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Plan vert: où sont passées les recommandations de la jeunesse?

Le Plan pour une économie verte ressemble davantage à un plan d’affaires pour le Québec qu’à un plan de lutte contre la crise climatique. C’est inacceptable!
Le premier ministre François Legault et le ministre de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques Benoit Charette lors de la présentation du Plan pour une économie verte.
La Presse Canadienne/Paul Chiasson
Le premier ministre François Legault et le ministre de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques Benoit Charette lors de la présentation du Plan pour une économie verte.

Lundi, le premier ministre du Québec, François Legault, et le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charrette, dévoilaient le Plan pour une économie verte (PÉV). En tant que membres du groupe de travail jeunesse, nous déplorons que la vaste majorité de nos recommandations aient été écartées.

En juin 2019, le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques créait cinq groupes de travail pour contribuer à l’élaboration du Plan d’électrification et de changements climatiques (PECC); le PECC est aujourd’hui devenu le PÉV. Parmi ces groupes, le groupe de travail jeunesse s’était vu confier le mandat d’identifier des pratiques, des technologies, des modèles et des domaines d’intervention nouveaux ou émergents. Ce que nous avons fait.

Dans un contexte de crise climatique et où le premier ministre du Québec a réitéré à maintes reprises sa volonté de faire du Québec un leader climatique, nos attentes et nos ambitions étaient grandes. Même la Commission de la relève de la CAQ, réunie le 20 septembre dernier, a tenu à défendre l’équité intergénérationnelle. Son président, Keven Brasseur, y avait déclaré que «l’équité n’est pas seulement financière.» C’est aussi la «garantie d’un environnement propre pour les futures générations.» Ainsi, il faut «mettre les bouchées doubles pour atteindre nos cibles de gaz à effet de serre», avait-il précisé.

Puis, il y a quelques jours, le gouvernement du Québec annonçait son engagement d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Il devenait alors d’autant plus important d’accompagner cet engagement de mesures robustes et cohérentes avec cette cible, et non pas seulement de demi-mesures.

Fébriles, nous attendions le PÉV avec impatience. Or, le PÉV présenté aujourd’hui n’est en rien un plan d’action à la hauteur de ces ambitions. Si nous avons travaillé d’arrache-pied, pour la plupart bénévolement, à proposer des mesures pour transformer notre société, la lecture du PÉV montre que les recommandations de la jeunesse semblent avoir été écartées par le premier ministre.

Pire encore, le PÉV ressemble davantage à un plan d’affaires pour le Québec qu’à un plan de lutte contre la crise climatique. C’est inacceptable!

Une série d’opportunités ratées

Pourtant, la crise de la COVID-19 nous donne l’acceptabilité sociale requise pour rompre avec la société de consommation et respecter les limites de la Terre, améliorer notre rapport à la nature et encourager une écocitoyenneté active; ces trois axes transformationnels sont ceux proposés par le groupe de travail jeunesse.

“Il est irresponsable de la part du gouvernement de se limiter à des programmes incitatifs et à quelques subventions sans vision d’ensemble.”

Le Québec fait face depuis plusieurs mois à une crise sanitaire, qui a pesé lourd sur les communautés, l’économie et le système de santé. Nous n’avons pas le luxe de faire face à nouveau à une autre crise de cette ampleur. Alors que nous entamons un processus de relance, nos choix politiques doivent transformer positivement nos milieux de vie en s’orientant vers la résilience, la lutte aux changements climatiques et la protection de l’environnement. Malheureusement, le plan présenté est plutôt maigre, et ne semble pas se saisir de toutes les opportunités dont nous disposons pour assurer un futur vert et en santé.

Il est irresponsable de la part du gouvernement de se limiter à des programmes incitatifs et à quelques subventions sans vision d’ensemble. Nous avons besoin de réglementations et de mesures fiscales visant à changer nos modes de vie et de consommation, afin d’être à la hauteur de ce qu’exige la crise climatique. Sinon, la relance économique n’aura rien de durable. Nous n’avons plus de temps pour des considérations électoralistes: la technologie seule ne réglera pas le problème.

“La transition vers d’autres types d’énergies n’est pas une solution suffisante. Sans objectif de réduction nette du gaz naturel, il n’y a pas de transition.”

