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À mon dernier repas

Au jour de mon enterrement, il y aura au moins un clown dans l'assistance. Je me le commanderai moi-même si je dois le faire. Il y aura deux danseuses du ventre. Une de chaque côté du cercueil, pour que les gens aient un truc à regarder...
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Personne ne veut penser au jour de sa propre mort. Personne ne s'en réjouit, à part quelques écrivains russes du siècle dernier, déprimés et déprimants. En assistant à une cérémonie funéraire, ce matin, où un homme qui n'avait jamais rencontré la défunte a débité platitudes sur généralités durant dix minutes, je me suis dit que ça ne coûtait rien d'y réfléchir, pour ne pas en arriver à ce genre d'inepties impersonnelles. Les gens qui parleront de moi, au party qui suivra ma mise en terre, me connaîtront, ou cette cérémonie sera salement silencieuse...

Au jour de mon enterrement, il y aura au moins un clown dans l'assistance. Je me le commanderai moi-même si je dois le faire. Juste pour que l'assistance en question se demande pendant une heure pourquoi il y a un clown dans l'assistance.

Il y aura deux danseuses du ventre. Une de chaque côté du cercueil, pour que les gens aient un truc à regarder. Et pour les demoiselles, j'engagerai des danseurs Chippendale pour porter le cercueil. Je demanderai sans doute à ce qu'ils soient habillés. Peut-être pas. Juste pour que le clown se demande pourquoi les porteurs du cercueil sont nus. Et pourquoi on a demandé un clown en premier lieu.

Quand on me poinçonnera mon ticket, je demanderai à un chef cuisinier de renom de venir faire la bouffe pour mes potes et ma famille, après la cérémonie. Idéalement un Japonais qui coupe tout très rapidement et vous lance des morceaux un peu partout, comme dans les films. La dernière fois où j'ai assisté à un cooking show du même genre, je me suis pris un bout de poulet dans le front. Ensuite, mes invités feront un food fight avec les restes.

Je veux que les gens viennent balancer de la terre sur ma bière, habillés comme ils l'étaient lorsqu'ils ont appris mon décès. Et je veux que celui qui avertira tout le monde attende trois heures du mat' pour prévenir mes proches.

Je veux qu'il y ait de l'alcool à flot, des rires, et des jouets pour les enfants. Partout. La vie est assez déprimante, souvent, pour se permettre de rire de la mort.

À la fin de la soirée, on fera un immense feu de joie. Un type en toxedo distribuera sur un plateau d'argent guimauves et saucisses. On alimentera le feu du meilleur bois pour qu'on le voit de loin. Ensuite, on y balancera mes ex. Et on redistribuera des guimauves...

À mon décès, on remettra des certificats-cadeaux pour un restaurant de Chicoutimi où je n'ai jamais mis les pieds. Juste pour que le propriétaire se demande pourquoi il y a un clown dans sa salle à manger, en plus de deux danseuses du ventre et de six gogo boys...

À mon départ, les ceusses qui viendront me voir ne viendront pas seulement dire qui j'étais. Ils viendront apprendre des autres quelque chose de moi qu'ils ignoraient.

Même si j'aime Schubert, c'est Johnny Cash qui résonnera à mon enterrement.

Il n'y aura pas de célébrant. Pas de curé. Pas d'emmerdeurs qui viennent pour la forme, la politesse, où les petits sandwichs en triangle. La clause du come as you are devrait régler ce problème...

Les gens qui viendront seront vrais, parce que je l'aurai été. J'aurai été un artiste respecté, un chieur de première, un amoureux attentionné, un ami fidèle, un fou furieux, et cent autres facettes de ma personnalité, mais les gens qui viendront auront été tout ça, également. J'aurai été vrai parce qu'ils faisaient partie de ma vie.

Selon l'époque de notre vie où l'on quitte celle-ci, l'assistance possible de nos obsèques varie. Succès ou échec, amour ou solitude, selon les saisons, les années, les époques... On peut compter nos bénédictions à ceux qui restent malgré les variations.

Pensez à ce jour. Puis, pensez à ce que vous auriez pu, et dû faire différemment. Pensez à comment vous auriez pu briller plus, à votre façon unique et magnifique.

Bonne nouvelle. Si vous êtes en mesure de lire ceci, il est encore temps.

Allez-y.

Maintenant.

Retrouvez plus de billets de Jean-Michel David sur son blogue personnel.

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