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Autisme: je me fous de ce que vous pensez!

En 2016, personne ne fixe une personne trisomique ou en chaise roulante dans le métro. Mais à une personne autiste, on le fait...
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Quel beau mardi chaud de fin mai! Après le souper, nous partons, mon chum et moi, faire un tour sur le canal Lachine avec le petit, laissant les deux grands à la maison. «Tasse-toé, crisse de cave!», nous lance un cycliste dans la trentaine qui ne veut pas perturber sa ligne sur la piste cyclable. C'est qu'il ne sait pas. Comme le papy à la barbe de tout à l'heure, qui nous répète gentiment que notre fils doit «faire attention avec son bout de bois». Et ceux qui ont assisté à une séance de «crocs surfing» sur les petites roches pour tirer le petit jusqu'à la voiture.

Lorsqu'on quitte le nid sans les grands avec notre petit de 7 ans, nous avons souvent l'air de vieux parents indulgents laissant faire les 400 coups à notre petite vermine de fils. Nous avons passé la mi-quarantaine et le petit, barbouillé par toutes les petites roches qu'il secoue depuis une demi-heure, a l'air d'un chat de gouttière. C'est un ballet infernal pour le garder dans le droit chemin.

Mais non, ce n'est pas un gamin ordinaire comme il en a l'air. Il est autiste et non verbal, et il ne comprend rien à vos relations sociales, à vos territoires, à votre «acceptabilité».

Puis tôt aujourd'hui, à l'école de ma grande, il a aussi fait son petit vilain. Sur la route, il a brisé deux verres au café d'à côté alors que je saluais des copains, et il a fixé les plantes qu'il avait envie de déterrer. Ben quoi, vous avez jamais eu envie de déterrer des plantes au magasin?!

Non mais, sérieusement, il a continué son chemin en lançant son béret sous les roues de l'autobus de la ville. Rendu à l'école, il était pris d'une envie de renverser ou de perturber tous ceux qu'il croisait : la petite fille qui tenait une boîte de plastique avec un escargot et son eau, la plus grande dont il a tiré les cheveux au passage, et l'autre qu'il a tenté d'attraper par les bretelles. Il n'est pas comme ça tous les jours. C'est plutôt rare, mais aujourd'hui, c'était le bazar.

Chaque fois que je sors ainsi et qu'il n'est pas possible, je suis encore plus persuadée qu'il faut que je le refasse, encore et encore.

Me rendre la vie difficile, même si personne ne nous veut du mal, ça me donne encore plus envie de sortir. Je suis comme ça, je suis entêtée. Si tu me dis de me terrer à la maison, je vais vouloir sortir illico presto. On ne se refait pas. Et avec mon expérience de mère de 3 enfants, dont un enfant handicapé, j'ai encore plus envie de croquer dans la vie, et de ne surtout pas me faire imposer des limites par la société.

Donc, oui, on se fait des terrasses et des restos, bien que notre fils soit autiste et puisse faire n'importe quoi, n'importe quand. Il a déjà lancé et cassé des verres, et des assiettes... presque sur d'autres clients. Pas encore de poursuite! Il a déjà tenté de renverser la table et réussi à renverser des chaises, mangé dans les assiettes des autres, mangé les chandelles ou soufflé dessus (il adore!).

Malgré les cris, les agissements ou les drôles de bruits qu'il peut faire et qui peuvent attirer l'attention, je ne vais pas cesser d'y être. Je ne vais pas dans des 3 services, mais on a le droit comme tout le monde de se faire un resto de temps en temps. C'est pas parce qu'il est autiste qu'on est interdit de terrasse! Lorsqu'il sera plus grand et plus fort, ça sera plus compliqué par contre, moins pardonnable peut-être. Alors on travaille fort aujourd'hui, justement, à l'amener là, pour que ça soit plus facile plus tard à rentrer dans notre quotidien.

Mais moi, je m'en fous de ce que vous pensez.

Je me fous de la dame qui nous trouve trop mou. Je me fous du jeune qui fixe mon fils. Je me fous des autres parents qui pensent qu'on ne fait pas une bonne job... jusqu'à ce qu'ils comprennent qu'il est handicapé.

Je m'en fous, parce qu'ils ne savent pas, parce qu'ils comprendront un jour, peut-être. Mais surtout, plus ils verront des enfants comme mon fils dans des restos et sur des terrasses, à la plage, au ciné, plus ils comprendront. Et plus ça sera «normal».

Mais ce qui me préoccupe, c'est qu'il faut que le regard change pour tous ces parents qui n'osent pas sortir. Tous ces parents qui trouvent ça plus simple de rester chez eux. Qui sont juste fatigués d'avoir un enfant autiste. Tous ceux qui ne supportent pas vos regards et vos interrogations.

En 2016, personne ne fixe une personne trisomique ou en chaise roulante dans le métro, mais à une personne autiste, on le fait... parce qu'on ne le sait pas, souvent. Et on fixe la différence sur laquelle on n'arrive pas à mettre le doigt. Et c'est pour cela que les parents d'enfants autistes, comme moi, on veut qu'on en parle de l'autisme, pour que vous puissiez mieux les identifier et passer à autre chose.

Nos enfants peuvent choquer si on ne comprend pas rapidement qu'ils sont handicapés et qu'ils ne comprennent rien aux conventions sociales. Tout le monde n'a pas le même tempérament, la carapace pour affronter certaines conventions sociales, ou n'est pas fait pour recevoir une telle attention.

Ainsi la prochaine fois, ça sera peut-être moi ou un autre parent, vous comprendrez peut-être que le p'tit gars qui a l'air «normal» mais qui crie et fait des drôles de geste à l'épicerie, celui qui se jette par terre sur le trottoir lors de votre balade, ou celui qui vous obstrue momentanément sur la piste cyclable pendant votre heure de course, ce n'est peut-être pas à cause de parents «caves» ou nonchalants, et ce n'est peut-être pas un enfant impoli et mal élevé, mais peut-être un enfant handicapé, autiste comme le mien. Qui sommes nous pour juger et pour saisir au premier regard la gravité ou la normalité d'une situation?

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