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Les Jeux olympiques des parents d'enfants autistes

En février, lorsque je regardais les Jeux olympiques de Sotchi, j'étais éblouie par les prouesses des jeunes athlètes faisant des pirouettes et des acrobaties avec des skis, sautant en l'air en planche à neige, défiant les lois de la gravité et me surprenant à chaque détour. Puis un soir, je me suis dit que finalement, nos vies de parents d'enfants autistes, c'était un peu ça.
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En février, lorsque je regardais les Jeux olympiques de Sotchi, j'étais éblouie par les prouesses des jeunes athlètes faisant des pirouettes et des acrobaties avec des skis, sautant en l'air en planche à neige, défiant les lois de la gravité et me surprenant à chaque détour. Puis un soir, je me suis dit que finalement, nos vies de parents d'enfants autistes, c'était un peu ça. On jongle constamment avec des difficultés, on saute très haut, on tombe, on se relève, on recommence. Mais on ne gagne pas de médaille à la fin. On fait le deuil de l'enfant rêvé, mais ce deuil-là, on le fait en silence. On pleure en cachette, car on a honte de ce que l'on ressent. On s'isole par peur de déranger les autres avec notre vie qui est trop différente.

Finalement ce qui est si complexe, c'est le fait de vivre des moments de plénitude qui s'alternent avec des moments de difficultés intenses sans jamais savoir quand cela va arriver. Un matin peut être radieux et notre enfant aussi, mais un changement de routine ou parfois même un élément que nous ignorons ou qui nous échappe totalement peut amener l'orage le plus noir. On doit constamment gérer des émotions négatives : de la tristesse, de l'inquiétude au quotidien, de l'anxiété face aux perspectives d'avenir, des désirs refoulés par rapport à des attentes parfois irréalistes, de l'envie (l'un des 7 péchés capitaux!) quand on entend un parent discuter avec son enfant tranquillement assis à la garderie à côté de notre enfant qui regarde au loin l'air distrait. Comment se défaire de cette révolte intérieure? Pour l'instant, je n'ai pas trouvé d'autre réponse que d'être patiente et de croire en notre enfant. Il faut aussi une bonne dose d'acceptation. Notre enfant est merveilleux à sa façon, je ne le dirais jamais assez. Je réalise surtout que personne ne semble avoir de réponses.

Hier notre fils était un bébé, aujourd'hui il est un petit garçon très moteur et toujours enjoué, et demain on ne sait pas quel adulte il sera. Par contre, on commence à découvrir sa personnalité, son intelligence, son humour même. Il est rieur mais têtu, rêveur mais affectueux, coquin et attachant.

Pour nous aider à tolérer les mauvais jours, et ils sont nombreux, il faut se rappeler que tout est temporaire, tant le bien que le mal. Il faut tirer des leçons de nos expériences : retenir qu'il n'est pas nécessaire de courir voir tous les professionnels de la santé pour offrir les meilleurs services à notre enfant, au contraire, chaque visite à l'hôpital dans un environnement étranger avec des nouveaux visages lui cause (et nous cause) une immense dose d'anxiété. D'ailleurs, de nombreux professionnels spécialisés en TSA affirment qu'il faut traiter l'enfant dans son milieu de vie. Évidence qui semble ne pas avoir été comprise par le corps médical qui nous a organisé rendez-vous sur rendez-vous avec un petit enfant déstabilisé dans un hôpital aux longs corridors sans fin.

Après 2 ans de rendez-vous avec une panoplie de professionnels censés nous aider, j'arrive à une conclusion toute simple : il est inutile de trop en faire. «Qui trop embrasse mal étreint». Ce dont les parents d'enfants autistes ont besoin c'est d'un guichet unique pour les services qu'ils reçoivent. Pourquoi offrir quelques heures d'orthophonie ou d'ergothérapie à un enfant autiste qui ne reverra jamais la personne devant l'aider? Et que dire des services offerts gratuitement, si décevants pour nous qui les avons attendus si longtemps...

De l'aide oui, mais quelle aide?

On m'a déjà demandé ce qui aide le plus. Certainement, ce n'est pas de nous plaindre mon mari et moi. Cela nous renvoie une image de victime désolante. «Vous êtes si courageux» ou «Je ne sais pas comment vous faites» ne servent à rien car vous feriez de même à nos places. Vous ne laisseriez pas tomber votre enfant.

Je n'ai rencontré que des parents extraordinaires sur mon chemin. Dévoués, courageux, vaillants, positifs, parfois tristes, même endettés et souvent fatigués, mais continuant le combat. Certes, les gens sont bien intentionnés, chacun a sa petite histoire sur un autiste dont il a entendu parler qui est devenu un génie plus tard, désir compréhensible de redonner espoir en l'avenir. Il y a aussi ceux qui nous disent qu'eux aussi ont des défis avec leurs enfants et que leurs enfants ne sont pas autistes. À tout cela, je réponds : «oui, je le sais».

Et j'ajoute que ce qui fait du bien, ce n'est pas de nous dire combien nous sommes courageux, mais plutôt de nous proposer votre présence, de temps en temps. D'offrir de nous changer les idées. De penser à nous inclure dans une sortie où l'on parlera de tout et de rien. De nous inviter à faire des activités avec vos enfants même s'il est probable qu'on dira non sachant trop bien qu'une sortie ou une nouvelle activité pourrait tourner au vinaigre. Que notre enfant ne jouera pas forcément avec les vôtres. Mais de le proposer quand même.

Le blogue d'Emmanuelle Assor est publié dans le cadre de l'opération Voyez les choses à ma façon, une initiative de la Fondation Miriam. Cette campagne rappelle l'importance de faire preuve d'empathie envers les personnes atteintes d'un TSA et met en évidence le caractère unique de leurs besoins en termes de traitement, de soutien, de sensibilisation et de mobilisation. Visitez voyezleschosesamafacon.org pour vous joindre au mouvement.

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