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Je suis polyamoureux et ça ne veut pas dire «du sexe partout»

Jean-David va se marier l’an prochain. Mais cela ne l'empêche pas d’entretenir d’autres relations amoureuses…
Courtoisie

Dans son couple, Jean-David Brouillette, 45 ans et employé au gouvernement fédéral à Gatineau, est libre d’entretenir des relations suivies avec d’autres partenaires, ou bien ce qu’il appelle des «amitiés fluides» avec des femmes qu’il aime et avec qui il a des rapports sexuels.

Ses relations disposent de la même liberté et des mêmes droits que lui.

«Ce n’est pas moi qui vais leur casser la tête et mettre du stress avec ça. Tout le monde est gagnant.»

En fait, Jean-David est polyamoureux. En d’autres mots, il est capable d’aimer plusieurs personnes en même temps, sans que sa relation officielle en pâtisse.

Évidemment, pour que tout ceci fonctionne, le couple doit bien communiquer.

«La communication est nécessaire pour être fonctionnels, précise Jean-David. Honnêtement, avec tout ce petit monde en équilibre, ça devient primordial. On n’a pas le choix, sinon on s’en va vers des murs, des océans de problèmes. On prône l’éthique, la transparence, la communication et le respect. Il y a une volonté de donner une place à tout le monde dans nos relations, d’offrir un safe space à tous.»

«Ma liberté est constructive, positive, elle se fait dans un échange éthique.»
courtoisie
«Ma liberté est constructive, positive, elle se fait dans un échange éthique.»

Pour lui, le polyamour c’est être dans l’autodétermination.

«La liberté, c’est pas la liberté de tout faire, d’aller coucher avec qui je veux et de tromper qui je veux. Ma liberté est constructive, positive, elle se fait dans un échange éthique», dit celui qui a connu le couple traditionnel pendant trois ans et demi.

«Je m’y sentais pris et limité. Je ne pouvais pas explorer la façon dont l’amitié se développait avec certaines personnes. Je me mettais des limites pour des raisons qui ne m’apparaissaient pas nourrissantes.»

Amours et amitiés

Cet «électron libre», comme il le dit lui-même, a appris le terme «polyamour» il y a quatre ans en écoutant l’émission Médium Large de Radio-Canada qui présentait plusieurs définitions d’identités sexuelles.

À l’époque, alors qu’il est en couple heureux (et ouvert), il tombe quand même fou amoureux d’une collègue de travail avec qui il renoue le contact. Ce qui n’est pas sans faire surgir des questions: est-ce que s’il tombe amoureux de cette collègue c’est parce que ça ne va pas bien avec sa conjointe? Est-ce que ça veut dire qu’il n’est pas investi avec la deuxième? Pourtant il s’investit à fond…

«Le terme m’a frappé, car il décrivait exactement la situation que je vivais ainsi que toutes les réflexions que j’entretenais depuis plus de 20 ans. Pourtant j’étais bien avec ma conjointe. Ça fait longtemps que je déconstruis l’idée que la société se fait du couple, en essayant de fitter où je peux avec ça.»

Par exemple, celui qui est désormais gestionnaire du groupe Facebook des polyamoureux de Gatineau entretient d’étroites amitiés féminines qui, souvent, attisent chez lui le désir. Des amies qu’il ne cesse pourtant jamais d’aimer profondément.

“J’ai réalisé que j’étais amoureux de plusieurs de mes amies. Quand j’étais en relation, cet aspect-là ne me quittait pas. Ces «amitiés fluides», décomplexées, se composent d’affection, de désir, de sexualité, mais on ne se dit jamais blonde et chum.”

- Jean-David Brouillette

Pour le quarantenaire qui doit ressentir un lien émotionnel pour avoir envie de coucher avec une femme, les relations sociales sont comme des spectres, là où la société fait une dichotomie très claire entre amitié et amour.

