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L'opération «Bouclier de l'Euphrate» vise surtout à contrer l'avancée des Kurdes

Les frappes de Bachar El-Assad contre les Kurdes, envoient un signal positif à Ankara en montrant que Damas n'acceptera pas un Kurdistan syrien qui représenterait une perte territoriale pour Damas et une menace pour Ankara.
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L'armée turque est intervenue à Jarablos au nord de la Syrie le 24 août 2016 dans le cadre de l'opération "Bouclier de l'Euphrate" pour reprendre à Daech la ville de Jarablos, l'un des derniers points de passage de l'État islamique entre la Syrie et la Turquie.

Mais qu'on y songe, "Erdogan intervient moins dans le but de détruire l'État islamique que pour contrer l'avancée des Kurdes. Étant entendu que Jarablos se trouve dans cette zone de Daech prise en tenaille entre les deux régions kurdes d'Afrin et de Kobané", souligne le géopoliticien Gérard Challiand.

Dans le même temps, la jonction entre Afrin et Kobané est en passe d'être réalisée. Les Kurdes progressent à grands pas face à Daech et s'activent rapidement pour que les deux régions se rejoignent. Et cette jonction est bel et bien en passe d'être réalisée depuis que les Kurdes de Syrie se sont rendus maîtres de la ville de Manbij il y a quelques semaines.

Pour mémoire, depuis la victoire de Kobane au nord de la Syrie contre Daech en janvier 2015, les combattants kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) n'ont cessé d'étendre leur territoire, principalement au détriment de l'État islamique, mais également des autres rebelles dans le corridor d'Azaz.

"À partir des territoires homogènes kurdes d'Afrin, de Kobane et de Qameshli, le PYD ( Parti de l'union démocratique) s'est lancé à la conquête des territoires mixtes pour assurer la continuité territoriale entre les fiefs kurdes -tel Abyad au printemps 2015 et Manbij aujourd'hui- voire de territoires non-kurdes, comme Shadadeh pour couper les routes de l'État islamique entre la Syrie et l'Irak, mais également dans le but de contrôler les puits de pétrole de la région", précise Fabrice Balanche spécialiste de la géographie politique de la Syrie et chercheur invité au Washington Institute.

Pour autant, afin de réunifier le Rojava, il reste notamment à libérer le verrou d'Al-Bab sur la route d'Afrin, aujourd'hui aux mains de l'État islamique. Du reste, cet objectif est assurément vital pour le Kurdistan syrien car il aura pour avantage de couper entièrement la route de ravitaillement des djihadistes vers la Turquie. Et Raqqa tombera par la suite. "Pour Erdogan, un territoire d'un seul tenant entre les mains des Kurdes de Syrie est une chose absolument non-négociable, car ceci signifierait qu'il n'y aurait plus la possibilité d'un passage directe entre la Turquie et la Syrie", commente Gérard Challiand.

«Les frappes de Bachar El-Assad contre les Kurdes, envoient un signal positif à Ankara en montrant que Damas n'acceptera pas un Kurdistan syrien qui représenterait une perte territoriale pour Damas et une menace pour Ankara.»

Et si jusqu'à aujourd'hui, les troupes turques n'étaient pas intervenues au sol et s'étaient contentées de tirer au mortier c'est bel et bien parce qu'elle craignait que la Russie ne la bombarde. Et c'est assurément ce que Recep Erdogan a obtenu de Vladimir Poutine, lors de sa récente visite à Saint Saint-Pétersbourg.

En échange, Recep Erdogan reconnaît finalement que le régime de Damas ne tombera pas et que Bachar El-Assad demeurera en fonction, au moins provisoirement. C'est somme toute "un prêté pour un rendu, un accord tactique, qui arrange Moscou, Ankara et Damas", résume Gérard Challiand.

Et il y a plus, Fabrice Balanche n'avait-il pas émis l'hypothèse selon laquelle: "le deal entre Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine porterait sur la fermeture de la frontière turco-syrienne en échange de l'arrêt au soutien aux Kurdes du PKK et au projet autonome du Rojava"?

Comme à présent le régime s'est encore renforcé, surtout depuis l'accord russo-turc, Bachar El-Assad n'escompte pas que les Kurdes de Syrie ne deviennent incontournables. Or on le sait l'objectif final de Bachar El-Assad sera de revenir au statu quo ante bellum, ce que les Kurdes reconnaissent d'ailleurs pertinemment.

C'est aussi une position que le Lion de Syrie partage avec le sultan ottoman. Et dans cette perspective Damas a attaqué Hassaké au Nord-Est de la Syrie. Cette ville avait du reste la particularité d'être en partie contrôlée par les troupes du chef alaouite tout en se trouvant en plein dans la région de Syrie contrôlée par les Kurdes.

De plus à l'instar du journaliste grand reporter, Renaud Girard, on soulignera volontiers que la Turquie s'est réconciliée avec la Russie et a multiplié les ouvertures à l'égard du régime syrien. Dans ce contexte, le premier ministre turc, Binali Yildrim, n'avait-il pas déclaré, le 20 août 2016, qu'il fallait accepter un maintien provisoire du chef alaouite au pouvoir et dialoguer avec lui? C'est là somme toute un virage à 180° degrés.

De fait, en réponse à cette ouverture turque, les frappes de Bachar El-Assad contre les Kurdes, sans conséquences militaires, envoient un signal positif à Ankara en montrant que Damas n'acceptera pas un Kurdistan syrien qui pousserait sa frontière trop loin et représenterait à la fois une perte territoriale pour Damas et une menace pour Ankara, ajoute judicieusement Renaud Girard.

Ce billet de blogue a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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