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Ce n’est pas un compliment de dire à une femme enceinte qu'elle paraît mince

Et si nous ne faisions simplement pas de commentaires au sujet du corps des femmes enceintes?
PEDRO LINARES / EYEEM VIA GETTY IMAGES

Je savais exactement ce qui se produirait quand ça se saurait, à la maternelle de mon fils, que j’étais à nouveau enceinte, mais ça n’a pas rendu les choses plus faciles.

Les charmants enseignants se sont rassemblés autour de moi quand je suis allée chercher mon fils, tandis qu’il mettait ses bottes dans les mauvais pieds, comme il le fait toujours. Ils m’ont félicitée et étaient heureux d’apprendre que c’était un autre garçon, puis ils m’ont demandé où j’étais rendue dans ma grossesse.

«Je suis à 24 semaines.»

Tous les yeux se sont tournés vers mon ventre, à ce moment écrasé dans mon manteau trop petit. Ensuite, ça a commencé.

«Quoi?!»

«Ce n’est pas possible!»

«On ne pourrait jamais dire que vous êtes enceinte!»

J’ai ressenti le besoin de dézipper mon manteau pour le prouver. Toutes les mains se sont dirigées vers mon ventre.

«Vous êtes minuscule!»

«Vous n’avez pas l’air d’être à 24 semaines!»

«Surtout pour une seconde grossesse!»

J’ai ricané, j’ai installé mon enfant dans la voiture, je l’ai emmené à son cours de natation, je l’ai mis au lit, j’ai mangé la moitié d’un gâteau au chocolat McCain en position fœtale (vive la grossesse!), je suis éventuellement allée me coucher, puis je suis restée éveillée pendant des heures en imaginant que mon bébé ne se développait pas correctement, que mon placenta praevia avait freiné sa croissance et que j’allais perdre mon bébé.

Mais merci pour le compliment, mesdames!

Natalie Stechyson, enceinte de 24 semaines
Natalie Stechyson
Natalie Stechyson, enceinte de 24 semaines

Arrêtez de commenter le corps des femmes enceintes. Sérieusement. Arrêtez ça. Quelle que soit notre taille, on ne veut rien entendre.

Certaines femmes ont un plus gros ventre, comme ma sœur, qui a reçu des commentaires d’inconnus lui disant qu’elle «devait être presque due» alors qu’elle était enceinte de 28 semaines (une grossesse typique est de 40 semaines). J’ai vu un homme qui arrosait son jardin lui crier ça alors qu’elle marchait dans la rue à côté de moi. Ça la fait se sentir comme une baleine et remettre en question ses choix en matière de régime. Au final, elle a accouché d’un minuscule bébé de cinq livres, ce qui prouve à quel point le fait que le ventre d’une femme soit «gros» ou «petit» n’est pas un prédicteur de quoi que ce soit.

Certaines femmes enceintes ont un ventre plus petit, comme moi. Quand j’étais enceinte de mon premier enfant, je n’ai jamais eu le ventre parfait en forme de ballon de basket. J’étais plutôt comme un globe gonflé de partout, mais j’ai reçu des commentaires comme quoi j’étais minuscule partout où j’allais. Une serveuse m’a dit que c’était impossible que je sois à 32 semaines et j’ai presque demandé à mon mari de me conduire à l’hôpital pour m’assurer qu’il n’était rien arrivé au bébé.

J’ai accouché presque un mois plus tôt, à 36 semaines, et même là, mon fils pesait bien plus de sept livres. Les infirmières me disaient que j’avais de la chance: si je m’étais rendue à terme, il aurait pu être un gros bébé de 10 livres.

Vous voyez où je veux en venir?

Natalie Stechyson
Natalie Stechyson
Natalie Stechyson

Dans une société obsédée par la minceur et les régimes amaigrissants, les femmes sont constamment exposées à des commentaires sur leur corps.

Mais la grossesse en particulier ouvre la porte à des commentaires non sollicités. On le fait dans les grands titres (pour être honnête, je ne sais pas comment Kate Middleton et Meghan Markle endurent tout ça), et nous le faisons dans la vraie vie. Nous le faisons aux femmes enceintes et à celles qui sont en post-partum.

C’est ce qu’on appelle la stigmatisation liée au poids, et c’est très courant

Une étude réalisée en 2019 a révélé que la stigmatisation liée au poids est «de plus en plus répandue» pendant la grossesse et représente un lourd fardeau psychologique pour les mères. Les auteurs notent que ça peut être «très angoissant et associé à une série de conséquences négatives sur la santé et sur le plan psychologique», y compris la dépression. Et plus elles reçoivent de commentaires, pires sont les conséquences.

