée à l’idée d’avoir mon bébé que ça ne me dérangeait pas, tandis que cette grossesse-ci, oh là là, j’ai donc hâte de retrouver mon corps!

“Pour moi, c’est normal de vouloir aider son prochain et de prêter son ventre pendant neuf mois.”

Je n’anticipe pas du tout le moment de remettre l’enfant. C’est tellement clair dans ma tête que ce sont ces personnes-là que j’aide, donc oui, il va y avoir un impact psychologique, mais il ne va être que positif...

En fait, les trois, on imagine déjà le moment où l’enfant va sortir, on va être juste tellement heureux... Je trouve ça vraiment beau, imaginer le moment où je vais leur remettre leur enfant, qu’enfin ça va devenir concret, qu’ils vont avoir leur enfant dans leurs bras, c’est juste magnifique.

Chaque expérience est individuelle, donc je ne peux pas répondre pour toutes les mères porteuses; mais pour moi, c’est normal de vouloir aider son prochain et de prêter son ventre pendant neuf mois. C’est encore tabou, puis il y en a qui jugent ça et qui ne comprennent pas.

Pour moi, au même titre que de donner de son temps pour aller aider les itinérants ou les enfants déficients, c’est juste donner de soi pour aider les autres dans le besoin. Oui, c’est peut-être un peu plus gros comme don parce que c’est tout ton corps qui y est soumis pendant neuf mois, mais ça reste quand même juste aider ton prochain.

On n’a pas tous la même chance de pouvoir avoir des enfants de façon naturelle et simple. Si on a la possibilité d’aider quelqu’un d’autre dans un projet qui est aussi important, pourquoi pas? Pas «pourquoi tu le fais?», mais «pourquoi tu ne le fais pas?»

La section Perspectives propose des textes personnels qui reflètent l’opinion de leurs auteurs et pas nécessairement celle du HuffPost Québec.

Propos recueillis par Amélie Hubert-Rouleau.

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