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Cette nouvelle maison d’édition veut faire résonner les voix marginalisées

Diverses Syllabes mise sur l'inclusion des personnes racisées et des minorités de genre.
Madioula Kébé-Kamara, directrice générale des éditions Diverses syllabes
Jude Ed
Madioula Kébé-Kamara, directrice générale des éditions Diverses syllabes

«C’est vraiment beau, entre femmes, d’avoir ces relations-là. C’est émouvant et ça aboutit à des projets comme ça, et ça fait vraiment du sens; puisque c’était ce qu’on voulait: faire du changement.»

Madioula Kébé-Kamara parle avec enthousiasme des échanges qu’elle a entretenus au sein des différents groupes de soutien des femmes qui ont émergé ces derniers mois sur les réseaux sociaux. L’éditrice d’origine sénégalaise née à Paris et son équipe ont créé Diverses Syllabes, une maison d’édition féministe, intersectionnelle et queer.

Si elle portait le projet de fonder une maison d’édition en elle depuis un bon moment, Mme Kébé-Kamara dit avoir été vivement inspirée par les mouvements Black Lives Matter et de dénonciations d’inconduites sexuelles dans le milieu littéraire et artistique au Québec.

Ces deux déferlantes ont déclenché de profondes remises en question, autant au niveau personnel, individuel, que sociétal, selon Madioula. Les gens se sont regroupés de différentes façons, pour entamer une réflexion qui semblait plus que nécessaire.

«Les dialogues ont été mis en place, des personnes ont commencé à discuter et (en ce qui concerne) le mouvement des BLM, ce n’était pas juste les violences policières, par exemple, qui étaient pointées du doigt», explique-t-elle. «Des discussions ont été portées ailleurs; comme (au niveau de) la discrimination à l’embauche ou pour l’accès à un appartement, au niveau des institutions scolaires.»

“J’ai été abreuvée de tout ça et à un moment donné, je me suis dit: qu’est-ce que je peux faire à mon niveau pour aider à faire avancer les choses dans la création de ce “monde d’après”? Quelle idée pourrais-je mettre en avant pour aider tout ça?”

- Madioula Kébé-Kamara, directrice générale des éditions Diverses Syllabes

De la même façon, les femmes qui se sont regroupées dans des groupes de soutien aux survivantes d’inconduites sexuelles n’ont pas seulement dénoncé des comportements violents ou déplacés, mais ont aussi discuté «du statut des artistes, des écrivains et écrivaines, de toutes les personnes actrices dans le milieu des arts et de la littérature au Québec.»

Plusieurs se sont demandés comment être de bons alliés par rapport aux personnes minorisées et c’est également ce à quoi l’éditrice a réfléchi.

«J’ai été abreuvée de tout ça et à un moment donné, je me suis dit: qu’est-ce que je peux faire à mon niveau pour aider à faire avancer les choses dans la création de ce “monde d’après”? Quelle idée pourrais-je mettre en avant pour aider tout ça?»

Toutes ces discussions ont révélé de plus belle ce besoin de «faire quelque chose qui changerait la donne».

«L’humain avant tout»

Respect, équité, bienveillance, ouverture à l’autre; Madioula Kébé-Kamara a fondé Diverses Syllabes en voulant asseoir ces valeurs au coeur même de son projet.

Plus concrètement, cela se traduit par une juste rémunération des auteurs-trices, qui vont recevoir un premier cachet de 1000$ dès la signature du contrat. Puis, on leur remettra une rémunération doublée par rapport à ce qui se fait actuellement au Québec en droits d’auteur.

Pour l’équipe de Diverses Syllabes, c’est «l’humain avant tout» qui compte; elle veut offrir un meilleur statut d’emploi - moins précaire - et privilégier les personnes habituellement marginalisées.

Loin d’être du bénévolat, les personnes rémunérées le seront «à leur juste valeur», précise-t-elle. Bien qu’étant un organisme à but non lucratif, les bénéfices nets récoltés par Diverses Syllabes vont être redistribués «au niveau des acteurs».

Mais comment est-ce possible en ce monde post-pandémie?

«Dès le début, on a pensé différemment; si on ne prend pas de bureau, si on n’a pas d’électricité (à payer), il y a plein de choses qu’on ne consomme pas», explique-t-elle. «Tout le monde travaille de chez soi. Ça, ça fait déjà un gros changement. Et on est rémunéré en fonction des différents projets.»

Ainsi, avec l’argent que l’organisme ne met pas dans la location d’un bureau, il souhaite créer de l’emploi pour les personnes marginalisées et rémunérer davantage les auteurs et acteurs de la maison d’édition.

La solidarité, moteur de changement

«Mon projet, il aurait jamais été aussi beau sans ces différents mouvements, le Black Lives Matter et le mouvement de dénonciations d’abus sexuels. (...) Je n’aurais jamais pensé à la rémunération et à la faire différemment. Je n’aurais jamais pensé à me concentrer sur les femmes racisées et les minorités de genre», relate-t-elle.

Madioula Kébé-Kamara réitère à quel point la solidarité - voire sororité - qui s’est exprimée sur les réseaux sociaux ces derniers mois a nourri son projet. Son idée a été applaudie, soutenue et «validée depuis le début» sur ces plateformes.

Encouragée par cette vague d’entraide, elle et son équipe ont démarré une campagne de sociofinancement le 5 août dernier, dont l’objectif est d’atteindre un montant de 60 000$, qui leur permettra de fonctionner les premières années. Au moment de la publication de cet article, plus de 10 000$ avaient été amassés.

«Une personne marginalisée, elle est porteuse d’une voix qui est différente, elle a un regard différent sur le monde, une expérience totalement différente», témoigne l’éditrice.

Avec Diverses Syllabes, Madioula Kébé-Kamara espère propulser «ces voix qu’on entend rarement» et leur offrir la place qu’elles méritent.

Pour en savoir plus sur la campagne de sociofinancement de Diverses Syllabes, rendez-vous sur le site GoFundMe.

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