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Nancy Saunders a d’abord refusé de jouer dans «Épidémie»

«Je crée des choses pour que les gens regardent ces choses, pas dans l’optique de me montrer, moi», confie la femme inuite, qui est d’abord une artiste visuelle.
Yan Turcotte

Dans Épidémie, elle incarne Nelli, une femme inuite doctorante en biochimie, qui se révélera une précieuse alliée de la Dre Anne-Marie Leclerc (Julie Le Breton). Pourtant, Nancy Saunders n’aurait jamais pensé devenir actrice. Le HuffPost Québec s’est entretenu avec l’artiste visuelle inuite de 33 ans, qui confie d’ailleurs qu’elle a d’abord refusé de passer une audition pour ce rôle.

Originaire de Kuujjuaq, Nancy Saunders avoue d’emblée qu’elle a un parcours plutôt «erratique». Celle qui habite à Montréal depuis environ sept ans a toujours eu un intérêt marqué pour les arts, mais elle se dirigeait vers une carrière d’enseignante. Il y a quelques années, elle a décidé de retourner au cégep pour étudier les arts visuels. Elle a ensuite poursuivi ses études à l’Université Concordia, et sa carrière d’artiste visuelle a pris son envol.

De fil en aiguille, son travail s’est fait connaître, et elle s’est retrouvée à collaborer à la pièce de théâtre documentaire Aalaapi (présentée au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui en 2019), qui raconte l’histoire de cinq femmes partageant leur vie entre le sud et le nord.

«On m’a demandé de participer à la pièce comme assistante scénographe. Et finalement, on m’a convaincue de monter sur scène», raconte-t-elle en riant.

C’est d’ailleurs la metteuse en scène de cette pièce, Laurence Dauphinais, qui l’a également convaincue d’accepter de passer une audition pour Épidémie.

«L’auteure m’avait approchée, mais j’avais refusé», raconte-t-elle.

Yan Turcotte

Lorsqu’on lui demande pourquoi, elle nous renvoie la question en riant.

«Tu accepterais, toi? Je suis artiste, je crée des choses pour que les gens regardent ces choses, pas dans l’optique de me montrer, moi. Ce n’est pas quelque chose que j’avais pensé faire. J’avais peur, je me disais: “est-ce que je vais être assez bonne?” J’avais mes inquiétudes. Et c’était confrontant, au début. En tant que femme, tous tes complexes et tes insécurités refont surface, devant la caméra.»

Mais elle y a finalement pris goût. Heureusement, elle n’a pas été trop intimidée par la brochette d’acteurs chevronnés qu’elle a côtoyés pendant le tournage (Julie Le Breton, Gabriel Sabourin, Mélissa Desormeaux-Poulin, Ève Landry et Guillaume Cyr, notamment), puisqu’elle ne consomme pas beaucoup de télé québécoise. En fait, elle ne consomme pas beaucoup de télé, point. Elle avoue même avoir jeté son vieux téléviseur il y a plus de cinq ans.

Ses collègues comédiens ont tous été très chaleureux et accueillants, assure-t-elle.

«Ils étaient très sympathiques. Et intéressés. Julie (Le Breton) avait beaucoup de questions par rapport à ma culture, et elle s’y connaissait bien; ça m’a étonnée. Je leur en apprenais sur ma culture et, en échange, ils m’apprenaient comment fonctionne un plateau de tournage.»

Nancy Saunders et Julie LeBreton dans «Épidémie».
Yan Turcotte
Nancy Saunders et Julie LeBreton dans «Épidémie».

Elle salue d’ailleurs le talent du réalisateur, Yan Lanouette-Turgeon, qui l’a «bien guidée», et de son coach, le comédien Xavier Huard, qui l’a aidée à se préparer pendant plusieurs semaines avant le tournage.

Une adaptation

Nancy Saunders, qui est habituée à travailler seule, a dû s’adapter à travailler avec autant de gens. Mais elle a finalement adoré son expérience. Au point où elle envisagerait de recommencer, si on lui offrait un nouveau rôle.

«T’sais, je fais ma pseudo cool, mais je t’avoue que j’ai trouvé ça trippant!» lance-t-elle en riant.

