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Plaidoyer contre la peine de mort

Les chiffres, éloquents et troublants, sont un signe important témoignant du fait qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire pour parvenir à une abolition complète de la peine capitale en toutes circonstances.
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Les chiffres, éloquents et troublants, sont un signe important témoignant du fait qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire pour parvenir à une abolition complète de la peine capitale en toutes circonstances.

Car oui, nous sommes pour l'abolition de la peine de mort pour n'importe qui et pour n'importe quel type de crime. De nombreux préjugés et fausses conceptions existent concernant la peine capitale, et ce, pour diverses raisons, notamment le fait que ces crimes odieux viennent chercher quelque chose de profondément émotionnel chez les gens qui voient son recours comme la solution pour punir les criminels. Au-delà des chiffres, au-delà des abus et des dérapages et des explications rationnelles, certains se disent que si l'on peut punir des individus qui à leurs yeux ne méritent pas de vivre, et bien le monde ne s'en portera que mieux et sera plus sûr pour nos familles et nos enfants.

Et pourtant, aucune étude ne prouve que la peine de mort ait un quelconque effet dissuasif. Abolie au Canada en 1976, le taux d'homicide n'a fait que baisser depuis et dans les faits, le pourcentage de condamnés à vie en libération conditionnelle qui commettent à nouveau un crime violent est inférieur à 0,1%. Dans plusieurs pays où l'on a recours à celle-ci, et bien le taux de criminalité a même augmenté ce qui prouve qu'il n'existe aucune corrélation directe entre son application et le phénomène de la délinquance.

Plusieurs diront que nous gaspillons nos fonds publics à nourrir et à protéger des bandits qui vivent dans le luxe de nos prisons et que de les mettre à mort nous coûterait beaucoup moins cher. En réalité, aux États-Unis la peine de mort représente un coût de 2 à 3 fois plus élevé que les sentences d'emprisonnement à vie, principalement en raison de toutes les démarches juridiques et administratives qui existent entre le prononcé de la peine et son exécution. Ce délai pouvant aller jusqu'à plusieurs décennies, est néanmoins nécessaire comme le démontrent les 10 années d'incarcération dans le couloir de la mort en moyenne des 144 condamnés ayant été par la suite innocentés.

Malgré tout, beaucoup de gens disent que le jour où les abolitionnistes vivront le meurtre d'une personne qui leur est chère ou celui de leur propre enfant, leur opinion sur la peine de mort changera du tout au tout et deviendra favorable à celle-ci. C'est possible. Or, il existe des familles qui ont vécu un tel drame qui sont malgré tout pour son abolition et qui militent même pour sa disparition. Quand on met à mort un individu, c'est une deuxième famille qui vit aussi un drame tout aussi horrible qui est victimisée.

Et lorsqu'on parle de victimes, il faut aussi parler des erreurs judiciaires. À l'automne 2010, nous avons eu la chance de rencontrer Juan Meléndez, un homme ayant passé près de 18 ans dans le couloir de la mort en Floride pour un crime qu'il n'avait pas commis. À sa sortie de prison, on ne lui a donné que $100, une paire de jeans et un t-shirt comme compensation. On peut aussi penser à Troy Davis, cet homme noir ayant été exécuté en 2011 pour le meurtre d'un policier blanc dans l'État de la Géorgie et pour qui la preuve ne reposait que sur 9 témoins oculaires dont 7 se sont rétractés par la suite. Pas d'arme du crime, pas d'ADN, rien, niet, nada. Que des témoins oculaires hésitants, mais il a quand même été mis à mort.

Étant pour ou contre la peine de mort, nous croyons que nous pouvons tous nous entendre sur ce point et qu'aucun innocent ne devrait être exécuté, mais pourtant, cela arrive, beaucoup plus fréquemment qu'on ne le croit. Et ces innocents sont d'abord ceux qui n'avaient pas les moyens de se payer un avocat, comme 95% des condamnés à mort, souvent issus des minorités visibles; allez savoir pourquoi. Le système judiciaire étant géré et créé par les humains, a lui aussi droit à ses failles et ses magouilles. Comme toute entité crée par l'Homme, elle est imparfaite.

Par ailleurs, abordons la question d'un œil plus philosophique ou moral. De qui de droit sommes-nous pour juger de vie ou de mort sur un autre être humain? Ne sommes-nous pas censés montrer l'exemple? Tuer pour montrer que tuer est mal nous semble profondément contradictoire. Est-ce les valeurs de la société dans laquelle nous voulons vivre? Une société basée sur la vengeance, la colère et le ressentiment, tous des sentiments qui détruisent une personne de l'intérieur quand ils sont ressentis à long terme? Rappelons Isabelle Gaston en entrevue qui disait qu'elle vivait le deuil de ses enfants assassinés aux mains de Guy Turcotte de la même manière qu'elle aurait aimé que ses enfants vivent un tel drame si eux avaient aussi perdu leurs enfants de la sorte. Elle s'était d'ailleurs prononcée publiquement contre la peine de mort à l'émission Tout le monde en parle en février 2012. Nous convenons qu'il faut une force de caractère hors du commun et une sagesse très grande pour vivre un tel drame de cette façon. Sans vouloir juger les différents parcours lorsque des gens vivent de tels drames, nous pensons ainsi que Madame Gaston est un modèle de résilience à suivre.

Ne pouvons-nous pas dire que la peine de mort est un meurtre légal? Cette évidence nous semble flagrante à nos yeux. Et c'est pour cette raison que nous devons continuer de militer pour un système de justice qui cherche les causes profondes et complexes de la criminalité plutôt que de les réduire au simple fait de tuer ceux qui ne se conforment pas au "contrat social".

Avec la collaboration de Charles Perroud, Coordonnateur pour l'abolition de la peine de mort d'Amnistie internationale section Canada francophone

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