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Musulmans et «kouffar» unis contre le terrorisme djihadiste

Luttons à la fois contre les inégalités sociales et les formes d'injustices, et contre l'endoctrinement à la violence, que sa source soit religieuse ou autre.
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Comme à l'accoutumée, lorsqu'un terroriste djihadiste attaque, des non-musulmans demandent aux personnes musulmanes (ou de culture musulmane) de sortir dénoncer la violence afin de se dissocier de ces monstres djihadistes. La dénonciation et le témoignage de notre soutien et notre empathie envers les victimes et leurs proches reviennent à tous les êtres humains sans égard à la croyance ou l'incroyance. C'est un comportement attendu chez tous les humains dans de telles situations, particulièrement chez les personnes qui ont l'attention des médias.

Par ailleurs, il ne faut pas juste se limiter à la marche de solidarité et de dénonciation pour ensuite reprendre le cours de notre vie. Nous sommes avertis, la menace n'a pas de frontière. L'heure est à la réflexion et à l'action. Jusque-là, je n'ai pas encore vu un profil type d'un terroriste djihadiste élaboré scientifiquement. Cela démontre la complexité du phénomène. Les facteurs sont multidimensionnels; ils regroupent des points allant du niveau local à celui international. N'étant pas spécialiste des questions politiques internationales, je limiterai ma réflexion sur le plan local. On ne peut pas toujours continuer de pointer uniquement les systèmes des pays occidentaux d'avoir échoués sur les politiques d'intégration des immigrants et d'être responsables de ces monstres. Ces derniers sont partout sans nécessairement avoir toujours un lien avec l'immigration. Les responsabilités sont collectives. Ici, je m'attarderai sur certains facteurs notamment la famille. Celle-ci (de confession musulmane ou non) a un rôle clé à jouer sur la lutte contre le terrorisme djihadiste en étant attentive aux influences et changements que rencontrent les enfants. Une expertise en intervention psychosociale pour prévenir ou déradicaliser est aussi indispensable à l'endroit des jeunes.

Je me suis permis de faire une introspection sur mon rapport à l'islam en tant que personne issue de famille musulmane pour me rendre compte de plein de choses que j'ai envie de partager. Petite, j'ai appris quelques versets à l'école coranique du quartier, que je m'amusais à réciter et à mémoriser sans savoir le sens, car je les ai appris en arabe par coeur, c'est une formule assez répandue d'apprentissage au Sénégal. Cela n'a pas duré longtemps, je suis rentrée à l'école laïque au primaire, la fin de mon initiation coranique. En grandissant au Sénégal avec un islam populaire adapté aux us et coutumes, un pays où musulmans, chrétiens et animistes partagent des repas durant les périodes festives respectives des différents groupes, un pays où l'on trouve un cimetière mixte (chrétiens et musulmans qui reposent en paix), un pays plein d'églises, de mosquées, de bars, de boites de nuit, de plages, un pays de personnes qui aiment juste la vie, je n'y ai jamais pensé que l'islam pouvait être autre chose que paix et amour à la base, la chanson qu'on entend souvent. C'est une réalité dans ce pays musulman majoritairement.

Dès que j'ai mis les pieds en Occident, hors du Sénégal, il y a une dizaine d'années, j'ai découvert une autre version de l'islam que je qualifie sans ambiguïté, ni nuance quelconque, de violent, d'intolérant à la différence, de conquérant, d'inégalitaire, de misogyne. Mon premier traumatisme date des années 90, toute petite, quand j'ai vu à la télévision un mur tâché de sang de bébé dont le crâne y a été frappé violemment en Algérie. J'ai dit à mon père, non, on n'est pas comme eux, ce n'est pas ça l'islam. N'est-ce pas? Mon père me répond non, ce ne sont pas musulmans. Mais, plus tard, j'ai cherché ma réponse moi-même. J'ai compris que ce sont des musulmans radicaux, des terroristes djihadistes, qui lisent le Coran au pied de la lettre et qui l'appliquent littéralement. C'est un fait que je ne peux pas nier en me voilant dans la chanson humaniste : l'islam est paix et amour. Pour certains, l'islam est autre chose : la haine, la tuerie, la barbarie, la rupture de toute civilisation extérieure à la religion, peu importe son utilité à l'humanité. Cette violence est légitimée par des textes anciens propices à l'endoctrinement.

Comme un grand nombre de penseurs, je crois que le mal actuel de l'islam est l'islamisme, le terrorisme djihadiste. Le mal est également dans certains textes religieux. Adulte, j'ai lu le Coran en français pour en apprendre plus. J'ai été choquée par la violence de certains versets. Fort heureusement, le Coran n'est pas appliqué à la lettre par l'immense majorité des musulmans. C'est un livre religieux écrit dans une époque très lointaine de la modernité. Ainsi, les musulmans de l'époque contemporaine ne peuvent faire autrement que vivre de manière personnelle et privée leur religion choisie dans des sociétés démocratiques, égalitaires, justes et laïques. On ne se le cachera pas, l'application littérale de certains textes coraniques est incompatible à la modernité, comme c'est le cas pour d'autres religions. Il faut vivre l'islam au XXIe siècle.

Dans notre époque, il existe des courants extrêmement violents qu'il faut dénoncer comme le wahhabisme, le salafisme, etc. Je ne suis pas experte de la religion, mais ces courants me répugnent tout simplement. Parmi ceux qui les incarnent dans leur système, nous avons l'Arabie saoudite, très active dans la propagande de l'islam violent lubrifiée par ses dollars un peu partout dans le monde.

En conclusion, les causes du terrorisme djihadiste nécessitent d'être documentées. On a vivement besoin d'études scientifiques pour mieux comprendre et agir sur le phénomène. Néanmoins, je ne peux m'empêcher de pointer une qui me semble être parmi celles déterminantes : l'endoctrinement des jeunes. Mme Fatima Houda-Pépin, spécialiste de la question, en parle d'ailleurs. Ils peuvent être des jeunes issus de familles musulmanes comme ils peuvent être des jeunes convertis, souvent plus dévoués à l'islam radical. Tous ont en commun une sorte de vulnérabilité psychique. Donc, les causes ne sont pas juste constituées d'inégalités sociales. Sinon ce monde déborderait de terroristes djihadistes. Luttons à la fois contre les inégalités sociales et les formes d'injustices en même temps que l'endoctrinement à la violence, que sa source soit religieuse ou autre. Ce monde ne peut pas être peuplé de musulmans radicaux seulement comme le pensent naïvement les terroristes djihadistes qui veulent soumettre ou exterminer l'autre différent. Ce monde est et sera peuplé de musulmans et de «kouffar» (la cible des terroristes, le reste du monde en dehors des musulmans (radicaux)). Ils sont condamnés à vivre ensemble. Que cela se fasse dans la démocratie, la laïcité, l'égalité, la justice sociale, le respect des droits et libertés.

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