Les technologies, et encore moins celles qui n’existent pas encore, ne doivent pas être les seuls véhicules de la transition. Par ailleurs, miser sur des technologies qui n’existent pas encore ou sur le système québécois de plafonnement et d’échange de droits d’émission (SPEDE) – ou «marché du carbone» - pour 58% des réductions de gaz à effet de serre, ce n’est pas ce qu’on appelle être pragmatique!

La mise en œuvre du plan devra appuyer des changements systémiques majeurs. La transition vers d’autres types d’énergies n’est pas une solution suffisante. Sans objectif de réduction nette du gaz naturel, il n’y a pas de transition. Au contraire, le gouvernement ne ferme pas la porte à l’expansion des énergies fossiles.

Le PÉV ne prévoit malheureusement pas de mesure exigeant l’affichage environnemental de l’impact des biens et des produits, qui, à l’instar des valeurs nutritives sur les aliments, permettrait aux Québécois et aux Québécoises de connaître l’impact de leurs achats et de faire des choix plus éclairés.

Enfin, l’adaptation aux changements climatiques est reléguée en dernier plan alors qu’une vision transversale est nécessaire pour faire face aux conséquences déjà très tangibles de la crise climatique

Soyons ambitieux et osons réviser nos objectifs pour une meilleure gouvernance climatique

Le groupe de travail jeunesse demande au premier ministre François Legault d’instaurer un véritable mécanisme de suivi indépendant, rigoureux et périodique de nos objectifs, avec des cibles intermédiaires renouvelées tous les cinq ans, pour répondre à l’urgence climatique. Cette idée rejoint la proposition de la Commission de la relève de la CAQ, qui a elle aussi demandé à ce que le gouvernement du Québec adopte un budget carbone chaque année, permettant ainsi d’atteindre la carboneutralité.

Cet outil sera efficace à condition que le gouvernement s’en donne les moyens en s’appuyant sur les meilleures pratiques en la matière reconnues à l’international. Le gouvernement doit également être imputable face à la société civile quant à ses engagements, par une reddition de comptes rigoureuse pour restaurer la confiance citoyenne quant à l’action climatique.

Nous voulons plus que des vœux pieux, nous voulons un gouvernement pragmatique qui agit de manière responsable dès maintenant. Viser la carboneutralité pour 2050 requiert une planification minutieuse des mesures à mettre en œuvre pour atteindre cette cible, autant au niveau fiscal que législatif. Or, si l’on regarde les exigences de la science du climat, le Québec ne fait pas sa juste part pour limiter l’augmentation des températures mondiales sous le seuil de 1,5°C.

Nous passons déjà à côté de notre cible de réduction de 2020, et les lacunes du PÉV sont préoccupantes pour l’atteinte de la cible de 2030. Le Québec a les moyens d’agir et c’est ce que nous exigeons: un plan concret, ancré dans les exigences de la science, pour réussir une transition juste pour l’ensemble des Québécois et des Québécoises.

Soyons honnêtes, face à un consensus de plus en plus large au sein de la société québécoise sur l’importance d’augmenter l’ambition des politiques actuelles, le premier ministre du Québec, François Legault, croit qu’on a le luxe de négocier avec l’atmosphère.

Signataires

Catherine Gauthier, Directrice générale, ENvironnement JEUnesse

Viviane Aubin, Candidate à la profession d’ingénieur

Loïc Blancquaert, Conseiller municipal de Saint-Lambert

Mathieu Lapointe, Maire de Carleton-sur-Mer et préfet de la MRC Avignon

Elsa Moawad, Analyste en responsabilité d’entreprise, Groupe AGÉCO

Jonathan Mongrain, Étudiant à la maîtrise en gestion et développement durable de HEC Montréal

Kathia Narcisse, Co-présidente, Comité des Jeunes FTQ

Catherine P. Perras, Professionnelle en urbanisme

André-Yanne Parent, Directrice générale, Le Projet de la réalité climatique Canada

Eddy Pérez, Analyste principal aux politiques internationales, Réseau action climat Canada

Dre Claudel Pétrin-Desrosiers, Présidente, Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME)

Alix Ruhlmann, Membre du conseil d’administration, ENvironnement JEUnesse

Alice-Anne Simard, Directrice générale, Nature Québec

Zy St-Pierre-Bourdelais, Technologue en architecture et membre d’ENvironnement JEUnesse

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