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Mort de Ruth Bader Ginsburg: quel impact sur la présidentielle américaine?

Le président des États-Unis Donald Trump se retrouve face à un dilemme à 45 jours du scrutin: faut-il nommer son ou sa remplaçante dans l'urgence?
La mort de la juge de la Cour suprême Ruth Bader Ginsburg, vendredi 18 septembre, va forcément avoir un impact sur l'élection présidentielle aux États-Unis, qui opposera Joe Biden à Donald Trump.
SAUL LOEB, Robyn BECK / AFP
La mort de la juge de la Cour suprême Ruth Bader Ginsburg, vendredi 18 septembre, va forcément avoir un impact sur l'élection présidentielle aux États-Unis, qui opposera Joe Biden à Donald Trump.

Et voilà, on tient le thème du sprint final vers l’élection présidentielle américaine de 2020. Ce vendredi 18 septembre, à 45 jours du scrutin, la juge démocrate à la Cour suprême Ruth Bader Ginsburg est morte à 87 ans, vaincue par un cancer contre lequel elle s’était longuement battue.

Cela signifie qu’un siège est désormais vacant au sein de la plus haute juridiction américaine, et que les républicains - majoritaires par cinq voix contre trois aux démocrates depuis le décès de «RBG» - ont l’occasion d’y conforter leur mainmise. Ce qui fait nécessairement de la succession à la juge Ruth Bader Ginsburg un dossier brûlant d’ici au 3 novembre, date à laquelle seront départagés Joe Biden et Donald Trump.

Quel timing?

C’est la première question qui va se poser: quand le ou la remplaçante de «RBG» va-t-il ou elle être nommé(e)? En 2016, dernière année du mandat du démocrate Barack Obama, un juge de la Cour suprême était déjà décédé. C’était en février, et à l’époque, la majorité républicaine au Sénat avait refusé au président le droit de choisir un successeur, arguant du fait que l’on soit en année électorale et qu’il faille laisser le peuple se prononcer d’abord sur l’identité du chef de l’État.

Une manœuvre qui avait permis à Donald Trump de nommer un conservateur pour en remplacer un autre alors qu’Obama aurait sans aucun doute chamboulé les équilibres en place.

Mais cette année, la situation est bien différente car il n’y a pas de cohabitation. En ce sens, les républicains ont la liberté de précipiter le processus pour choisir très rapidement un nouveau juge. Et puisque ceux-ci sont nommés à vie, s’assurer une majorité durable et confortable à la Cour suprême. Ainsi, même si Joe Biden gagnait, il serait coincé avec six juges conservateurs face à lui. En effet, aux États-Unis, le président sortant n’est pas remplacé avant le mois de janvier suivant l’élection, ce qui laisserait largement le temps aux troupes de Donald Trump pour valider son choix, même en cas de défaite.

Reste que Donald Trump peut également choisir de faire de ce remplacement un enjeu du scrutin du 3 novembre. S’il assure à ses supporters qu’ils peuvent garantir à leur pays 20 ou 30 ans d’une Cour suprême à majorité républicaine et du même avis qu’eux sur certaines questions clés, il y a fort à parier qu’il saura mobiliser les foules.

Les grands thèmes du débat présidentiel réorientés?

C’est donc une possibilité pour Donald Trump: il peut choisir de faire de la question de la succession de Ruth Bader Ginsburg un enjeu de l’élection et repousser son choix à après le scrutin. Or s’il le fait, l’identité du ou de la remplaçante pourrait être centrale dans l’esprit des votants.

En 2018, le choix du conservateur Brett Kavanaugh l’avait bien montré: les questions religieuses et sociétales, et en particulier celle de l’avortement sont sources de conflits terribles au sein de la population américaine. Or celle qui semble se détacher dans le camp républicain pour succéder à «RBG», une certaine Amy Barrett, a exactement le même profil.

Extrêmement religieuse, au point qu’elle a déjà concédé que sa foi catholique biaiserait forcément ses choix si elle était nommée à la Cour suprême, elle pourrait mettre en danger certains acquis au niveau des droits des femmes.

Même si celui-ci est un acquis constitutionnel, l’avortement pourrait par exemple être remis en cause et une Cour suprême conservatrice pourrait décider de laisser le choix aux États quant à sa légalité. Ce qui résulterait, dans les États républicains, en de larges interdictions de l’IVG.

Une perspective qui, on l’imagine aisément, fait rêver l’électorat de Donald Trump. Et peut-être même au-delà, puisque des indécis religieux pourraient voir dans la victoire du président sortant une opportunité de faire valoir leurs idéaux.

Et si la présidentielle était contestée?

L’un des rôles de la Cour suprême, en tant que plus haute juridiction du système américaine, est d’être le juge des élections. Or avec un scrutin du 3 novembre qui se déroulera en partie par correspondance du fait de la pandémie de coronavirus, et avec un Donald Trump qui pourrait l’emporter dans les urnes avant d’être vaincu une fois les bulletins par courrier comptabilisés, il est envisageable que l’élection présidentielle soit contestée en justice.

Y aura-t-il alors un blocage institutionnel si Ruth Bader Ginsburg n’a pas été remplacée? Huit juges au lieu de neuf auront-ils la légitimité pour trancher et donner raison à un camp ou à l’autre? Et qu’arrivera-t-il s’ils votent à 4 voix pour l’un et autant pour l’autre?

«Une élection historiquement incertaine est devenue encore un peu plus instable», résument nos confrères du HuffPost américain. Dans le cas d’un blocage à la Cour suprême, ces derniers rappellent que la décision qui l’emporte est celle prise par le niveau de juridiction inférieur (c’est-à-dire avant qu’un appel n’emmène l’affaire jusqu’à la Cour suprême). Cela signifie que sans remplaçant pour Ruth Bader Ginsburg, le sort de la présidentielle américaine pourrait être décidé par un tribunal commun. Et puisque Trump a nommé en quatre ans pratiquement deux fois plus de juges qu’Obama en huit, là encore, la situation pourrait lui être favorable.

Le Sénat peut-il s’opposer à une nomination?

Le Sénat doit «confirmer» la personne choisie par le président des États-Unis pour qu’elle puisse effectivement entrer à la Cour suprême. On se souvient que dans le cas de Brett Kavanaugh, candidat proposé par Donald Trump et accusé d’agression sexuelle, ce processus avait été extrêmement long et pénible. Les démocrates avaient d’ailleurs failli réussir à invalider le choix présidentiel.

Dans le cas présent, les républicains sont majoritaires à la chambre haute du Parlement américain, et leur chef de file, Mitch McConnell a déjà fait savoir que ses troupes étaient prêtes à approuver le choix de Donald Trump. Sauf que...

Mitch McConnell n’a pas le contrôle total sur ses ouailles. En effet, quelques minutes après son annonce, l’un des sénateurs républicains, l’ancien candidat à l’élection présidentielle Mitt Romney annonçait qu’il s’opposerait à un tel processus. Et puisque la majorité républicaine ne tient que par quatre voix, il suffirait que trois sénateurs imitent Romney pour que le vote de confirmation soit perdu.

De plus, après la mort en août de John McCain, sénateur républicain de l’Arizona, une élection a été programmée pour lui choisir un remplaçant. Et le démocrate en lice, Mark Kelly, pourrait venir fragiliser encore un peu plus l’avance des républicains au Sénat. S’il l’emportait avant que la chambre se soit prononcée sur la Cour suprême, il ne manquerait alors plus que deux voix opposées aux choix de Donald Trump pour que le vote sur le remplaçant de «RBG» bascule.

Ce texte a été publié originalement sur le HuffPost France.

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