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J’ai failli mourir parce que j’ai jugé que je n’avais «pas le temps d’être malade»

J'avais un gâteau d'anniversaire à faire cuire et des paniers de Pâques à préparer. J'avais des responsabilités et des délais. Je n'avais pas le temps pour ça.
Kristina Wright la veille de son congé de l'hôpital.
Courtoisie/Kristina Wright
Kristina Wright la veille de son congé de l'hôpital.

À quoi ça ressemble prendre soin de soi lorsqu’on est maman? Je sais que les magazines et les médias sociaux proposent des choses comme une journée de lecture sur la plage ou un après-midi à regarder des films réconfortants. Mais pour moi, par une belle journée de printemps en 2015, prendre soin de moi consistait à accepter que j’avais besoin d’un traitement médical pour ne pas mourir.

J’avais survécu à l’hiver sans tomber malade, ce qui est essentiellement un miracle lorsque vous êtes la maman de deux jeunes enfants. J’étais heureuse, en paix et je me sentais bien!

Puis j’ai commencé à me sentir… pas si bien. J’ai pensé que c’était des allergies, ou même un rhume qui me rattrapait après l’hiver. J’ai ignoré ça, parce que la plupart des mamans avec de jeunes enfants ont tendance à ignorer tout ce qui n’est pas une urgence médicale complète. J’ai continué en prenant de la vitamine C et de l’ibuprofène. Je me souviens de m’être dit que c’était juste une malchance et d’avoir été incommodée par le fait de me sentir moche pendant une semaine chargée qui incluait Pâques et l’anniversaire de mon mari.

72 heures après avoir grimpé à contrecœur dans mon lit immédiatement après le dîner parce que j’étais trop épuisée pour rester debout plus longtemps, je me retrouvais à l’arrière d’une ambulance en direction de l’hôpital. Qu’est-il arrivé? Les heures précédentes sont un mélange de souvenirs flous: mes petits garçons debout près du lit qui me demandent si j’ai envie de jouer, mon mari qui me regarde pour voir si j’ai besoin de quelque chose et moi de répondre: «Je vais bien. J’ai juste besoin de plus de sommeil. ”

Mais il s’est avéré que je n’avais pas besoin de plus de sommeil. J’avais besoin de soins médicaux d’urgence. En plus d’avoir une pneumonie, j’étais en choc septique, une condition où les toxines de l’infection déclenchent une réponse inflammatoire du corps entier. Mes reins étaient défaillants et ma tension artérielle et mes électrolytes étaient dangereusement bas. J’étais, littéralement, en train de mourir. Et je ne le savais même pas.

J’étais à l’arrière d’une ambulance, je ressentais chaque secousse et chaque virage, et j’arrivais à avoir quelques pensées cohérentes qui allait de «C’est idiot. Je ne suis pas si malade que ça» à «Oh mon Dieu, qu’est-ce que j’ai fait?» J’avais un gâteau d’anniversaire à faire cuire et des paniers de Pâques à préparer. J’avais des responsabilités et des délais. Je n’avais pas le temps pour ça.

Ce n’est qu’après avoir passé 12 heures aux urgences et avoir été finalement transférée dans un lit de l’unité de soins intensifs que j’ai appris la gravité de mon état. Le diagnostic de choc septique et de septicémie grave n’a pas vraiment déclenché de sonnette d’alarme pour moi. Je n’avais entendu les termes que lorsque je regardais des émissions télévisées comme «Grey’s Anatomy». J’avais un vague sentiment que mon état était grave, mais j’étais trop confuse pour considérer ce que ça signifiait dans la vie réelle, dans ma vie.

“C’était comme si je regardais tout ça à distance. Ce n’était pas en train de m’arriver. Ce n’était qu’un rêve.”

J’ai appris que la septicémie est la réponse dangereuse et mortelle du corps à une infection. Mon corps s’est arrêté en raison d’une grave infection. J’ai vécu tout ce qui m’arrivait dans la confusion - les médicaments par intraveineuses aux urgences, le passage aux soins intensifs avec de nombreux équipements, les allées et venues des médecins et des infirmières qui entraient et sortaient de ma chambre. C’était comme si je regardais tout ça à distance. Ce n’était pas en train de m’arriver. Ce n’était qu’un rêve. J’ai dormi quelques heures et je me réveillée revigorée.

Plus tard, les médecins ont déterminé que j’étais passée rapidement du norovirus à la pneumonie, à la septicémie. Le taux de mortalité par septicémie sévère est d’environ 50%. Cinquante pourcent.

Presque tout ce que j’ai appris sur la septicémie a été après l’urgence et les soins intensifs, quand j’arrivais enfin à garder la nourriture et à m’asseoir toute seule, quand j’ai recommencé à me sentir comme d’habitude. Quand je n’étais plus en danger de mourir. L’un des nombreux médecins que j’ai vus pendant mon séjour d’une semaine à l’hôpital m’a dit: «Si vous aviez attendu encore 12 heures de plus, vous seriez probablement morte.»

Si mon mari ne m’avait pas forcée à aller chez le médecin, j’aurais probablement fait un arrêt cardiaque et je serais morte. Je suis chanceuse d’être en vie. Je me le répétais encore et encore. Je m’étais approchée de la mort. Plus de quatre ans après les événements, c’est encore une pensée difficile à traiter.

“La septicémie avait été une réponse à l’infection et l’infection avait été une réponse à… un manque de soins personnels.”

