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Pourquoi j'ai quitté le Québec et pourquoi les politiques de Gaétan Barrette m'empêchent de revenir

Il y a un an, j'ai décidé de quitter le Québec en partie suite aux politiques Barrette. J'avais aussi envie de voir ce qui se faisait ailleurs, pour m'en inspirer et rapporter des idées à la maison.
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Depuis l'annonce du projet de Loi 20 en 2014, il ne va pas une semaine sans que le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, n'annonce une nouvelle politique pour sa réforme en santé. À chaque fois, la dernière annonce est plus coercitive que la précédente. Même si la réforme se veut pour le système au grand complet, l'attaque contre les médecins de famille se veut particulièrement vive.

Au premier plan, ses intentions restent nobles: améliorer l'accès de la population à un médecin de famille. Au deuxième degré, personne n'est convaincu de ses réelles intentions et encore moins des moyens utilisés. Le ministre est un mur communiste, repoussant toute attaque sans broncher et sans aucune concertation. Son mur avance tranquillement et les pissenlits se font écraser.

La plus récente insulte vient de cette directive qui veut que les médecins résidents graduant ou ceux qui changent de région, si ceux-ci veulent pratiquer en établissements, doivent avoir un minimum de 500 patients à leurs noms après un an de pratique. Si ce quota n'est pas atteint, ils n'auront pas le «privilège» de pratiquer en établissements. Quel terme insultant. Cette directive ajoute une autre couche bureaucratique et vise à encadrer (contrôler? infantiliser?) les médecins de famille. On met tous les omnipraticiens dans une machine à saucisses et ils pratiqueront au goût du ministre selon ses colonnes de chiffres. Couche après couche, les médecins généralistes sont plus restreints, plus contrôlés, moins libres. Le constat est troublant: cette méthode désorganise de plus en plus le système.

Ontario

La liberté de pratique des médecins ontariens contraste énormément avec la situation au Québec. La circulation des médecins entre les provinces se veut plus facile dans le ROC (Rest of Canada), où la barrière linguistique n'est pas un problème. Se trouver un contrat est plus facile : pas de PREM, pas d'AMP, pas vraiment de restrictions sur le quoi et le comment. Les médecins font ce qu'ils aiment faire ou bien peuvent se spécialiser si un besoin local est identifié. Ils sont libres de choisir leur type de pratique et de postuler sur un emploi.

Il y a un an, j'ai décidé de quitter le Québec en partie suite aux politiques Barrette. J'avais aussi envie de voir ce qui se faisait ailleurs, pour m'en inspirer et rapporter des idées à la maison. Après un an de pratique en Ontario, j'ai décidé de retourner au Québec. J'avais trouvé l'urgence dans laquelle je voulais travailler, j'avais un poste qui m'attendait, mais à une seule condition: prendre 500 patients de médecine de famille à ma charge. Je travaille déjà avec des populations vulnérables ailleurs, je fais du bénévolat avec des sans-abris à Montréal, mais tout ce travail n'est pas reconnu. On m'empêche de travailler dans une des urgences du Québec, même s'il y a un besoin clairement identifié.

Je ne peux pas être présent pour 500 patients de plus dans ma pratique. Alors je n'ai pas accepté le poste.

Plutôt, j'ai conduit 10 minutes plus loin et j'ai eu mon poste à l'urgence de Hawkesbury. J'ai été accueilli à bras ouverts.

Historiquement, il a toujours été plus difficile pour les médecins de la Belle Province de partir à l'étranger à cause de la barrière linguistique. Mais avec la mondialisation, les jeunes qui voyagent et qui sont bilingues, le brain drain n'est plus très loin...

En Ontario, le médecin de famille est valorisé. Aucune restriction, aucune AMP, aucun PREM. Pourtant, la couverture en médecin de famille y est excellente. Le généraliste n'est pas un «paresseux», mais plutôt l'acteur principal du système de santé. Là-bas, les médecins de famille reçoivent des bonus s'ils voient plus de patients, si leur pratique atteint des standards de qualités. C'est la carotte qui fait avancer la charette, pas le bâton.

La réponse est beaucoup plus complexe que des incitatifs financiers. Le point important est que c'est une philosophie positive, et non négative comme actuellement au Québec.

Médecine généraliste

Ce désir d'eugénisme du ministre est fondamentalement en contradiction avec la pratique du médecin généraliste.

Ce qui fait la saveur des omnipraticiens est qu'ils sont des gens qui pratiquent la médecine de manière colorée. Un qui suit des patients toxicomanes, la collègue qui aime faire de l'urgence et du bureau; l'autre des soins intensifs et de l'urgence. C'est ça la médecine de famille. Les médecins de famille ont des pratiques diversifiées, mais ils sont unis par la philosophie du généralisme polyvalent qui prend en charge le patient dans sa globalité. Des touches à tout, qui pratiquent la médecine à leur manière, librement.

Il existe certes une tendance à la spécialisation en médecine de famille. Mais spécialisation signifie spécificité, ce qui signifie souvent qualité des soins en fonction des besoins locaux des patients. Des médecins en région vont chercher une expertise plus pointue dans un domaine, car ils remplissent des tâches normalement faites par des médecins spécialistes dans les centres universitaires. Ils le font parce que la population n'est pas assez importante dans leur région pour y avoir des médecins spécialistes à temps plein.

Ce qu'il faut, ce sont des médecins qui sont heureux dans leurs pratiques. Des médecins qui aiment leurs emplois, et qui peuvent utiliser leur créativité pour répondre à des besoins. Les médecins sont des êtres humains, des gens qui ont besoin d'une vie équilibrée et heureuse. Pas juste d'ajouter d'une pinte d'huile tous les mois. Depuis 2014, les médecins sont sur les dents, incertains du futur ou de la prochaine directive qui va leur être imposée. La peur est nocive, elle inhibe la créativité et le dépassement de soi.

Un des aspects les plus irritants des dernières politiques Barrette est la création de barèmes, de règles, de ratios et d'étapes bureaucratiques contre les médecins de famille. Ces barrières sont fondamentalement en contradiction avec l'essence du médecin de famille et du généraliste.

Ce qu'il faut, ce sont des esprits libres de traiter leurs patients. Pas des règles supplémentaires.

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