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«C’est toujours l’éternel problème de la femme; maman ou pute. Tu n’as pas de juste milieu, tu ne peux pas être les deux.»

«C’est un acte politique, de monter sur scène et de se déshabiller comme ça devant des gens; [...] de n’importe quelle taille que tu sois, parce que finalement, [...] chaque personne a des complexes par rapport à son corps. Mais c’est sûr que ça aide vraiment. C’est comme… libérateur. (rires)»

Lulu Les Belles Mirettes est productrice et performeuse burlesque. Assistante de recherche dans un laboratoire en ingénierie mécanique de jour, la Française d’origine est au Québec depuis plus de 11 ans.

C’est après avoir regardé un documentaire sur le scène burlesque à Seattle, A Wink and a Smile, qu’elle décide de s’inscrire à des cours à Montréal avec Mme Oui Oui Encore. Elle passe par la suite une audition pour le Blue Light Burlesque et y demeure pendant quelques années. Puis, elle fonde sa propre troupe, BurlesGeek Montréal – Heroes & Boobs, en 2016. Ensemble, ils font du «nerdlesque», du burlesque à thématique geek - de «l’effeuillage cosplay» qui s’inspire de la culture populaire, du cinéma, des séries télé et des jeux vidéos.

Un acte valorisant, empowering

Si elle-même a toujours été assez à l’aise avec son corps, Lulu a constaté que le rapport à celui-ci peut être effectivement problématique pour certaines femmes en s’impliquant dans la scène burlesque. «J’avais déjà le goût de la scène. J’ai toujours été “plus-size chubby” et je faisais quand même de la danse sociale, comme du cha-cha etc. Je n’ai pas vraiment eu une gêne par rapport à ça au début», explique-t-elle. «C’est juste après [qu’est venue] la prise de conscience autour des discussions qu’on a dans la communauté; tout ça m’a fait comprendre que oui, il y a de la discrimination de taille, et qu’il y a le manque de confiance en soi des femmes en général. [...] Maintenant, quand je suis sur scène, je m’en rends compte, plus qu’avant. »

Étienne Brière/HuffPost Québec

La productrice et performeuse constate que le fait de se dénuder sur scène aide à donner confiance en soi; c’est non seulement se révéler physiquement au public, mais aussi dévoiler sa sensibilité, se montrer à fleur de peau. «En fait,[avec] le burlesque, on se met vraiment à nu, physiquement. On enlève nos vêtements et pour certaines personnes, c’est très émotionnel. [On va] vouloir faire des numéros qui vont [nous] tenir à coeur émotionnellement, psychologiquement, comme politiquement aussi. C’est vraiment [se rendre] vulnérable», confie-t-elle.

Lulu précise que le burlesque est aussi avant tout un échange privilégié avec le public : «Tu fais ton numéro, et après ça… Le public va réagir, venir te voir [et te dire] ; “ce que tu as fait, ce numéro-là, ça m’a touchée…»

Les préjugés subsistent

«Est-ce qu’il y a des préjugés? Oui, encore, c’est sûr», raconte-t-elle. Lulu expose le fait que malgré le fait que le burlesque soit de plus en plus démocratisé, que cet art de la scène se propage à travers le monde, beaucoup de gens font des amalgames avec la danse exotique: «Il y a beaucoup de personnes qui mélangent les genres. Même si ça vient vraiment de la même chose - c’est du strip-tease les deux -, c’est [plus] comme deux branches cousines du même art, dans le fond; le burlesque est plus théâtral et le strip-tease plus “traditionnel” est plus…[C’est plus] sexuel versus sensuel. C’est deux publics différents. C’est deux intentions différentes.» D’après la Montréalaise d’adoption, certaines personnes sont davantage dans le jugement, sans nécessairement comprendre la portée ou l’intention derrière la performance.

Étienne Brière/HuffPost Québec

Avec l’omniprésence des médias sociaux, la propension à juger est telle qu’il est presque inévitable de recevoir, un jour ou l’autre, des commentaires sur son apparence ou son physique. «Il y a toujours, à un moment donné, quelqu’un qui va venir te faire une réflexion sur toi [ou] sur ton apparence parce qu’il a vu une photo où tu étais en petit corset et [te dit]… “Oh, tu es trop grosse pour mettre un corset, pour te mettre nue…”», dénonce-t-elle. Lulu déplore qu’encore en 2019, «c’est toujours l’éternel problème de la femme; maman ou pute. Tu n’as pas de juste milieu, tu ne peux pas être les deux.»

Une communauté solidaire

Malgré la critique, la scène burlesque est «tricotée serrée», d’après la performeuse. «En burlesque, c’est vraiment une communauté. Il y a des hommes dans le burlesque, évidemment - comme partout-, [mais] c’est vraiment inclusif. Quand il y a quelque chose qui se passe, il y a vraiment une solidarité entre nous tous. On va vraiment s’assurer que nos spectacles sont inclusifs et “safe space”».

Pas de place donc pour les gestes irrespectueux envers les artistes. «Les comportements limites, ils n’ont pas lieu d’être. On va vite mettre de côté quelqu’un qui aura un comportement négatif [...]. C’est [un mouvement] qui est vraiment local, mais aussi national et international. Le mot [se] passe très vite quand quelqu’un a un comportement déplacé.»

Au sein même de la troupe de Lulu, BurlesGeek, un esprit d’ouverture et de fraternité règne: «Entre nous, on essaie vraiment de s’élever mutuellement, d’être le plus solidaire [possible], de caster correctement, de faire la part belle à tout le monde; aux gens de couleur, aux «plus-size», aux LGBTQ, etc.»

Si oui, il y a tout de même une certaine compétition dans le domaine, Lulu croit que «plus il va y en avoir, plus il y en aura. Il faut ouvrir plus de scènes et [produire] plus de spectacles pour toucher le plus de monde différent, qui va aimer des choses différentes.»

Il faudra attendre le 6 décembre prochain pour voir les performeurs dans un spectacle du temps des Fêtes inspiré de l’univers de Star Wars. Le Bagel Burlesque Expo, festival néo-burlesque créé par Lulu, se produira le 1er et 2 mai 2020, et célébrera «la beauté sous ses formes les moins traditionnelles».

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