Comment ça a pu se produire? Nous ne le saurons jamais. Lors d’un de mes rendez-vous de suivi, j’ai demandé à mon médecin traitant ce que j’aurais pu faire pour empêcher ça. Elle a souri doucement et m’a dit: «Vous auriez pu venir plus tôt.»

J’étais presque morte de la septicémie, oui, mais la septicémie avait été une réponse à l’infection et l’infection avait été une réponse à… un manque de soins personnels. C’est peut-être trop simpliste, mais c’était ça.

Avant mon séjour à l’hôpital, j’avais une règle de trois jours pour la maladie: si, après trois jours de repos et de réhydratation, je ne me sentais toujours pas mieux, j’irais à l’urgence ou j’appellerais mon médecin. Ce lundi-là, j’avais commencé à me sentir vraiment malade, le mardi, j’avais eu des courbatures et des frissons. Le mercredi, c’était des vomissements et de la diarrhée. Jeudi, j’étais aux urgences, mourante. Ma règle de trois jours, une tentative concrète pour prendre soin de moi, avait échoué.

Se remettre d’une septicémie prend du temps. Bien que je me sois «rétablie» à un rythme surprenant une fois que j’ai reçu des soins médicaux et que j’ai pu rentrer chez moi après une semaine, la véritable guérison s’est produite dans les mois qui ont suivi. Mon niveau d’énergie était au plus bas de toute ma vie. Les tâches de base étaient épuisantes. Et j’avais encore deux petits garçons qui avaient besoin de mes soins et un mari dont les horaires de la Marine et de l’école avaient été aussi accommodants qu’ils pouvaient l’être pendant que j’étais à l’hôpital.

Une fois à la maison, mes responsabilités et mes routines ont repris, mais j’étais loin d’être mieux. Et mes faibles tentatives pour prendre soin de moi-même ont dû prendre une pause pour prendre soin de mes enfants et pour qu’ils aient un certain sentiment de normalité.

Dans les semaines qui ont suivi ma sortie de l’hôpital, j’ai plaisanté en disant que j’avais toujours pensé qu’une expérience de mort imminente était censée apporter une révélation qui allait changer une vie - mais ça ne m’est pas arrivé. Il n’y a pas eu de moment de conscience de soi, aucun sentiment que je devrais faire quelque chose de différent avec ma vie. Ma vie était exactement comme je voulais qu’elle soit, j’avais tout ce que je voulais. Presque mourir de septicémie a été une très mauvaise chose qui m’est arrivée dans une année remplie de bonnes choses. Qu’est-ce que tout ça signifiait? Qu’est-ce que je devais en retenir?

Je veux pouvoir dire que j’ai appris à mieux prendre soin de moi, mais m’approcher de la mort ne m’a pas déchargée des responsabilités de la maternité. Même si mon mari était hyper vigilant dans les mois qui ont suivi ma maladie, méfiant de chaque toux ou douleur, je suis vite revenue à la complaisance et à la conviction que je serais bien - parce que je devais être bien. Pour ma famille.

«Je n’ai pas le temps d’être malade», ai-je plaisanté à bout de souffle depuis mon lit des soins intensifs, mon corps connecté à des fils et des tubes, des moniteurs émettant un bip constant derrière moi. Je l’ai dit, non seulement pour conjurer la terreur soudaine de savoir que je suis sur le point de mourir, mais comme réflexe à tous les encouragements que j’ai reçus pour me dire de ralentir, de me reposer, de mieux prendre soin de moi.

“Ma croyance découle des charges injustes imposées aux femmes et aux mères, des leçons de ma propre mère et de mon propre besoin impérieux d’être pleinement autosuffisante et forte, toujours.”

Prendre soin de moi n’était pas quelque chose que je prenais au sérieux avant mon trajet en ambulance aux urgences - et ce n’est toujours pas une chose pour laquelle je suis très bonne. Prendre soin de moi me semble frivole, une indulgence à laquelle je n’ai pas le temps de m’adapter. Oui, même aujourd’hui.

Il est difficile de changer une habitude si ancrée, donc je suis à la fois fière de moi et légèrement embarrassée quand je le fais. Je reconnais que ma croyance découle des charges injustes imposées aux femmes et aux mères, des leçons de ma propre mère, qui considérait autre chose que le martyre maternel comme une négligence parentale, et de mon propre besoin impérieux d’être pleinement autosuffisante et forte, toujours. Mais je sais aussi que je ne fais aucune faveur à moi-même ni à mes enfants en agissant de cette façon.

Et c’est peut-être pour ça que, deux ans plus tard, je me suis rendue à l’urgence dès que j’ai reconnu les symptômes révélateurs et dit à ceux qui m’ont soignée que je pensais avoir une pneumonie. Je me suis sentie validée lorsque les radiographies ont confirmé ce que je ressentais, mais j’étais également ennuyée de devoir réorganiser mon horaire pour faire face à ma propre maladie accaparante.

Dans mon cas, prendre soin de moi, ce n’est pas des journées de spa ou regarder Netflix en rafale, c’est accepter que mes routines et les délais et les attentes - externes et auto-imposés - doivent parfois être mis de côté au service de ma propre santé.

On pourrait penser que je retiens cette leçon après avoir failli mourir, mais je dois continuer à l’apprendre.

Ce texte, initialement publié sur le site du HuffPost États-Unis, a été traduit de l’anglais.

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