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Le narcissisme de Donald Trump pourrait avoir changé le visage du leadership irrémédiablement

D'autres dirigeants vont-ils perpétuer ce nouveau modèle de leadership sans comprendre que cela pourrait engendrer des répercussions virales qui s’étendent au sein de leurs organisations et chez leurs employés?
Le président américain Donald Trump s'exprime lors d'un rassemblement protestant contre la certification du collège électoral de Joe Biden comme président, le 6 janvier, au cours duquel il a incité ses partisans à prendre d'assaut le Congrès.
AP Photo/Evan Vucci
Le président américain Donald Trump s'exprime lors d'un rassemblement protestant contre la certification du collège électoral de Joe Biden comme président, le 6 janvier, au cours duquel il a incité ses partisans à prendre d'assaut le Congrès.

Donald Trump et son leadership de style narcissique quittent la scène politique, malgré sa récente tentative de persuader les élus de changer illégalement les résultats des élections présidentielles de novembre et d’inciter une foule de partisans à prendre d’assaut le Capitole américain.

Or, qu’en est-il des personnes aspirant à un poste clé de direction et qui voient en Donald Trump une source d’inspiration? Vont-elles perpétuer ce nouveau modèle de leadership sans comprendre que cela pourrait engendrer des répercussions virales qui s’étendent au sein de leurs organisations et chez leurs employés?

Le psychologue et auteur américain John Gartner, qui enseignait auparavant à l’Université Johns Hopkins, avait sonné l’alarme au sujet de Donald Trump il y a trois ans, demandant à ce qu’il soit démis de ses fonctions parce qu’il était «psychologiquement incapable de remplir de façon compétente ses fonctions de président». La pétition a recueilli des milliers de signatures.

Le narcissisme peut se décrire comme une estime de soi démesurée. Une saine dose de narcissisme peut faire partie intégrante de la psyché d’un adulte et favoriser des traits positifs comme la confiance, la créativité, l’humour et la sagesse.

Ces qualités importantes sont observées bien entendu chez de nombreux génies du milieu des arts, des affaires et des sciences.

Mais cette médaille a un revers, car le narcissisme pathologique peut entraîner un isolement, une méfiance et un manque d’empathie extrêmes. Toute perception de menace peut facilement plonger les narcissiques pathologiques dans des accès de rage.

Incidence du narcissisme sur les styles de leadership

Leur confiance et leur attitude hors norme les ont propulsés vers le sommet, après tout. Les dirigeants narcissiques émergent souvent en temps de crise, lorsque des partisans recherchent le leadership d’un chef charismatique, confiant et créatif.

Pour le monde extérieur, les narcissiques semblent à première vue sûrs d’eux, charmants et sympathiques. C’est pour cette raison qu’ils se démarquent et assument souvent le rôle de leader. Or, d’importantes recherches ont mis en évidence que ces qualités s’effritent au fil du temps, et qu’il y ait souvent un vif contraste entre les capacités de leadership perçues et réelles d’un narcissique. Les faiblesses du leader narcissique remontent alors à la surface.

Donald Trump dans le bureau ovale en décembre 2020.
AP Photo/Evan Vucci
Donald Trump dans le bureau ovale en décembre 2020.

Bien que leur soif de pouvoir et d’admiration puisse au début donner de bons résultats, à long terme, les dirigeants narcissiques laissent souvent derrière eux des systèmes et des relations endommagés.

Les narcissiques présentent plusieurs traits négatifs identifiables: sensibilité à la critique, faible aptitude à l’écoute, manque d’empathie, intense désir de compétition, arrogance, sentiments d’infériorité, besoin de reconnaissance et de supériorité, hypersensibilité, irritabilité, amoralité, irrationalité, rigidité et paranoïa, entre autres. Certains de ces traits semblent correspondre à Donald Trump.

«Un tyran destructeur»

Même s’il a peut-être un jour été considéré comme un visionnaire, un dirigeant qui s’est lentement mais sûrement transformé en tyran destructeur peut engendrer de graves répercussions dans des organisations gérées par des narcissiques. Le leadership narcissique peut avoir des effets néfastes sur la satisfaction et le moral au travail, en plus d’alimenter le chaos, comme celui que nous avons vu au Capitole, et de contribuer au roulement du personnel.

