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J'ai perdu le goût et l'odorat pendant des mois à cause du coronavirus

Depuis que le virus a quitté mon corps en juin, tout ce que je mange a un goût de pourri et sent le vomi. Je dois carrément réapprendre à goûter et à sentir.
Nuthawut Somsuk via Getty Images

Dire que je suis obsédée par la nourriture est un euphémisme.

Je suis devenue une grande mangeuse dès que j’ai eu des dents pour mastiquer. Enfant, mes parents savaient que lorsque je demandais quelle heure il était, ce que je voulais vraiment dire c’était: est-ce que c’est déjà l’heure de manger? Cette passion pour l’alimentation a grandi avec moi, et je suis devenue une blogueuse en alimentation - oui, je suis une de ces personnes ennuyeuses qui partagent sur Instagram tout ce qu’elles mettent dans leur bouche - avant de faire carrière dans le marketing alimentaire. J’ai même écrit mon propre livre de cuisine pour les invités de mon mariage il y a cinq ans.

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Et pourtant, me voici, 38 ans et des milliers de repas plus tard, presque incapable de manger à cause de la parosmie, un trouble qui a complètement déformé mon sens du goût et de l’odorat. Vous n’en aviez jamais entendu parler? Moi non plus. Jusqu’à ce que je contracte le coronavirus.

Lorsque le confinement a frappé en mars, le coronavirus a fait de même dans notre foyer. Mon mari n’avait pratiquement pas de symptômes, tandis que ma fille toussait et a fait de la fièvre pendant une nuit. Moi, par contre, j’ai eu tous les symptômes pendant trois semaines. Lorsque j’ai commencé à me sentir enfin mieux, je me suis rendu compte que j’avais perdu le sens du goût et de l’odorat. Mes amis ont dit en blaguant que c’était la pire chose qui pouvait arriver à quelqu’un comme moi, mais personne ne pouvait savoir ce qui allait suivre.

En juin, après avoir cru, pendant deux mois que le virus avait disparu de mon organisme, j’ai soudainement commencé à sentir des odeurs très étranges et désagréables. J’ai remarqué que le café, les oignons et l’ail, en particulier, sentaient tous mauvais - pire que mauvais, presque pourris. Les produits de nettoyage, les shampoings, les savons et les fruits ont tous commencé à sentir mauvais aussi, comme du vomi. Je n’arrivais pas à comprendre ce qui se passait, et personne d’autre ne sentait ce que je sentais. Je savais que quelque chose n’allait pas.

“Céréales, pain, chocolat, fruits, beurre d’arachide, riz, pommes de terre - tout goûtait ce que je pourrais imaginer comme le goût des matières fécales.”

Ça a rapidement progressé et presque tout sentait la pourriture et toute la nourriture commençait à avoir le même goût. Céréales, pain, chocolat, fruits, beurre d’arachide, riz, pommes de terre - tout goûtait ce que je pourrais imaginer comme le goût des matières fécales (et si je pouvais donner une description encore plus forte, croyez-moi, je le ferais).

Soudainement, je ne pouvais plus manger. Je ne pouvais plus du tout manger. J’ai passé des semaines à me sentir complètement perdue, émotive, en larmes et surtout, affamée. Incroyablement affamée. Tout sentait mauvais et avait si mauvais goût qu’il devenait impossible de manger autre chose que du céleri, des raisins et des carottes crues. Je n’avais plus d’énergie, je tremblais et j’étais inquiète des conséquences que cette situation aurait sur moi, sur mon mari et, surtout, sur ma fille de deux ans.

Mes symptômes ne se limitaient pas à l’odeur et au goût. Je commençais aussi à avoir des coupures douloureuses à l’intérieur de mon nez et j’avais constamment l’impression que mes dents étaient très sales à cause de la plaque dentaire accumulée. Mon haleine me paraissait horrible, bien que mon mari même si mon mari m’assurait qu’elle ne l’était pas. J’avais un peu l’impression de m’effondrer, je pensais que je n’avais plus le coronavirus depuis un certain temps et je ne savais pas quoi faire.

Selon Google, je souffrais de parosmie, un trouble qui peut être provoqué par un virus des voies respiratoires supérieures (ding, ding, ding - nous avons un gagnant). Plus je lisais, plus j’avais peur. Il y a des histoires d’horreur de personnes qui n’ont jamais retrouvé leurs sens ou qui ont mis des années à s’en remettre. J’ai décidé que je ne pouvais pas attendre et je suis allée voir le médecin.

