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Montréal: des mesures coercitives préconisées pour l'embauche de minorités

La Table sur la diversité de la Ville de Montréal veut augmenter l'imputabilité des gestionnaires qui ratent les objectifs d'embauche de personnes racisées, handicapées et d'autres groupes ciblés.
Myrlande Pierre, présidente de la Table sur la diversité, l'inclusion et la lutte contre les discriminations de la Ville de Montréal, lors de la création de la Table en mars 2018.
Olivier Robichaud
Myrlande Pierre, présidente de la Table sur la diversité, l'inclusion et la lutte contre les discriminations de la Ville de Montréal, lors de la création de la Table en mars 2018.

La Table sur la diversité créée par l’administration Plante souhaite prendre le taureau par les cornes pour assurer une meilleure représentation de la diversité montréalaise au sein de l’appareil municipal, réputé très blanc. Elle préconise des mesures coercitives et une plus grande imputabilité des gestionnaires lors d’embauches et de promotions, sans toutefois préciser des pénalités spécifiques.

La Table a dévoilé mercredi le premier de quatre rapports commandés par la mairesse Valérie Plante. Il portait sur l’accès de groupes cibles (minorités visibles, minorités sexuelles, personnes handicapées, autochtones, etc.) aux emplois au sein de la fonction publique montréalaise.

On y note une volonté d’améliorer les processus d’embauche et la formation, mais également de forcer les gestionnaires à atteindre les objectifs de l’administration en termes de diversité.

«La Table soutient que des moyens coercitifs et incitatifs doivent être mis en place pour éliminer les “blocages administratifs structurels”. Autrement, cette situation de déficit de représentativité au sein de la Ville risque de perdurer. L’amélioration de la représentation et de représentativité, notamment dans les postes de gestion, de la haute direction et de cadres supérieurs doit être combinée à un habile, sensible et lucide dosage d’éducation, de persuasion, d’exhortation et de coercition», lit-on dans le rapport.

La Table, présidée par la chercheuse Myrlande Pierre, poursuit en indiquant que «la reddition de comptes et l’imputabilité des détenteurs de charges publiques à la Ville de Montréal constituent [...], la pierre angulaire de toutes stratégies propres à lever les obstacles structurels qui compromettent l’accès à l’égalité en emploi».

La Ville de Montréal a été la cible de certaines critiques au cours des dernières années pour le manque de diversité au sein de ses employés, surtout en ce qui concerne les cadres. Le tiers des Montréalais sont issus des minorités visibles, mais ceux-ci ne comptent que pour 12% des effectifs de la Ville.

La situation est particulièrement problématique au Service de sécurité incendie de Montréal: selon les chiffres de 2015, moins de 3% des pompiers font partie d’une minorité visible, d’une minorité ethnique ou d’un groupe autochtone. Ce chiffre grimpe à 10,7% pour les policiers, 14,1% pour les cols bleus, 21,8% pour les cols blancs et 30,3% pour le personnel scientifique.

En 2018, la Société de transport de Montréal affiche un taux de 31,1% de minorités visibles et ethniques et d’autochtones parmi ses employés.

Les recommandations et les mesures spécifiques comprises dans le rapport ne précisent toutefois pas quelles conséquences seraient applicables.

Contactée par le HuffPost Québec, Mme Pierre précise qu’elle souhaite que l’atteinte des objectifs de diversité soit comprise dans l’évaluation annuelle des cadres.

«Ça pourrait être une condition aux promotions», souligne-t-elle.

Cette recommandation ferait partie d’un autre rapport remis à l’administration Plante en septembre, peu après l’embauche d’un nouveau directeur général. Il n’a jamais été diffusé publiquement.

Rapport bien accueilli

Cette absence n’émeut pas outre mesure Balarama Holness, ex-candidat de Projet Montréal qui est à l’origine du déclenchement de la consultation publique sur le racisme systémique. La consultation a aussi pris son envol mercredi.

«Il faut faire attention avec la coercition. À moins d’actes objectivement illégaux, il est difficile d’imaginer que la Ville de Montréal créerait des mécanismes indépendants pour imposer des sanctions», dit-il en entrevue au HuffPost Québec.

M. Holness se dit par ailleurs fort heureux des recommandations du rapport.

“Je vais m’assurer que tout le monde est au courant de l’existence de ce document”

- Balarama Holness

M. Holness rappelle que l’administration Plante a créé la Table sur la diversité à la suite de pressions exercés dans les semaines et les mois suivant l’élection de novembre 2017. Mme Plante et l’équipe de Projet Montréal ont été critiqués par M. Holness et son groupe «Montréal en action» ainsi que par l’opposition officielle pour l’absence de minorités visibles au sein des élus.

«Ce n’était pas une épiphanie. C’était à la suite d’initiatives citoyennes», lance-t-il.

Les recommandations comprennent certaines mesures phares pour améliorer les processus d’embauche. Selon la Table, la Ville devrait créer une liste de personnes issues de minorités visibles ou d’autres groupes ciblés qui pourraient participer aux comités de sélection. Les gestionnaires devraient obligatoirement nommer au moins une personne de cette liste sur les comités.

L’ancienneté pourrait aussi être mise de côté, avec l’accord des syndicats, afin de favoriser l’embauche de minorités dans les secteurs qui affichent une sous-représentation chronique de certains groupes, notamment les pompiers.

On recommande aussi la création d’un Commissaire à la diversité qui analyserait les processus d’embauche pour identifier les étapes où les personnes racisées, autochtones ou autres échouent.

La Table aimerait aussi que la Ville étende le bras en dehors de la fonction publique en demandant que les entreprises qui obtiennent des contrats se dotent de politiques favorisant la diversité.

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