«Ces résultats reflètent la puissante signification négative de la prise de poids pendant la grossesse dans la société et les normes sociales inatteignables qui consistent à «réduire le poids du bébé» en tant que nouvelles mères, ont conclu les auteurs.

En d’autres termes, ces commentaires paraissent inoffensifs? C’est en fait vraiment nuisible!

Je comprends que les gens veulent bien faire quand ils me disent que je suis toute petite. Personne n’essaie d’être méchant ou de me faire du mal, mais plutôt l’inverse. Quand on me dit que je suis «petite», on ajoute souvent «et si mignonne!» et «Tu es superbe!». Je reçois ces commentaires de la part de mes amis lorsque je publie de temps en temps des photos sur les réseaux sociaux. Mon père me fait aussi ce genre de commentaires, avec une note de fierté dans la voix (Ugh, pourquoi?!). Et ça m’arrive absolument chaque fois que j’entre dans la garderie de mon enfant.

Mais voici ce que la plupart des gens ne savent pas quand ils me font un compliment au sujet de mon corps.

C’est (j’ai espoir, tous les signes indiquent «oui») mon deuxième bébé, mais ma quatrième grossesse. J’ai fait une fausse couche avant chacune de mes grossesses à terme, et les deux pertes ont été incroyablement traumatisantes sur le plan physique et psychologique.

Depuis, on m’a diagnostiqué un trouble d’anxiété généralisée - je prends des médicaments, je vois un psychiatre et je suis considérée à haut risque pour la dépression post-partum - merci à mes deuils antécédents.

J’ai passé toute ma deuxième grossesse, celle qui m’a donnée mon fils, à être persuadée que je le perdrais. Je m’excusais souvent et quittait des lieux pour aller vérifier s’il y avait du sang et j’étais certaine de voir les signes indicateurs chaque fois que je m’essuyais après être allée aux toilettes. Pendant huit mois, j’ai vécu chaque jour dans la peur.

Me faire dire que j’avais l’air minuscule me faisait partir en spirale. À chaque fois.

Avec cette grossesse, dans la foulée de ma dernière fausse couche, les mêmes peurs reviennent (même si elles sont légèrement atténuées, grâce à mon nouveau petit ami, Zoloft). Mais en plus des inquiétudes générales quant à la perte possible du bébé, j’ai aussi des peurs plus spécifiques. La complication que j’ai mentionnée plus tôt, appelée placenta previa, me rend plus vulnérable aux saignements et à la naissance prématurée.

Me faire dire que j’ai «à peine l’air enceinte» fait ressortir toutes ces peurs. À chaque fois.

Mais bien sûr, la plupart des gens ne le savent pas. Pourquoi le sauraient-ils? Comment l’un de nous peut-il savoir ce qu’une femme enceinte a vécu ou traverse? Et au fait, elle n’a pas besoin d’être passée à travers quelque chose pour se sentir complètement bousillée à propos d’un commentaire pas si inoffensif sur son apparence.

Natalie Stechyson et sa famille
Natalie Stechyson
Natalie Stechyson et sa famille

Alors, la prochaine fois que vous sentirez l’urgent besoin de commenter le corps d’une femme enceinte - qu’il soit «gros» ou «petit», même si vous pensez que c’est un compliment - demandez peut-être simplement à la personne comment elle se sent. Ou offrez-lui un siège (elle est probablement fatiguée). Ou une collation (elle a définitivement faim).

Ou, ne dites rien du tout sur son apparence, tout comme vous le feriez pour une étrangère non enceinte que vous voyez se promener dans la rue. Encore une fois, pour les personnes à l’arrière: arrêtez de commenter le corps des femmes enceintes!

J’ai vu mon médecin cette semaine et j’ai poussé un soupir de soulagement lorsque nous avons entendu les battements de cœur du bébé. Je lui ai dit que j’étais anxieuse parce que les gens me répètent sans cesse que je suis mince, et comme il est très gentil, il a mesuré mon abdomen pour moi.

«C’est exactement ce à quoi on s’attend rendu à 24 semaines», m’a-t’il dit, sentant les contours de mon utérus et l’emplacement du bébé avec ses mains.

«La seule chose que je pourrais relever, c’est que je dirais que ce bébé est du côté le plus gros.»

Juste comme son frère. Seigneur aidez-moi.

Ce texte, initialement publié sur le site du HuffPost Canada, a été traduit de l’anglais.

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