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Les films de Xavier Dolan, classés du «pire» au meilleur

Où se situe «Matthias et Maxime» dans la filmographie du réalisateur québécois?

Il y a dix ans, Xavier Dolan, alors âgé de 20 ans, débarquait avec un premier long-métrage qui allait faire grand bruit.

S’imposant comme une tonne de brique au coeur d’un cinéma québécois ayant tendance à privilégier les silences et la contemplation, il était clair que le nouveau venu avait une vision à défendre et du caractère à revendre. La question était maintenant de savoir si ce dernier avait les moyens de ses ambitions.

De film en film, l’oeuvre de Xavier Dolan a toujours été polarisante, car ce dernier désire à tout coup susciter de vives réactions chez son public, et ce, en ne passant jamais par quatre chemins.

Aussi à l’aise avec la tragédie que la comédie, Xavier Dolan donne dans l’émotion mur à mur. Son cinéma se déploie à deux pouces de nos visages et tient à obtenir une réponse émotionnelle coûte que coûte.

«Moi, j’ai fait un film, après ça ne m’appartient plus. [...] Ça pourrait être reçu dans l’indifférence. Et là, je pense que je serais encore plus bouleversé que de lire que quelqu’un a détesté mon film», avait déclaré le réalisateur lors de son plus récent passage à Tout le monde en parle.

La cinématographie de Xavier Dolan suit, certes, plusieurs fils conducteurs très précis (l’amour sous toutes ses formes, la célébration de la différence, les relations familiales tendues, etc.). Mais ses films demeurent tous très différents les uns des autres.

Reconnu pour être tapageur, exubérant et impitoyable, l’oeuvre de Xavier Dolan repose aussi sur d’importantes nuances, qu’il terre dans une image, dans les non-dits, et qui font en sorte que l’effort tient la route.

Pour souligner la sortie de Matthias et Maxime, nous vous proposons notre palmarès des huit longs-métrages de Xavier Dolan, classés du pire - ou du moins accompli, disons - au meilleur.

Les Films Séville

08. THE DEATH AND LIFE OF JOHN F. DONOVAN (2018)

Visionner le septième long-métrage de Xavier Dolan est un peu l’équivalent d’entamer la lecture d’un long roman duquel on aurait arraché la moitié des pages. Stylé, impulsif et toujours très personnel, Dolan a vu grand pour son premier film tourné en anglais, peut-être un peu trop. Et bien que cette histoire tournant autour des différents rapports que nous entretenons avec la célébrité, telle que présentée dans sa forme actuelle, soit loin du désastre que certains se sont plu à dépeindre, le résultat final paraît malgré tout incomplet, superficiel et quelque peu réducteur. L’impact émotionnel de plusieurs scènes s’avère aussi trop souvent restreint, celles-ci apparaissant comme les pièces d’un casse-tête impossible à terminer, nous empêchant malheureusement de contempler la grandeur de ce qui aurait pu être.

Les Films Séville

07. JUSTE LA FIN DU MONDE (2016)

En adaptant la pièce de Jean-Luc Lagarce, Xavier Dolan faisait suite à Tom à la ferme en se tournant de nouveau vers le monde du théâtre pour sortir de sa zone de confort et se mettre au défi. Et cela se sent dans chaque scène que le réalisateur a pris cette expérience très au sérieux, lui qui pouvait d’autant plus compter sur une distribution réunissant plusieurs gros noms du cinéma français pour raconter cet après-midi de retrouvailles familiales qui tourne au vinaigre. Étrangement, le principal problème (ou la principale qualité, c’est selon) de Juste la fin du monde est qu’il demeure parfaitement conséquent à ses intentions de départ, et ce, du début à la fin. La frustration, la distance et l’incommunicabilité composant le coeur du récit, Dolan en fait également les principales notions et émotions avec lesquelles le spectateur doit lui-même composer au contact de son oeuvre. Une expérience cinématographique hors du commun, certes, mais pas toujours transcendante. Trop de séquences s’étirent, tournent en rond, pour ne déboucher sur rien. Mais encore là, c’était aussi ça le but de l’exercice.

Les Films Séville

06. LES AMOURS IMAGINAIRES (2010)

Après l’amour inconditionnel, Xavier Dolan s’est attaqué à l’amour non réciproque, au rejet et à l’obsession. Le tout à travers une histoire d’amitié subitement compromise par la quête du même apollon soigneusement négligé. Le réalisateur a trouvé en Monia Chokri la comédienne parfaite pour incarner son «double féminin», lui permettant de son côté de présenter un côté beaucoup plus vulnérable à l’écran. Mais Les amours imaginaires fut surtout l’occasion pour Dolan de cimenter sa signature artistique, à grands coups de ralentis, de réactions spontanées (donc pas toujours adéquates), de malaises bien orchestrés, de dialogues vifs et impulsifs et de choix musicaux astucieux. S’il s’agit du projet le moins ambitieux de Dolan sur le plan du discours, celui-ci offre tout de même une bonne joute entre deux adversaires désespérés, développant leur dualité autant de façon verbale qu’à travers les nombreux non-dits et faux-semblants. Film cynique et amer sur l’éternel recommencement en amour, Les amours imaginaires révélait aussi les talents de Dolan pour la comédie, lui qui aiguise ici allègrement son sens du punch.

