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Pour en finir avec la notion d'identité québécoise

J'ai l'impression que plusieurs Québécois(es), même de langue maternelle française et blanc(hes), ne se retrouvent plus dans le Québec d'aujourd'hui.
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Le déferlement récent de commentaires et d'articles émis tous azimuts en réaction aux événements de SLĀV dans l'actualité aura au moins mis à mal le mythe trudeauiste, qui réduit le débat sur l'identité à une lubie, à un faux débat, voire un conte destiné à croquer l'immigrant.

Voyons voir ce qu'il en est.

«En mon pays suis en terre lointaine» (François Villon)

J'ai l'impression que plusieurs Québécois(es), même de langue maternelle française et blanc(hes), ne se retrouvent plus dans le Québec d'aujourd'hui. Qu'ils s'y sentent même marginalisé(es) ou carrément exclu(es) pour des raisons qui ont toutes trait à l'identité.

Depuis trop longtemps, les gouvernements successifs font l'impasse sur cette question cruciale pour la cohésion sociale au Québec. L'inaccomplissement passif, mais volontaire, de sa souveraineté sur son propre territoire constitue un mélanome.

Les générations du «Non» ont échoué à transmettre l'attachement au sentiment national, garant de dignité et d'une stabilité identitaire individuelle et collective. En effet, chez les «French Canucks 2.0», toute idée de tradition est perçue comme ringarde, voire suspecte, à tout le moins rétrograde, associée à un passé ascétique et oppressif, loin de la Silicon Valley et des plaisirs immédiats et inépuisables.

Notre société ne se reconnaît plus comme un tout cohérent.

Résultat, notre société ne se reconnaît plus comme un tout cohérent. Elle cherche à tout prix à échapper à toute forme de définition, au cas où lui serait imposé un horizon unique de possibles en matière de réalisation de soi (s'attacher à la fierté du français, se réclamer d'une certaine histoire, d'un destin à accomplir, faire valoir son droit à l'existence dans le monde), au cas où il lui serait interdit de se réinventer au gré du dernier film de héros Marvel ou autres festivals off.

Le jeune n'est pas le seul à se sentir étranger chez lui, isolé derrière le rideau de fumée identitaire québécois. L'exil identitaire est une exclusion. Et l'exclusion est toujours infériorisation, il faut en convenir. «Je» en est donc réduit à se définir par opposition à l'«autre», puisqu'on ne lui renvoie qu'une image infériorisée de lui-même dans le tout «majoritaire» uniforme. C'est un réflexe de dignité on ne peut plus humain que tout Québécois devrait saisir. L'exemple des États généraux du Canada français est éloquent à cet égard.

Le Québécois: un Blanc privilégié?

Malheureusement, de cette volonté d'échapper à tout déterminisme national et au morcellement identitaire ne peut que naître le fantasme d'un Québec débarrassé d'une identité collective majoritaire, et donc par défaut, épuré symboliquement de toute minorité, de toute exclusion.

Il convient alors de saper la légitimité des fondements de l'identité québécoise en brouillant les frontières entre affirmation nationale et nationalisme suprématiste. Pour preuve, cette boutade pas très subtile de la tribune satirique The Beaverton, publiée la semaine dernière, qui se permet un: «Une étude connexe a découvert que la principale caractéristique de la culture franco-canadienne était le racisme». C'est ainsi qu'on verra s'élever des réflexions aux fils grossiers, mais savamment ficelés, pouvant s'articuler selon le syllogisme suivant:

- le Québécois «pure laine» (majoritairement issu de la colonisation française ou britannique) est Blanc;

- par peur des «méchants Anglais», il tente de préserver sa culture spécifique;

- or, sa culture spécifique est indissociable de sa blancheur;

- par conséquent, cette préservation s'exerce au détriment des Québécois d'autres couleurs;

- le Québécois «pure laine» est donc raciste.

Jusqu'à quel point peut-on faire de nous une majorité brimant une ou des minorités, nous-mêmes minorité en Amérique depuis le début de l'épisode?

Voilà qui est limpide. La machine à flétrir peut maintenant carburer à plein régime, non seulement parce qu'elle emprunte des éléments de vérité, mais surtout parce qu'elle se réclame du passé esclavagiste de l'homme blanc et du racisme systémique, bien réel, dont il est dépositaire, position inattaquable s'il en est.

Seulement, jusqu'à quel point peut-on faire des Québécois des Blancs privilégiés? Jusqu'à quel point peut-on faire de nous une majorité brimant une ou des minorités, nous-mêmes minorité en Amérique depuis le début de l'épisode?

On nous a déjà faits bègues, paresseux, pauvres de nature, et encore dernièrement, désorganisés (c'est dans notre sang latin). Pourquoi ne nous ferait-on pas racistes? Inutile de rappeler les injustices ravalées par des générations entières, que Pierre Vallières aura appelées les «nègres blancs d'Amérique».

Il semble pourtant de meilleur ton d'invoquer l'argument d'autorité «parce qu'on est en 2018» pour remettre le compteur à zéro et même, tant qu'à y être, s'inventer un présent. Après tout, le Québec n'a-t-il pas son propre pays (avec sa propre constitution), respecté et traité comme un égal par tous les autres pays du monde? L'Amérique ne reconnaît-elle pas une grande nation française comme véritable maître de son destin et partenaire de son aventure ?

Si la critique voulant qu'une part significative de Québécois(es) soit coupable de manquer de sensibilité envers la diversité ne peut être niée, rien ne justifie pour autant que dans un même mouvement on s'étiole en mépris envers la spécificité québécoise, que d'aucuns semblent assimiler fallacieusement à une structure de domination.

Qu'on nous déteste pour ce que l'on fait, non pour ce que l'on est.

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