Présentement, elle suit la série, comme tout le monde.

«Je me souviens, le premier épisode, je l’ai regardé avec mon chum, je me cachais la face dans un oreiller! J’avais tellement peur de me trouver mauvaise!»

Et si plusieurs ont soulevé le fait que le rythme de la série, dont le quatrième épisode a été diffusé cette semaine à TVA, est un peu lent, l’artiste affirme qu’elle n’a pas d’inquiétudes pour la suite!

«C’est une grosse épidémie qui s’en vient!» s’exclame-t-elle, tout en se disant stupéfaite de constater à quel point la réalité rattrape la fiction, en ce moment.

«Je ne voulais pas être l’Inuite de service»

Nancy Saunders, dont la mère est inuite et le père québécois, avoue qu’elle avait certaines appréhensions, avant de lire le scénario, à propos de l’image des Autochtones qui serait véhiculée. Dans la série, l’épidémie est transmise notamment par un groupe d’Inuits itinérants, à Montréal.

«Je m’inquiétais, je voulais ne pas être l’Inuite de service. Et j’avais peur qu’on ne montre que le négatif, comme c’est déjà le cas à la télé. Mais en discutant avec le réalisateur et l’équipe, j’ai bien vu que ce n’était pas leur intention. Finalement, c’était moi qui avais mes propres préjugés!»

Elle aimait bien le rôle qu’on lui proposait: celui d’une fille d’action, qui possède un doctorat en biochimie.

«La série démontre un côté très moderne, et je trouve ça super important. Aujourd’hui, on entend des vieilles informations d’anthropologues, sur les suicides et les meurtres… Mais Nelli, c’est une femme inuite moderne, qui a sa vie en ville, qui fait ses affaires… et je trouvais ça cool. Juste le fait que j’aie la peau blanche, avec les yeux verts et les cheveux bruns… Ce ne sont pas des traits clichés d’Inuite, et je trouvais ça bien.»

Fusion entre héritage et art contemporain

Nancy Saunders, qui a vécu toute son enfance à Kuujjuaq, s’inspire de sa culture inuite et de son héritage pour créer, en fusionnant le tout avec des techniques d’art contemporain. Elle fait du dessin (le médium avec lequel elle est le plus à l’aise), mais aussi de la couture, de la sculpture, de l’aquarelle et de la peinture à l’huile. Dans la dernière année, elle a réalisé des expositions solos à Toronto et à Vancouver. Le Musée des beaux-arts de Montréal possède aussi cinq oeuvres de l’artiste. L’installation «Katajjausivallaat, le rythme bercé» sera notamment exposée plus tard cette année, dans le cadre du redéploiement de la collection d’art inuit du musée.

Elle aime bien intégrer de l’eau de la rivière qui a bercé son enfance, à Kuujjuaq, dans ses oeuvres – ce sont souvent ses frères qui lui en envoient par avion, confie l’artiste.

«Ça donne une profondeur dans le tableau, ça change l’oeuvre, explique-t-elle. Les minéraux donnent une richesse aux couleurs, et ça fait agir l’aquarelle différemment.»

Pour l’instant, elle compte bien se dédier à son art visuel.

Yan Turcotte

«C’est ma priorité, pour l’instant. À moins que je fasse deux ou trois films par année!» ajoute-t-elle en riant.

Elle ajoute que jusqu’à maintenant, sa carrière d’artiste s’est faite de manière très «organique».

«Il y a des affaires qui viennent, et je les prend quand je les vois. Donc si un rôle vient vers moi un moment donné, je vais le prendre. Je le lance dans l’univers et jusqu’à maintenant, l’univers livre! Je suis assez choyée.»

L’artiste précise que dans tout ce qu’elle a entrepris, elle a toujours vu les choses une année à la fois. Et c’est ce qu’elle continue de faire.

«On ne sait jamais, peut-être que dans deux ans, je vais être comptable!» lance-t-elle à la blague.

Épidémie est diffusée les mardis à 21h sur les ondes de TVA, et est disponible en rattrapage sur tva.ca.

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