Mifilifilms

05. J’AI TUÉ MA MÈRE (2009)

En 2009, Xavier Dolan présentait son premier long-métrage, et le moins qu’on puisse dire, c’est que sa mise au monde fut particulièrement bruyante. Passionné et ambitieux, le nouveau venu ne se gênait pas pour élever le ton, orchestrant son lot d’engueulades, signant sa part de malaises et de répliques assassines, et soulignant à gros traits l’arrogance et le mépris de son personnage. Mais derrière la cacophonie et les excès de style se cache un discours d’une grande humilité sur l’éternelle intransigeance de la progéniture face à sa génitrice. Affichant sans retenue son amour des beaux arts et de la culture populaire, Dolan démontrait aussi qu’il avait l’oeil pour relever les manies, les travers et la vision d’une jeunesse d’une manière pouvant, certes, faire sourciller au premier abord, mais dont la pertinence ne peut être niée. Des points également pour avoir offert au cinéma québécois le personnage aux choix vestimentaires les plus douteux depuis Marcel dans La grenouille et la baleine.

Les Films Séville

04. TOM À LA FERME (2013)

Virage pour le moins inattendu dans la carrière de Xavier Dolan, l’adaptation de la pièce de Michel Marc Bouchard s’immisce au coeur de la notion d’identité, dans le regard que porte autrui sur la différence, et dans les innombrables contradictions qui forment l’être humain. Le tout à travers un scénario des plus insidieux. Le ton austère et la mise en scène grise, minimaliste et hermétique se situent à des années lumières des précédentes propositions du réalisateur, dont il ne récupère que le cynisme. Tom à la ferme prend même des allures de film d’horreur, le désir du personnage principal de demeurer civilisé en toutes circonstances le poussant à embrasser le danger en pleine connaissance de cause - et avec un certain entêtement - plutôt que de prendre la fuite. Glauque, angoissant, mais aussi particulièrement drôle (humour que Dolan fait toujours germer dans le malaise et l’inconfort, et par l’entremise de la performance aussi fragile qu’impitoyable de Pierre-Yves Cardinal), Tom à la ferme voit le réalisateur cibler ici des émotions bien précises, sous lesquelles il ensevelit le spectateur sans trop de difficulté.

Les Films Séville

03. MATTHIAS ET MAXIME (2019)

Après l’expérience éprouvante que furent le tournage et la mise au monde de The Death and Life of John F. Donovan, Xavier Dolan revient plus décontracté et optimiste que jamais, et ce, aussi bien devant que derrière la caméra. Il s’agit certainement du film le moins chargé - dramatiquement et esthétiquement - qu’ait écrit et réalisé le cinéaste (bien épaulé à la direction photo par André Turpin). Mais décontracté ne veut pas dire moins soucieux, bien au contraire. Quand Dolan nous introduit à son groupe d’amis, leur dynamique, leurs insides, c’est comme si nous les connaissions depuis toujours. Le réalisateur propose un long-métrage sur l’amour et l’amitié avec un grand A, mais aussi sur la quête de soi, sur la peur de ne pas avoir su saisir le moment, la peur de passer à côté de sa vie. Tantôt désopilant (Pier-Luc Funk est particulièrement parfait à cet égard), tantôt touchant, prenant et déstabilisant, Matthias et Maxime s’impose étonnamment comme un film-somme pour le principal intéressé, qui réunit ici tous les grands thèmes et les grandes sensibilités autour desquels tourne son cinéma depuis dix ans. Et de ce point de vue, il s’agit de l’oeuvre d’un cinéaste qui a vieilli, qui a gagné en maturité, qui voit la vie différemment, mais qui n’a jamais perdu de vue l’essentiel.

Les Films Séville

02. MOMMY (2014)

Pour plusieurs, Mommy est le film de la consécration, comme en témoignent les nombreux prix et reconnaissances qu’il a cumulés à travers le monde, notamment au Festival de Cannes, dont il est reparti avec le Prix du Jury. Et c’est visiblement un Dolan en pleine possession de ses moyens qui est aux commandes de cette symphonie du monde ordinaire, se débattant continuellement entre la violence et la douceur, l’espoir et la désolation. Le cinéaste imprègne ses élans d’une musicalité qu’il nourrit de ses échanges verbaux impitoyables, de ses mouvements de caméras intuitifs, de ces chansons archiconnues auxquelles il donne un nouveau souffle, et du jeu très physique d’Antoine Olivier Pilon, qui brille aux côtés d’une Anne Dorval et d’une Suzanne Clément au sommet de leur art. Mais Mommy est surtout un film carburant à sa propre énergie, plongeant tête première dans la réalité suffocante de battants pour qui nous ne pouvons qu’espérer que les horizons s’élargissent pour de bon. Le tout avant de nous arracher le coeur à deux mains lors d’une finale impitoyable.

MK2

01. LAURENCE ANYWAYS (2012)

Laurence Anyways est le premier film réalisé par Xavier Dolan ne mettant pas en vedette Xavier Dolan. Une pause devant la caméra qui a permi au principal intéressé de concentrer toutes ses énergies sur l’élaboration de ce projet aux ambitions vertigineuses. Et l’énergie déployée ici est à la fois contagieuse, percutante, déstabilisante, et unique à bien des égards. Dolan s’exprime sans retenue, sans demi-mesure ni compromis (à l’instar de son personnage principal). Tout explose dans tous les sens dans Laurence Anyways. Tout est plus grand que nature - c’est d’ailleurs l’un des sujets du film. Un effort excessif, bruyant, coloré, mais aussi profondément humain et bouleversant, soutenu par les performances puissantes de Melvil Poupaud et Suzanne Clément. Une surenchère qui aurait pu déraper à tout moment, mais que Dolan parvient à contenir à l’intérieur d’un cadre dramatique et esthétique méticuleusement définis, où les images valent effectivement mille mots.

Matthias et Maxime est présentement à l’affiche partout au Québec.

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Tapis rouge

Première montréalaise du film «Matthias et Maxime»

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