“Mon cerveau essaie désespérément de comprendre les odeurs qui m’entourent, mais il est incapable de recevoir ces odeurs correctement, donc il les interprète comme «mauvaises».”

Le médecin est allé voir dans ces zones-là et a finalement pu donner un sens (jeu de mots voulu, bien sûr) à tout ça. Le coronavirus avait effectivement tué certaines des cellules de mon nez, qui essaient maintenant de se réparer. En même temps, mon cerveau essaie désespérément de comprendre les odeurs qui m’entourent, mais il est incapable de recevoir ces odeurs correctement, donc il les interprète comme «mauvaises». Ça signifie qu’il interprète des aliments comme étant «mauvais» également. Les coupures dans mon nez et mes dents «sales» sont dues au fait que mon cerveau est maintenant hypersensible dans toute la région de mon nez et de ma bouche, de sorte que toute sensation minime, voire insignifiante, est maintenant multipliée par 100.

Le médecin m’a indiqué que je devais travailler sur la pleine conscience (un terme dont je n’ai jamais été très fan) pour laisser mon cerveau faire le travail nécessaire pour récupérer. Je dois également m’efforcer de ne pas être stressée (ce qui est si facile pendant une pandémie), me reposer correctement et donner à mes cellules et à mes sens le temps de guérir. Il m’a donné des gouttes nasales de stéroïdes pour aider les cellules à se réparer et m’a dit de faire un entraînement olfactif. Selon lui, le fait d’avoir encore le sens de l’odorat est un bon signe. Il a prédit que dans un an - un an! - je devrais, il l’espère, aller mieux.

Depuis, j’ai constaté une certaine amélioration. Je suis maintenant capable de manger certaines choses et j’essaie de trouver comment éviter les aliments qui posent vraiment problème. Je sais, par exemple, qu’il faut éviter tout ce qui est caramélisé, grillé, rôti, frit ou dont les sucres ont été trop cuits. Je sais que je ne peux toujours pas manger de céréales, de rôties, de chocolat, de noix, d’aliments transformés ou d’oignons. Mais je sais aussi que, la plupart du temps, je peux faire du poisson ou de la viande simplement cuits ou pochés. Je peux manger des pâtes, du riz brun et la plupart des produits laitiers. Je peux tolérer la plupart des légumes et la liste des fruits s’allonge également.

Même si un aliment ne goûte pas nécessairement mauvais, il ne goûte pas comme d’habitude.
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Même si un aliment ne goûte pas nécessairement mauvais, il ne goûte pas comme d’habitude.

Ce n’est pas facile et je suis troublée de ne plus pouvoir apprécier les aliments comme dans le passé. Même si un aliment ne goûte pas nécessairement mauvais, il ne goûte pas comme d’habitude. Je dois planifier mes repas comme je ne l’ai jamais fait auparavant - et même avec toute cette planification, du jour au lendemain, un aliment que je croyais bon peut redevenir immangeable. C’est un jeu de devinettes constant.

Je m’inquiète régulièrement de l’impact que ça aura sur ma fille, qui est peut-être la plus grande mangeuse du monde à deux ans. Elle a toujours tout mangé et apprécié la nourriture avec un tel enthousiasme, et je ne veux pas qu’elle prenne de mauvaises habitudes en étant témoin de cette nouvelle façon de se débattre lors de tous les repas.

Tout le monde parle du coronavirus. Nous connaissons tous les symptômes de la toux, de la fièvre et de la perte du goût et de l’odorat. Mais ce dont nous parlons moins, ce sont les effets continus et durables du virus dont nous savons encore si peu de choses. La parosmie n’est qu’un exemple parmi d’autres, mais c’est un trouble qui peut durer des années et avoir un impact réel sur le bien-être mental et physique des personnes qui en souffrent. Nous devons en parler ouvertement, parce que le plus dur pour moi a été le sentiment que les autres ne comprenaient tout simplement pas.

Je continuerai à partager mon histoire pour que les gens sachent qu’ils ne sont pas seuls et pour que nous puissions tous mieux connaître les effets à long terme de ce virus dont nous parlons tant. J’ai beaucoup plus espoir maintenant et je pense que d’ici la prochaine année, je pourrai à nouveau manger et apprécier ma nourriture comme avant. Chose certaine, s’il y a quelqu’un qui s’engage à savourer des repas à nouveau, c’est bien moi.

Ce texte initialement publié sur le HuffPost Royaume-Uni a été traduit de l’anglais.

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