«Dans mon cas c’est très fluide, il n’y a pas ce clivage net.»

L’exclusivité, une absurdité

Pour Jean-David, les normes sociales et le fait d’être exclusif sont absurdes.

«Le mode de relation prôné par la société est un mode de relation qui n’est plus en diapason avec la société en général. Il vient de l’idée d’une filiation de la propriété, essentiellement masculine, bâtie sur l’image d’un mariage et l’idée d’une passation de la propriété.»

Autre point problématique pour Jean-David: le concept de prince charmant et de princesse qui a envahi l’imaginaire collectif.

«Les gens croient que les polyamoureux c’est du sexe décomplexé, du sexe partout, qu’on couche avec n’importe qui, mais c’est faux.»
Courtoisie
«Les gens croient que les polyamoureux c’est du sexe décomplexé, du sexe partout, qu’on couche avec n’importe qui, mais c’est faux.»

«On est supposés trouver l’amour dans une seule personne qui devra venir tout combler. On dirait qu’il n’y a qu’une seule définition de l’amour dans notre société, une seule définition qui n’inclut pas plusieurs perspectives. Pourquoi rester exclusif? On nous répond: parce que c’est comme ça, ça se fait pas. Mais il n’y a pas vraiment de raison. On est fidèle à quoi finalement? À une personne? Ou à la monogamie? À un comportement?»

Donc il n’est jamais jaloux? «Un raccourci», répond-il. Bien sûr qu’il est jaloux!

“La jalousie c’est de l’information qu’on reçoit sur soi-même, sur son insécurité. Je pourrais ressentir de la jalousie pour une nouvelle relation par crainte qu’elle vienne menacer l’équilibre avec ma conjointe par exemple.”

- Jean-David Brouillette

Jean-David estime qu’un couple solide peut quand même voir la jalousie s’insinuer entre les mailles du filet.

«Il vaut mieux adresser vraiment le sentiment que de se braquer et de le refuser», poursuit celui qui pense que les rôles, les sentiments, les façons d’agir au Québec sont très dirigés par un relent judéo-chrétien.

«Quand on sort de ce cadre-là, du chemin tracé - blonde/couple/maison/enfants/mariage - on se sent tout de suite attaqué, dénigré, les gens qui essaient de s’en émanciper sont ostracisés. À l’école, on nous apprend jamais c’est quoi l’amour, la jalousie, la sexualité, comment gérer ses émotions, laisser quelqu’un, se faire laisser.»

Mal vu en société

L’autre jour, Jean-David s’est rendu dans un «polyluck», un «potluck» pour polyamoureux. Rappelons que lors d’un potluck, chaque invité est censé apporter un plat à partager avec les autres convives. Une amie s’exclame: «Ah! Vous avez fait une grande partouze!»

«Ben non. Définitivement, c’est mal compris, dit Jean-David. Car elle, quand elle fait des “potluck”, est-ce que tout le monde y va nu et couche ensemble? Non. C’est absurde, mais c’est un préjugé. Les gens croient que les polyamoureux c’est du sexe décomplexé, du sexe partout, qu’on couche avec n’importe qui, mais c’est faux.»

Autre cliché qu’entend démentir Jean-David: celui du gars qui n’aime pas vraiment sa blonde.

«Ça, ça vient de l’idéal de société de ce que doit être une relation. Pour moi, l’amour relationnel c’est une grande résonance que l’on a chimiquement, biologiquement, spirituellement, intellectuellement et émotivement avec d’autres individus autour de nous», dit celui qui pensait ne jamais se marier.

«Mais je me suis donné ce droit, ce pouvoir, cette liberté-là. J’ai accepté de brasser des normes.»

Et le but des «poly» est très clair: trouver ce qui va les faire grandir, ce qui va leur permettre d’être «les plus complets, et les plus heureux possible», conclut-il.

À voir: ils se disent «oui» à plus de 100 ans

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