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Potagers urbains: ça ne change pas le monde, sauf que...

Il ne remplacera pas l’épicerie de sitôt, mais votre petit potager de balcon peut avoir des bienfaits surprenants.
Presque tous les espaces extérieurs peuvent accueillir un petit potager.
Étienne Brière/HuffPost Québec
Presque tous les espaces extérieurs peuvent accueillir un petit potager.

Armés de beaucoup de temps libre et inspirés par les beaux discours sur l’autonomie alimentaire, de nombreux citadins se sont mis au jardinage pour la première fois pendant le confinement. Et même si les ambitions d’autosuffisance peuvent vite être refroidies, ceux qui cultivent leur espace depuis des années savent que les bénéfices des potagers urbains sont ailleurs. Rencontre avec deux passionnés d’agriculture urbaine.

«Je suis allée à un centre de jardinage une fois ce printemps et il y avait une file de voitures… ça n’avait aucun sens!» raconte Gabrielle Lamontagne-Hallé.

La conseillère en développement durable, qui cultive un potager urbain chaque année depuis 2013, comprend bien leur attrait.

“Quand je suis dans mon jardin, je ne vois plus le temps passer. Je ne pense plus à rien.”

- Gabrielle Lamontagne-Hallé

«La motivation première qui fait que chaque année j’y reviens encore et encore, c’est définitivement le plaisir, poursuit-elle. Au mois de février-mars, on est dans le creux de l’hiver, le gris... Partir des semis à ce moment précis de l’année, c’est vraiment une espèce de résurrection. D’avoir des petits bouts verts qui sortent, de pouvoir minoucher quelque chose de vivant… Ç’a l’air niaiseux, mais ça fait toute la différence. »

Sur sa petite terrasse de Côte-des-Neiges, à l’étage d’un restaurant, elle cultive laitues, tomates, fines herbes, kale, fleurs comestibles, bettes à carde… Son potager évolue au fil des ans et des nombreux déménagements, passant de la terrasse aux balcons de toutes les grandeurs. «Je n’ai jamais eu la chance d’avoir un potager en pleine terre. Mais ça se fait avec toutes sortes d’espaces, je l’ai expérimenté», assure-t-elle.

Gabrielle Lamontagne-Hallé cultive son potager urbain dans le respect de ses valeurs environnementales. Elle n'utilise aucun engrais chimique et réduit sa consommation d'eau potable grâce à des doubles-fonds faits à partir de pancartes électorales découpées.
Étienne Brière/HuffPost Québec
Gabrielle Lamontagne-Hallé cultive son potager urbain dans le respect de ses valeurs environnementales. Elle n'utilise aucun engrais chimique et réduit sa consommation d'eau potable grâce à des doubles-fonds faits à partir de pancartes électorales découpées.

Si sa production lui permet d’arrêter d’acheter du kale et des fines herbes à l’épicerie l’été, elle n’est pas à la veille de résilier son abonnement aux paniers de légumes bio. Ce qui ne veut pas dire que son potager n’a pas transformé la façon dont elle se nourrit.

«Avoir un jardin, c’est une belle vitrine sur la saisonnalité, dit-elle. Un des gros problèmes qu’on a, en tant qu’urbains, c’est qu’on est complètement déconnecté de la réalité de comment sont produits les aliments.»

Selon elle, les consommateurs ne savent pas à quel moment de la saison les fruits et légumes locaux sont prêts à être achetés.

«On le sait pas c’est quand la saison des tomates, réellement. On a l’impression que début juin c’est l’été, alors il devrait y avoir des tomates. Ben... oui et non. Si elles ont été en serre, il va y en avoir de prêtes. Mais en plein champ, il n’y en aura pas avant la fin juillet parce que c’est dans l’ordre normal des choses.

D’avoir un potager avec de petits échantillons de chaque chose, ça te rappelle cette saisonnalité.»

Aubergines, poireaux, tomates variées, brocolis, laitues, fenouil, bettes à carde, fleurs comestibles, choux, poivrons, courges, fraises... impossible d'énumérer tout ce qui pousse chez Réal Migneault. Il a même un plant d'arachides!
Étienne Brière/HuffPost Québec
Aubergines, poireaux, tomates variées, brocolis, laitues, fenouil, bettes à carde, fleurs comestibles, choux, poivrons, courges, fraises... impossible d'énumérer tout ce qui pousse chez Réal Migneault. Il a même un plant d'arachides!

