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Pin-up moderne: fière, fatale, assumée... et certainement pas femme-objet!

Incursion dans un univers où règnent la diversité corporelle, l’affirmation de soi et la solidarité féminine.
Montage HuffPost Québec

Les pin-up, ces photos et dessins de femmes fatales que les militaires épinglaient au mur à partir des années 40, continuent d’interpeller bien des décennies plus tard. Cette représentation sensuelle et assumée attire de plus en plus de femmes, qui vont même jusqu’à l’incarner au quotidien, mais cette fois, ce n’est pas pour que messieurs puissent se rincer l’oeil.

Chelsey Frechette
Courtoisie/Chelsey Frechette
Chelsey Frechette

C’est une séance d’essayage dans une boutique vintage à Nashville qui a été une révélation pour Chelsey Frechette, il y a quelques années. «J’ai essayé six robes, et il n’y en a pas une qui ne m’allait pas. Pas une! J’ai regardé la vendeuse et je lui ai dit: “Je ne comprends pas, ça n’a pas de sens?”, se souvient-elle avec excitation. Je fais 5 pieds 10 et normalement, j’ai de la misère à m’habiller.»

La vendeuse lui a alors expliqué qu’à l’époque, les coupes étaient pensées pour mettre les formes des femmes en valeur, ce qui expliquait pourquoi toutes les robes qu’elle essayait convenaient à sa silhouette. «Je voulais feeler comme ça tout le temps.»

“Je suis la fille un peu bizarre qui arrive au travail toujours beaucoup trop habillée. J’ai les cheveux bleus et je porte des crinolines au travail!”

- Chelsey Frechette

Aujourd’hui, Chelsey Frechette, alias Sally Pepper, dit se définir par son style pin-up et son amour du rétro. «Pour moi, ça va au-delà du style vestimentaire. Je suis immergée là-dedans à temps plein, c’est devenu un style de vie pour mon conjoint et moi. Notre maison est complètement vintage et on a une vieille voiture, une Ford 52 Customline, mentionne la Montréalaise. Je suis la fille un peu bizarre qui arrive au travail toujours beaucoup trop habillée. J’ai présentement les cheveux bleus et je porte des crinolines au travail!»

Chelsey Frechette chez elle. Son domicile est un véritable saut dans le temps.
Courtoisie/Chelsey Frechette
Chelsey Frechette chez elle. Son domicile est un véritable saut dans le temps.

Une femme peut être une pin-up sans s’habiller vintage - et elle peut aussi s’habiller vintage sans être une pin-up, insiste Annie Boutin, alias Miss Satine, une Sherbrookoise qui a exploré une multitude de styles depuis trois ans. «C’est une femme sexy qui s’assume et qui est fatale dans son regard, dans son expression. C’est dans l’attitude», précise celle pour qui tout a commencé lorsqu’elle était plus jeune alors qu’elle accompagnait son père dans des expositions de voitures antiques.

Une femme peut être une pin-up sans s’habiller vintage et peut aussi s’habiller vintage sans être une pin-up. Pour son look lors de cette séance photo, Annie Boutin, alias Miss Satine, s'est inspirée de la culture tiki.
Frank Lam
Une femme peut être une pin-up sans s’habiller vintage et peut aussi s’habiller vintage sans être une pin-up. Pour son look lors de cette séance photo, Annie Boutin, alias Miss Satine, s'est inspirée de la culture tiki.

«Je me suis lancée là-dedans à 100 milles à l’heure. Au début, les gens voyaient ça comme un costume, comme si j’étais déguisée. Plus le temps avançait, plus c’était vraiment ça ma garde-robe. Ça fait vraiment partie de moi maintenant», raconte celle qui est l’une des administratrices du groupe Facebook Pin up en devenir. Près d’un millier de Québécoises en sont membres. Elles y partagent quotidiennement des tutoriels coiffure et maquillage, des photos de leur look du jour, un aperçu de leur dernière séance photo et une multitude de conseils pour devenir une pin-up aguerrie.

