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La panique face au coronavirus est encore plus réelle lorsqu’on est hypocondriaque

Tout le monde s'inquiète du coronavirus, mais pour une personne souffrant d'anxiété à l’égard de sa santé, la peur de la maladie est préoccupante, 24 heures sur 24.
Jasmin Merdan via Getty Images

Je n’oublierai jamais ma première crise de panique. Un matin, à l’âge de dix ans, j’étais particulièrement difficile et j’ai simplement refusé de «ruiner» mes céréales avec du lait. Ma mère est sortie de ses gonds et a dit: «Si tu ne bois pas de lait à ton âge, tu souffriras d’ostéoporose plus tard. C’est une maladie pénible qui brise tous les os.»

Puis, alors que j’étais en sanglots, ma mère a désespérément essayé de me calmer - «ne t’inquiète pas ma chérie, ça arrivera seulement lorsque tu seras vraiment âgée» - mais le mal était fait. Nous nous sommes contentées de boire du jus d’orange contenant du calcium et nous n’en avons pas reparlé. J’étais juste une enfant capricieuse qui faisait une crise de colère.

Des années plus tard, j’ai lu sur un jeune garçon décédé d’une méningite. J’ai senti mon cœur battre très fort alors que mes yeux parcouraient les symptômes. Sensibilité à la lumière. Éruptions cutanées. Maux de tête. Je me suis mise, du jour au lendemain, à me plaindre constamment à mes enseignants et à mes parents en disant que j’avais mal à la tête et je disais que je devais aller chez le médecin.

J’ai commencé à inspecter chaque ecchymose, bosse et démangeaison, convaincue que j’avais en quelque sorte attrapé la maladie à travers le journal. Encore une fois, mes parents ne s’en sont pas trop préoccupés. Je n’étais qu’une adolescente insensée qui exagérait.

“J’ai eu l’impression qu’un poids énorme s’enlevait de mes épaules. Je n’étais pas folle!”

En grandissant et en devenant plus consciente de mon corps - et des choses qui pourraient mal tourner - ces pensées intrusives se sont transformées en quelque chose de beaucoup plus profond. J’allais chez l’optométriste deux fois par semaine, convaincue que je devenais aveugle et n’étant pas capable de croire qui que ce soit qui m’assurait du contraire.

J’allais chez le médecin, paniquée par chaque grain de beauté bizarre ou sensation dans ma gorge. Mes amis étaient irrités de devoir constamment répondre à mes questions: «Avez-vous des taches sur vos mamelons? Est-ce que c’est un cancer du sein?» Google me disait que j’avais la gangrène et que toute ma jambe allait tomber, juste parce que mon ongle d’orteil me faisait mal (même si, la majorité du temps, mon cerveau en était déjà venu à cette conclusion par lui-même).

Quand j’ai finalement eu un rendez-vous avec un médecin de famille et qu’il m’a remis un document d’information sur l’hypocondrie, j’ai eu l’impression qu’un poids énorme s’enlevait de mes épaules. Je n’étais pas folle! Ou peut-être que je l’étais, mais il y avait une explication. Et bien que mon diagnostic n’a pas fait disparaître mes sources de stress, c’était un pas vers la compréhension globale que la plupart de mes «symptômes» étaient en fait dans ma tête.

Depuis, mon anxiété a été par vagues: parfois inexistante, parfois indomptable. L’hypocondrie est sur le spectre des troubles obsessionnels compulsifs, donc pour contenir vos pensées obsessionnelles, vous devez accepter d’où elles viennent et comprendre que vous ne pouvez pas les accepter comme des faits. C’est plus facile à dire qu’à faire, et j’aimerais dire que l’anxiété s’est améliorée avec le temps.

“Chaque mise à jour, chaque nouveau cas confirmé est comme un coup de poing dans mon estomac.”

Par contre, depuis l’éclosion du coronavirus, les gros titres des journaux n’ont fait que nous mettre en garde contre une catastrophe imminente. Tout le monde est à juste titre inquiet dans une certaine mesure - mais pour une personne qui doit composer avec une condition comme la mienne, c’est une préoccupation qui habite l’esprit 24 heures par jour.

Chaque mise à jour, chaque nouveau cas confirmé est comme un coup de poing dans mon estomac. J’ai atteint le point où j’ai coupé le mot «coronavirus» de mon fil Twitter, abandonné toutes les sources d’information et demandé à tous ceux que je connais de ne pas le mentionner pour ne pas y penser.

Ce n’est pas une solution réaliste, parce que je ne peux pas contrôler les sujets de conversation de tout le monde autour de moi. J’entends mes collègues en rire, ou encore quelqu’un que je connais revient de vacances et il ne semble pas s’en soucier outre mesure. Si quelqu’un sur Twitter orthographie mal le mot «coronavirus», c’est un retour à la case départ.

Je me suis donc tournée vers des mesures de prévention: je ne prends plus le métro, où le simple fait de penser aux germes me fait suffoquer. À la place, je prends une heure de plus pour me déplacer et je prends l’autobus, là où je n’ai qu’à partager mon espace personnel avec celui qui est assis à côté de moi.

Je ne respire pas quand les gens passent devant moi, comme si leur aura pouvait m’infecter. J’ai peur de voir ma meilleure amie, qui travaille dans un hôpital - elle dit qu’elle rencontre des virus similaires tous les jours, alors comment puis-je passer du temps avec elle maintenant, sans me soucier de ce qu’elle a pu attraper?

“Il s'agit d'une maladie mentale: diriez-vous à une personne dépressive de cesser d'être si déprimée?”

Ce n’est pas unique au coronavirus; j’ai vécu quelque chose de similaire avec la grippe porcine, puis avec l’Ebola. Mais cette fois, ça semble plus réel - parce que tout le monde en parle tout le temps. Je ne peux pas toujours dire: «s’il vous plaît, ne parlez pas de coronavirus autour de moi parce que ça me cause un grand inconfort à chaque fois.» Je me fais presque toujours juger ou je me fais dire que c’est complètement ridicule, ce qui est comparable aux réactions que j’ai endurées toute ma vie.

Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que je ne veux pas être si anxieuse et je ne veux pas réagir de manière aussi excessive. Il s’agit d’une maladie mentale: diriez-vous à une personne dépressive de cesser d’être si déprimée?

C’est seulement lorsque j’ai fait une crise de panique au coeur de Londres, après avoir regardé accidentellement un article à ce sujet, au travail, que je me suis dit que je devrais vraiment aller chercher de l’aide.

J’avais déjà envisagé de trouver un thérapeute dans le passé, mais la vie suit son cours et ça ne semble jamais être le bon moment. Principalement parce que j’ai profondément peur de ne plus avoir aussi peur du coronavirus ou de toute autre maladie. Si je ne suis plus aussi consciente des symptômes ou de la façon de me protéger, est-ce que je pourrais passer à côté de quelque chose de potentiellement mortel? Si mon anxiété va mieux, est-ce que c’est mon état de santé qui va empirer?

Si vous lisez ceci et que vous vous reconnaissez, sachez que vous n’êtes pas seul. Si vous lisez ceci et que vous comprenez peut-être enfin que c’est une vraie maladie qui ne peut pas disparaître grâce à un simple «Ne t’inquiète pas!», alors mon travail ici est terminé. Si vous lisez ceci et que vous vous dites: «Reviens-en!» Eh bien, vous avez de la chance - et avez très probablement raison.

Ça ne sert à rien de pleurer à cause du lait dans ses céréales, après tout.

Ce texte, initialement publié sur le site du HuffPost Royaume-Uni, a été traduit de l’anglais.

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