Réal Migneault, lui, est un des rares Montréalais pour qui l’autosuffisance (en légumes, du moins!) n’est pas si utopique. Le potager qu’il cultive depuis une quinzaine d’années en façade de l’appartement qu’il loue dans Ahuntsic produisait assez pour fournir sa famille de quatre enfants en légumes pour l’année.

Et maintenant que ses enfants ont quitté le nid, son passe-temps s’est transformé en emploi.

«L’année dernière, quand j’ai réalisé que mon congélateur était encore bien plein du stock de l’année précédente et que mon jardin commençait à fournir, j’ai décidé de mettre une petite pancarte ”à vendre”.» La Ferme de rue de Montréal était née.

“Je suis devenu le petit dépanneur à légumes du quartier.”

- Réal Migneault

Avec la permission de son propriétaire, le locataire a créé au fil des ans un jardin époustouflant qui occupe presque chaque parcelle du terrain de 500 pieds carrés.

«J’ai commencé par faire pousser des choses que j’aimais: tomates, laitues, des choses accessibles», énumère M. Migneault en se remémorant la naissance de son potager.

Même l’espace de stationnement de Réal Migneault est mis à profit, grâce à des modules qu’il a lui-même fabriqués à partir de bois recyclé.
Étienne Brière/HuffPost Québec
Même l’espace de stationnement de Réal Migneault est mis à profit, grâce à des modules qu’il a lui-même fabriqués à partir de bois recyclé.

Le jardinier n’était pas complètement débutant, puisque ses parents avaient eux-mêmes un potager quand il était enfant. «Je connaissais le plaisir de faire pousser sa propre nourriture», explique-t-il.

Petits jardins, gros impacts

S’il concède que la plupart des jardiniers ne réaliseront pas d’économies en cultivant leurs propres légumes, il estime que la pratique permet d’avoir une nouvelle emprise sur son alimentation. «On sait ce qu’on fait pousser. Quand on y goûte, ça goûte meilleur!» assure-t-il avec véhémence.

Il souligne par ailleurs que l’agriculture urbaine permet d’avoir accès à de plus nombreuses variétés de fruits et légumes. «On peut sortir des variétés qui sont proposées dans les grandes chaînes, qui sont souvent choisies plus pour être capables d’être transportées que pour être savoureuses», dit-il.

Cette année, pour «donner un break au sol», Réal Migneault fait pousser ses 12 variétés de tomates dans des pots en géotextile, plutôt qu'en pleine terre.
Étienne Brière/HuffPost Québec
Cette année, pour «donner un break au sol», Réal Migneault fait pousser ses 12 variétés de tomates dans des pots en géotextile, plutôt qu'en pleine terre.

Militante environnementaliste, Gabrielle Lamontagne-Hallé apprécie les vertues écologiques de son jardin, où elle fait aussi pousser des plantes mellifères pour attirer les pollinisateurs, dont l’existence est menacée. «Mais je ne me berce pas d’illusion, ce n’est pas mon potager qui est en train de sauver la planète», dit-elle.

Elle estime néanmoins que l’agriculture urbaine est un tremplin vers d’autres gestes verts, comme une réduction du gaspillage alimentaire.

«La première tomate que tu cultives, hors de question de la laisser ramollir sur ton comptoir pendant quatre jours!» lance-t-elle. «Les aliments d’épicerie, on a tendance à les tenir plus pour acquis.»

Elle croit qu’en entretenant un potager, les citadins deviennent moins «déconnectés» et plus respectueux du monde agricole.

Gabrielle Lamontagne-Hallé ne sauvera peut-être pas le monde avec son potager, mais ça ne l'empêchera pas de continuer à le «minoucher» chaque année.
Étienne Brière/HuffPost Québec
Gabrielle Lamontagne-Hallé ne sauvera peut-être pas le monde avec son potager, mais ça ne l'empêchera pas de continuer à le «minoucher» chaque année.

Une vision partagée par Réal Migneault. Ce dernier croit tellement au pouvoir de l’agriculture urbaine qu’il travaille présentement à agrandir sa ferme de rue sur un deuxième site: le terrain du Sanctuaire Saint-Jude, à quelques pas de chez lui.