Un engouement grandissant

«Ça a vraiment poppé ces dernières années», observe Karine Gauthier, propriétaire depuis 12 ans de la populaire boutique de vêtements Kitsch’n Swell à Montréal. Sa clientèle se constitue autant de femmes qui souhaitent ajouter un peu de couleurs à leur garde-robe que de «vraies» pin-up. Elle a tout de même remarqué que de plus en plus d’entre elles se consacrent à cette passion.

Karine Gauthier, propriétaire de la boutique Kitsch’n Swell à Montréal
Courtoisie/Karine Gauthier
Karine Gauthier, propriétaire de la boutique Kitsch’n Swell à Montréal

Karine Gauthier est fière d’offrir des vêtements de grandeurs XXXS à 4XL, contrairement à bien des marques de «fast fashion» où la variété de tailles est rarement au rendez-vous.

«C’est un style vestimentaire qui est très flatteur pour la silhouette. Ce sont des vêtements coupés comme à l’époque. C’est pour ça que ça pogne autant en ce moment, affirme la propriétaire. Il y a des femmes qui n’ont jamais porté de robe ajustée qui repartent d’ici super heureuses, elles osent! Je ne vends pas des vêtements juste pour que tu t’habilles. Je vends des vêtements pour que tu t’affirmes et que tu te trouves belle.»

Pour plusieurs femmes d’ailleurs, incarner une pin-up moderne a un réel impact sur leur acceptation corporelle et leur estime de soi.

«C’est difficile d’avoir le sentiment d’être belle dans la société actuelle. J’ai l’impression que c’est ce que recherchent les personnes qui adoptent ce style-là, analyse Chelsey Frechette. Quand j’étais jeune, je n’étais pas cute et en plus, j’ai un TDAH et de la dyslexie donc à l’école, j’étais poche. Le pin-up m’a apporté l’acceptation de soi. Aujourd’hui, tu pourrais me dire que j’ai l’air d’un pichou, et je m’en sacre!»

«Il y a tellement de diversité corporelle dans ce milieu-là. Chaque femme peut avoir une pin up qui lui ressemble, il n'y a pas de standard, ça peut parler à tout le monde.» - Annie Boutin
Frank Lam
«Il y a tellement de diversité corporelle dans ce milieu-là. Chaque femme peut avoir une pin up qui lui ressemble, il n'y a pas de standard, ça peut parler à tout le monde.» - Annie Boutin

Annie Boutin, de son côté, a appris à aimer ses imperfections, surtout par l’entremise de séances photo. «J’avais de gros complexes avec mes jambes, mes cuisses, mes vergetures. Et quand je regardais les photos de moi en pin-up, je me disais “Wow”. Je ne pensais jamais que moi, je pouvais avoir l’air de ça», admet la femme de 32 ans. Maintenant, j’ai tellement confiance. Si je vais à la plage, j’ai zéro problème, je ne vais pas mettre de paréo. Je m’assume totalement.»

Malgré tout, ça fait plus que plaisir de se faire remarquer, avoue Karine Gauthier. «Le regard des autres sur soi, c’est thérapeutique. Veux, veux pas, on a toutes besoin de développer l’estime de soi.» Dès le moment où elle arbore son look, le reste vient automatiquement, dit-elle. «Quand je suis coiffée, maquillée et que j’ai mon rouge à lèvres rouge, j’ai l’impression que rien ne peut m’être refusé!»

Au-delà des vêtements

Les vêtements, la coiffure et le maquillage sont des éléments centraux pour les passionnées de cet univers qui fait voyager dans le temps. Mais être une pin-up, c’est bien plus que dans le look.

“Une pin-up, c’est une personne qui est fière.”

- Karine Gauthier

«Ce n’est pas tant un style. C’est plus une façon d’être», explique Annie Boutin. Karine Gauthier partage le même avis, et avance que ce qu’une pin-up dégage a une grande importance. «On travaille beaucoup notre posture, c’est super important. Avoir le dos droit, la poitrine vers l’avant, le menton relevé... une pin-up, c’est une personne qui est fière.»

