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Je serai bientôt papa et voici pourquoi j'apprends déjà à porter un bébé

La plupart des pères n'ont pas à se préoccuper autant de ça. Mais j'ai la paralysie cérébrale.
Westend61 via Getty Images

J’ai mis mes deux bras dans le porte-bébé et je l’ai passé sur ma tête, comme un enfant d’âge préscolaire met un chandail. Je l’ai attaché autour de mon abdomen. J’ai bercé la tête du bébé avec mon bras gauche et j’ai posé ma main droite sous lui. Je me suis levé - lentement, lentement - me demandant à quel point ce serait plus difficile avec un bébé vivant. J’ai mis la poupée en position, j’ai expiré et j’ai commencé à fixer le harnais.

J’ai baissé les yeux et vérifié que j’avais bien fait le travail. J’ai replacé les jambes du bébé. J’ai pris une respiration profonde. J’ai enlevé le porte-bébé et j’ai recommencé. Est-ce que je serais vraiment capable de porter un enfant? À l’époque, il me restait un peu moins de trois mois pour que ma pratique quotidienne donne des résultats.

Notre premier-né allait bientôt naître.

La plupart des pères ne se préoccupent pas autant de ça. Ils n’ont pas à s’en préoccuper, ça se fait tout seul. Mais j’ai la paralysie cérébrale, et ça affecte mon équilibre, ma mobilité, ma dextérité et ma coordination.

Je peux facilement transporter quelque chose comme une tasse de café et la maintenir en place. Je peux la tenir aussi fort que je le veux, elle ne va pas gigoter. Mais un latte n’a pas son propre esprit. Remplacez ce café par un bébé lourd de mauvaise humeur, et il tombera probablement au sol. Ou nous tomberons tous les deux.

Pour compliquer les choses, mes mains sont occupées la plupart du temps avec les béquilles d’avant-bras que j’utilise lorsque je marche à l’extérieur. Je peux pousser une poussette sur de courtes distances en les utilisant, oui, mais pour les longs trajets, j’ai besoin d’un fauteuil électrique. Je ne peux pas conduire et tenir un bébé en même temps.

“Si d’autres personnes voient un père confiant quand ils me regardent, je me sentirai peut-être plus confiant.”

D’où le porte-bébé. Je veux être le père indépendant que j’ai toujours voulu devenir, autant durant l’enfance que plus tard dans sa vie.

À ce point-ci, vous vous demandez sûrement: «Pourquoi fais-tu tout ça?» Si porter mon enfant est si risqué, pourquoi est-ce que je ne laisserais pas ma femme faire le gros du travail?

Ma femme pourra aider pendant son congé de maternité, mais elle finira par retourner au travail. En tant que rédacteur indépendant, il arrivera un moment où je serai seul à la maison avec notre enfant. Je refuse d’être moins que prêt pour ça.

Les parents handicapés sont aussi plus surveillés. Ça me donne l’impression d’avoir besoin d’être encore plus préparé que le parent moyen. Porter mon enfant montre que je suis un parent organisé, et si d’autres personnes voient un père confiant quand ils me regardent, je me sentirai peut-être plus confiant.

«J’ai réalisé que porter mon enfant était possible»

Je savais depuis un moment que je devrais me pratiquer pour avoir confiance en portant un bébé. La dernière fois que je l’avais essayé, j’étais comme le Batman de 1966 courant avec une bombe - je cherchais à m’en débarrasser au plus vite.

Au début, j’avais imaginé faire brièvement le tour de notre condo inadapté dans un fauteuil roulant manuel, le bébé sur mes genoux. Ma femme Brittany a pensé qu’un porte-bébé était plus adapté à mes capacités, donc pour être sûr, je me suis inscrit à un séminaire sur la parentalité avec un handicap.

Le simple fait de savoir que le porte-bébé était la référence pour les autres parents handicapés m’a enlevé un poids énorme. J’ai réalisé que porter mon enfant était possible, et que je n’aurais pas à renoncer à mon indépendance pour être parent.

«Je n’ai même pas utilisé de poussette», a expliqué une femme au séminaire qui a utilisé un fauteuil électrique comme celui que j’avais. «J’ai simplement installé mon enfant dans le porte-bébé et je suis montée sur le fauteuil avec l’enfant attaché à ma poitrine.»

En me faisant à l’idée, j’ai pensé que je pourrais prendre de l’expérience en me pratiquant. Plus tard, j’ai contacté le Centre For Independent Living Toronto - une organisation dirigée par des pairs qui aide les personnes handicapées à mener une vie plus indépendante. Ils m’ont mis en contact avec Carry Me Close Babywearers, un groupe inclusif basé à Toronto qui organise des rencontres «Porter un bébé 101». Je me suis inscrit.

C’était un soulagement d’entendre que beaucoup de mamans et de papas du cours avaient les mêmes questions que moi. Un papa a levé la main. «Où devraient être les jambes de l’enfant?» En position de grenouille, formant une sorte de «M» autour de votre corps. «Et les bras?» Ça dépend du porte-bébé et du confort du bébé.

“J'ai compris que je n'avais rien à craindre, que d’être indépendant comme parent était possible.”

Il semble que plusieurs de ces parents avaient le luxe de porter leur enfant dans leurs bras s’ils le voulaient, mais le temps et l’énergie qu’ils ont investis dans l’utilisation d’un porte-bébé nous mettaient sur un pied d’égalité. Apprendre à leurs côtés m’a rappelé que tout le monde a parfois besoin d’appareils et d’accessoires complémentaires, même si ce n’est pas un mode de vie.

Par contre, la clé pour augmenter ma confiance a été de pouvoir pratiquer avec une poupée réaliste sous l’œil vigilant de personnes qui s’étaient déjà retrouvées dans la même position que moi. J’ai compris que je n’avais rien à craindre, que d’être indépendant comme parent était possible - et, pour ce que ça vaut, qu’il serait assez difficile de tuer accidentellement un enfant dans un porte-bébé. (Fiou.)

Je pouvais maintenant m’imaginer en train de marcher autour de mon condo, un enfant sur ma poitrine. Mon équilibre était bon tant que j’utilisais des béquilles. Sur un fauteuil électrique, mes mains étaient suffisamment libres pour conduire, et le porte-bébé n’a pas obstrué ma vue.

Il semble que ma pratique ait porté ses fruits.

Je ne lutte plus avec les attaches et les rabats. Je manipule les sangles plus rapidement que jamais. J’attache le porte-bébé en toute confiance. Je prends la poupée en sachant que je pourrais facilement soulever le poids d’un vrai bébé. Je m’accroche de chaque côté du harnais, comme si je l’avais fait cent fois - parce que je l’ai fait.

Bien que le prochain défi est de voir si ça se passe bien avec un vrai bébé, je me sens bien équipé pour porter mon enfant sans crainte.

Soudainement, la paternité avec un handicap ne me semble plus aussi irréaliste qu’il y a quelques semaines.

Ce texte, initialement publié sur le site du HuffPost Canada, a été traduit de l’anglais.

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