«Ça nous ferait une microferme urbaine de quartier de 6500 pieds carrés sur deux sites», explique-t-il.

Il a déjà obtenu l’accord des propriétaires et est présentement en levée de fonds pour lancer son projet.

En attendant, son OBNL poursuit son travail de démocratisation de l’agriculture urbaine en offrant des conseils et des services d’accompagnements à ceux qui souhaitent se lancer dans l’aventure.

Trucs d’experts au pouce vert

Vous venez de déménager dans votre nouveau logis ou votre balcon vous apparaît soudain bien tristounet? Il n’est pas trop tard pour installer votre petit potager, assure Réal Migneault. Gabrielle Lamontagne-Hallé prévient toutefois que le choix dans les pépinières risque d’être plus restreint en raison de l’engouement important pour le jardinage cette année. En rafale, leurs conseils pour les agriculteurs urbains néophytes:

Soyez réaliste. «Au début, on a parfois la vision idéaliste de “ah, je vais viser l’autonomie alimentaire, faire pousser mes propres choses”», admet Gabrielle Lamontagne-Hallé. «Mais on se rend compte que c’est quand même beaucoup de travail, de temps, d’énergie et, malheureusement, d’argent.» Elle suggère donc de commencer avec un potager assez simple la première année. «C’est important de respecter ses limites pour ne pas se décourager après un an et ne plus jamais en refaire», dit-elle.

Les vire-vents sont vos amis. C’est l’arme secrète par excellence pour empêcher les écureuils de venir chaparder le précieux fruit de votre labeur. Quant aux oiseaux, on peut les décourager en accrochant des vieux CD à proximité de ses plants. Le reflet du soleil et le mouvement les repoussent en toute sécurité.

Le mouvement et les couleurs des vire-vents éloignent les rongeurs, en plus d’agrémenter votre balcon.
Étienne Brière/HuffPost Québec
Le mouvement et les couleurs des vire-vents éloignent les rongeurs, en plus d’agrémenter votre balcon.

Pas de sol tout nu, par pitié! Nos deux agriculteurs urbains soulignent l’utilité de couvrir le sol pour mieux protéger nos plants. Réal Migneault suggère d’étendre des copeaux de bois raméal fragmenté (RBF) au sol plutôt que du paillis de cèdre ou de la paille. «Le RBF assure une meilleure résilience au niveau du contrôle des températures et du maintien de l’humidité», assure-t-il. Et c’est aussi vrai pour les jardinières suspendues et les balconières, insiste Gabrielle Lamontagne-Hallé. «Elles sont très pratiques parce qu’elles prennent moins de place, mais elles se dessèchent très vite et les plantes peuvent souffrir rapidement de la chaleur pendant les canicules», dit-elle.

On plante quoi en ville?

Les fines herbes. C’est l’idéal parce que c’est souvent des choses qu’on achète en trop grande quantité pour ce dont on a besoin donc il y a beaucoup de pertes», dit Mme Lamontange-Hallé. Quand elles sont sur le balcon, on les récolte au fur et à mesure!

Les tomates. Il est encore temps de planter des tomates pour en récolter cette année, mais il faudra bien choisir la variété, dit M. Migneault. Certaines variétés ont besoin de 60 à 70 jours pour produire des fruits, ce qui nous mène au début du mois de septembre.

Poivrons et aubergines. Comme les tomates, ils font partie de la famille des solanacées, qui aiment la chaleur. «Et un balcon à Montréal, c’est comme un micro-climat à cause des îlots de chaleur», souligne Mme. Lamontagne-Hallé. Assurez-vous d’avoir des bacs assez profonds, parce que ces variétés ont besoin de beaucoup de nutriments et d’espace pour faire pousser leurs racines.

Pois mange-tout et haricots. Une chouette option pour apprendre les rudiments du jardinage aux enfants, les graines plantées en terre - qui ne coûte presque rien! - peuvent produire une récolte en environ un mois, explique la jardinière.

Et bien sûr, il n’y a aucun mal à se faire la main en achetant des semis ou des jardinières, qui n’auront besoin que d’être arrosées et entretenues.

Bon jardinage!

Au fil de l’été, le «Guide HuffPost pour manger local» proposera une série de reportages visant à accompagner les Québécois qui ont à coeur de remplir leur assiette de produits locaux.

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