À mesure que le temps passe, les insécurités des dirigeants narcissiques, de même que leur nature dominatrice et leur indifférence à l’égard des sentiments et des besoins des autres engendrent de la fatigue émotionnelle, de l’épuisement et le départ de leurs employés. En gros, seules les croyances, les expériences et les connaissances du dirigeant comptent. On a d’ailleurs pu le constater quand Donald Trump a publiquement déclaré qu’il en savait plus que ses généraux, ainsi que lorsque sa conversation téléphonique avec des fonctionnaires de la Géorgie a récemment été dévoilée; dans celle-ci, il tente de les intimider et de les menacer afin qu’ils «trouvent» plus de 11 000 votes.

En fait, Donald Trump constitue l’exemple le plus pertinent et évident des effets nuisibles du narcissisme excessif sur les capacités de leadership. Son style chaotique est utile à étudier, car très peu d’entre nous sont formés pour traiter avec ce type de comportement et ce genre de personne.

Avant d’être élu président, Donald Trump s’était fait un nom dans les médias de masse et avait transformé son personnage public en une marque lucrative. Son ouvrage de 1988, The Art of the Deal (L’art de la négociation) et, plus tard, son émission à la chaîne NBC, The Apprentice, lui ont assuré un grand nombre d’admirateurs et d’admiratrices, dont beaucoup occupaient un poste de direction.

Un partisan de Donald Trump se tient à côté de l’étoile vandalisée du président sur le Walk of Fame d’Hollywood, en juillet 2018.
AP Photo/Reed Saxon
Un partisan de Donald Trump se tient à côté de l’étoile vandalisée du président sur le Walk of Fame d’Hollywood, en juillet 2018.

Bien sûr, Donald Trump a parfois traversé de mauvaises passes; il a notamment déclaré faillite à six reprises. Mais il a toujours réussi à s’en sortir et à menacer ses opposants jusqu’à ce qu’ils disparaissent.

Nous avons été témoins de son comportement au penchant destructeur sur la scène internationale. Plutôt que de connaître l’«art de la négociation», un président ou tout autre dirigeant devrait connaître l’art de la diplomatie, de l’empathie et du service. Malheureusement, ces mots ne font pas partie du vocabulaire de Donald Trump.

Qui plus est, son attitude fantasque semble avoir un effet néfaste sur les membres de son équipe, qui ont l’air de ne jamais pouvoir contrôler ses emportements. Que cela serve d’avertissement aux dirigeants d’entreprise qui aiment ce type de leaders.

Le narcissique peut-il être contrôlé?

Dans le marché actuel marqué par l’incertitude, de plus en plus d’entreprises deviennent à l’aise avec ce genre de leadership imprévisible et chaotique, espérant qu’il en découle de gros profits et des miracles.

Il est crucial de comprendre qu’il est possible pour les entreprises de tirer parti d’un dirigeant narcissique tant qu’il y a à ses côtés un acolyte ou bras droit de confiance capable d’ancrer ses idées de grandeur et d’aider à le contrôler. Délicate, cette tâche n’est pas commune dans les organisations d’aujourd’hui, où l’on tente d’éradiquer les perceptions de compétition ou de contrôle.

Tout type d’influence contrôlante a été absente de l’administration Trump, qui fonctionne sans rampe de sécurité, créant ainsi de graves retombées.

Le problème pour ses partisans et partisanes est que cela ne se termine jamais bien. Nous avons assisté à cette étude de cas en temps réel durant les quatre dernières années de la présidence de Donald Trump.

Le défi est maintenant le suivant: comment les dirigeantes et dirigeants d’entreprise actuels et futurs accepteront-ils ou rejetteront-ils ce type de leader narcissique et nuisible déterminé à gagner à tout prix ?

La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation, un site d’actualités à but non lucratif dédié au partage d’idées entre experts universitaires et grand public.

La Conversation

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