Karine Gauthier dans sa boutique du boulevard Saint-Laurent à Montréal.
Instagram/kitschnswellmtl
Karine Gauthier dans sa boutique du boulevard Saint-Laurent à Montréal.

Certaines pin-up affirment incarner en quelque sorte un personnage lorsqu’elles sont en public ou lors de séances photo. Sally Pepper, Miss Satine... elles sont nombreuses à avoir un alter-ego. Il existe même un registre international pin-up pour éviter de choisir le même nom qu’une autre consoeur.

«Les gens me reconnaissent à l’épicerie. Je suis une fille super gênée et introvertie. Me faire aborder par des étrangers qui trouvent que mon style est beau, au début, je trouvais ça un peu difficile», admet Annie Boutin. Je me suis forgée une espèce de personnalité publique. En public, c’est mon alter ego, Miss Satine, que je présente.»

Bien que de plus en plus connectées via les réseaux sociaux, les femmes de la communauté pin-up québécoise ont régulièrement l’occasion de se réunir lors de divers événements. Les concours pin-up sont très prisés, mais dans la province, le Kildare Deluxe, à Saint-Ambroise-de-Kildare, est le plus couru. À l’échelle internationale, Viva Las Vegas est le plus gros concours pin-up.

Le concours Kildare De Luxe en 2018. (Annie Boutin, deuxième à partir de la gauche et Chelsey Frechette, troisième à partir de la gauche)
Facebook/Kildare De Luxe
Le concours Kildare De Luxe en 2018. (Annie Boutin, deuxième à partir de la gauche et Chelsey Frechette, troisième à partir de la gauche)

Les femmes se réunissent aussi dans les expositions de voitures anciennes, le meilleur endroit pour les rencontres entre pin-up, là où se forgent régulièrement de belles amitiés. «On se soutient l’une l’autre, on s’encourage entre nous. C’est ce qui me touche le plus de cette nouvelle communauté-là», affirme Karine Gauthier.

COVID-19 oblige, tous ces événements n’ont pas lieu cette année, et les participantes ont bien hâte de retrouver leurs rituels annuels.

Des pin-up au goût du jour

Le style de vie pin-up a beau prendre une grande place dans la vie de ces femmes, elles sont toutefois catégoriques, elles n’adhèrent pas du tout aux valeurs d’autrefois.

“On a l’adage "Vintage style, not vintage values". Je ne suis pas une femme au foyer, je n’attends pas que mon homme arrive pour lui faire à souper.”

- Annie Boutin

«C’est vrai que ça peut sembler drôle de vouloir jouer la femme-objet, mais de s’objecter d’être une femme-objet! Mais je le fais pour moi, je veux plaire à moi en premier. On a l’adage “Vintage style, not vintage values”(le style vintage, pas les valeurs vintage), résume Annie Boutin. Je ne suis pas une femme au foyer, je n’attends pas que mon homme arrive pour lui faire à souper. C’est zéro ça. Je suis une fille moderne, j’ai une job à temps plein.» Une réflexion partagée par Chelsey Frechette, qui assure que son conjoint fait le ménage et la vaisselle.

La communauté pin-up, c'est aussi l'occasion de nouer de véritables amitiés.
Instagram/miss.satine.lemans/Frank Lam
La communauté pin-up, c'est aussi l'occasion de nouer de véritables amitiés.

«Je suis fière. Je suis vraiment fière d’être une femme pin-up en affaires qui a réussi toute seule. Je suis autonome!», affirme quant à elle Karine Gauthier, qui certifie que les pin-up modernes entretiennent un état d’esprit qui n’a rien avoir avec la vie des années 50, où les femmes étaient de toute façon perçues comme inférieures à l’homme.

Et contrairement à ces années où les femmes épinglées sur les murs étaient minces et blanches, aujourd’hui, toute femme peut aspirer à être une pin-up, promet Annie Boutin.

«Si tes mensurations ne fittent pas avec Marilyn Monroe, tu te demandes, est-ce que je peux faire ça, moi? La réponse c’est oui. Tout le monde peut le faire.»

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