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Les musulmans ne sont pas une menace

Il n'y aura pas d'invasion musulmane du monde occidental ou un isolement culturel de ceux-ci dans leurs sociétés d'accueil et il n'y a aucune raison de croire qu'ils ne sont pas assimilables en Occident si on adopte de bonnes politiques publiques.
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Dans le débat actuel sur la charte, il existe une série d'affirmations catastrophistes concernant les musulmans et leurs comportements culturels. Au dire de certains de ces individus, il y a eu une intériorisation des croyances qui pousse à la perpétuation de comportements qui ne sont pas compatibles avec l'Occident. S'il y a une menace du fondamentalisme religieux de plusieurs groupes musulmans, même ici au Québec, il faut se demander quelle est l'ampleur réelle de celle-ci. Malheureusement pour les oiseaux de malheur, la menace s'efface subtilement. Il n'y aura pas d'invasion musulmane du monde occidental ou un isolement culturel de ceux-ci dans leurs sociétés d'accueil et il n'y a aucune raison de croire qu'ils ne sont pas assimilables en Occident si on adopte de bonnes politiques publiques.

Le déclin de la fertilité dans le monde musulman

Saviez-vous que les familles musulmanes sont de plus en plus petites? En effet, selon les données de la Banque mondiale, le taux de fertilité dans les pays arabes a chuté de 53% en l'espace des cinq décennies depuis 1961 pour atteindre 3,2 enfants par femme. En Iran, ce taux a chuté de 73% en 50 ans - la baisse la plus rapide et la plus forte de l'histoire de l'humanité.

Pour chuter d'autant, il aura fallu plus 110 ans aux États-Unis et à la Grande-Bretagne (de 1800 à 1910). Fait encore plus important, c'est que cette baisse de la fertilité s'est accompagnée d'une stagnation du revenu réel par habitant dans les pays arabes. La chute de la fertilité fait en sorte que d'ici 2030, la part de la population du monde qui est musulmane déclinera de 26% à 23%. En plus, Nicolas Eberstadt de l'American Enterprise Institute note que cette baisse de la fertilité est encore plus prononcée dans les grandes villes musulmanes telles qu'Istanbul et Téhéran et frôle le seuil de stabilité (à 2,1 enfants par femme).

L'accès accru aux produits de contraception, à l'éducation pour les femmes (qui fait augmenter l'âge auquel une femme a son premier enfant), à l'augmentation du niveau de vie et même l'augmentation de l'accès à la télévision (qui a un effet négatif significatif sur la fertilité des femmes) expliquent en grande partie ce phénomène que peu remarquent.

Le déclin de la fertilité chez les musulmans dans les sociétés occidentales

En plus de baisser dans les pays musulmans, la fertilité des groupes musulmans établis en Occident diminue aussi. Le meilleur exemple est celui de l'Autriche qui a souvent été présenté comme un pays qui s'islamise puisque le taux de fertilité des musulmans y ayant immigré étaient supérieurs à la moyenne de la population. Pour plusieurs commentateurs, il s'agissait du comble de l'ironie, car c'est aux portes de Vienne, au 17e siècle, que l'incursion musulmane en Europe fut arrêtée. Cependant, la catastrophe semble avoir été évitée. En 20 ans, le taux de natalité des musulmans en Autriche a décliné de 26% pour atteindre 2,3 en 2001, se rapprochant ainsi rapidement du taux de fertilité des natifs du pays.

Pour l'ensemble de l'Europe, cette convergence se confirme puisque les démographes ont constaté que le taux de croissance de la population musulmane a chuté de 2,2% par année pendant la décennie 1990-2000 à 1% pendant la décennie 2000-2010. Ce taux continuera de chuter progressivement au fur et à mesure que les différences du taux de fertilité entre les femmes non-musulmanes et celui des autres femmes s'estomperont d'ici 2030. Aux États-Unis, la différence est encore plus petite puisque les musulmans ont un taux de fertilité déjà très proche de la moyenne nationale.

Les musulmans changent d'avis lorsqu'ils immigrent

Il faut ajouter que ce n'est pas que le comportement familial des musulmans qui se modifie, c'est aussi leurs opinions - surtout ceux qui ont immigré. Par exemple, selon le PEW Centre aux États-Unis, seulement 16% des musulmans au Moyen-Orient croient qu'il existe une solution au conflit israélo-palestinien qui permettrait la pérennité de l'État d'Israël. Cependant, 62% des musulmans ayant immigré aux États-Unis croient à cette possibilité, proche de la moyenne nationale de 67%. En plus, les musulmans deviennent rapidement des patriotes après leur immigration. Une enquête Gallup rapporte que 77% des musulmans britanniques s'identifient fortement à la Grande-Bretagne contre 52% en France.

Bientôt la cascade

L'économiste Timur Kuran a développé, au début des années 1990, le concept de « falsification des préférences », un processus par lequel les individus mentent en public sur leurs croyances et idées et agissent différemment en privé.

Cette falsification prend lieu lorsque le coût de l'expression des préférences (rejet social, exclusion, etc.) n'équivaut pas à ses bénéfices, un peu comme lorsqu'on ment à un ami quant à la qualité de son repas afin de ne pas ruiner la soirée. Toutefois, Kuran reconnaît que le seuil auquel l'expression des préférences devient avantageuse est généralement difficile à déterminer pour les individus.

Pour permettre l'expression de ces préférences changeantes, il doit y avoir une certaine accumulation de mécontentements. Un évènement mineur peut lancer un mouvement qui était latent (tel que celui du changement des préférences exprimées en privé par les familles) qui permettra l'expression de celles-ci. C'est à ce moment que des individus qui ont des préférences plus marquées en faveur de l'ordre établi commenceront à exprimer leurs préférences. Auparavant, lorsque personne n'exprimait son opinion en défaveur de l'ordre établi, il n'y avait aucune raison de réagir aux changements (ou même de s'informer de leur existence). Ceci explique, selon Kuran, pourquoi il y a des mouvements réactionnaires. Et c'est exactement tout ce processus qui nous permet d'être optimistes.

Avec un rapide déclin de la fertilité chez les musulmans ainsi qu'un progrès important (mais subtil) des femmes, le rôle traditionnel et la définition religieuse de la famille s'effritent. Un important changement des croyances individuelles s'est effectué et il est de moins en moins possible de considérer une société comme un bloc monolithique. La vie privée dans le monde musulman est de moins en moins contrôlée par des traditions religieuses et le rôle de l'individualité grandit. La religion n'englobe plus autant qu'auparavant et une certaine confusion s'installe. Il y a une réaction traditionaliste qui émerge devant ce phénomène et c'est celle-ci qui nous fait croire que les musulmans sont incompatibles avec la société occidentale. Mais ce n'est pas le cas, puisque c'est exactement parce qu'il y a cette réaction traditionaliste que les musulmans sont compatibles avec la société occidentale. Il suffit d'un tout petit effort additionnel.

Les politiques publiques appropriées

Ainsi, ce qu'il nous reste à savoir c'est quelles sont les politiques publiques susceptibles de permettre l'intégration culturelle des immigrants musulmans. Un des meilleurs parallèles qui peut nous servir est celui des immigrants canadiens-français aux États-Unis. Pendant quelques décennies au début du 20e siècle, les États-Unis craignaient l'invasion des papistes catholiques qui menaçaient l'essor culturel du pays (le nation-building).

Parmi les catholiques qui émigraient vers les États-Unis, on retrouvait les Canadiens-français qui semblaient plus prédisposés que les autres catholiques à conserver leurs institutions culturelles - notamment les écoles paroissiales. Et c'est en raison de ces habitudes que les Américains croyaient que les Canadiens-français étaient très difficiles à intégrer. Et pourtant, il n'a suffi que de deux générations pour que l'intégration d'un groupe si réticent soit complétée.

Le facteur clé souligné par les économistes et les sociologues dans cette intégration réussie est celui d'un marché du travail fluide et flexible ainsi qu'un environnement réglementaire souple qui permet l'intégration par la voie économique. Peut-être que ce moyen d'intégration peut sembler néfaste par plusieurs, mais force est d'admettre qu'il fonctionne.

L'intégration des immigrants dépend généralement de l'importance des incitations à participer à la vie économique d'une société. Il suffit de regarder le scénario contrefactuel. En Europe, des pays comme l'Angleterre et l'Allemagne qui réussissent le mieux à intégrer les immigrants et leurs enfants sont ceux qui ont des marchés du travail peu réglementés alors que la France, avec un système quasi byzantin de lois sur le travail, accuse un résultat nettement plus décevant. Le reste des bonnes politiques publiques à cet égard consiste à expulser les éléments qui violent les conditions de citoyenneté en prêchant la violence.

En somme, lorsque l'intégration n'est pas bloquée par des barrières artificielles, les immigrants voient moins d'avantages à la réclusion et préfèrent s'intégrer comme les Canadiens-français l'ont fait aux États-Unis et comme les Italiens, les Irlandais et les Écossais l'ont fait au Québec.

Pour le reste, la tâche de l'intégration repose sur la société civile qui doit dénoncer les quelques éléments extrémistes et les pointer du doigt pour que tous sachent la perfidie de leurs propos qu'ils tentent de murmurer dans l'ombre.

Conclusion

Les musulmans ne sont pas une menace au sens que certains voudraient nous le faire croire. Ils ne sont pas culturellement incompatibles avec nous. Tout indique que c'est le contraire et que la menace islamiste s'efface progressivement. En dépit de la menace réelle du fondamentalisme, il faut avoir la tête froide, ne pas crier des absurdités mal informées et réaliser quelles sont les politiques publiques les plus susceptibles de faciliter et maximiser l'intégration des immigrants.

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