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Montréal est une honte nationale

Unele 29 janvier illustre parfaitement en quoi Montréal est devenue une honte nationale. Dans un segment de quelques secondes tourné tout près de l'Université McGill, on voit une jeune femme lutter pour garder son équilibre au milieu d'un torrent causé par la rupture d'un aqueduc âgé de 88 ans. La force du courant l'empêche d'avancer, tandis que divers débris dévalent à grande vitesse la rue qu'elle tente de traverser.
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Une vidéo virale filmée avec un téléphone intelligent le 29 janvier illustre parfaitement en quoi Montréal est devenue une honte nationale. Dans un segment de quelques secondes tourné tout près de l'Université McGill, on voit une jeune femme lutter pour garder son équilibre au milieu d'un torrent causé par la rupture d'un aqueduc âgé de 88 ans. La force du courant l'empêche d'avancer, tandis que divers débris dévalent à grande vitesse la rue qu'elle tente de traverser.

La jeune femme tient bon une trentaine de secondes, mais se fait emporter après avoir tenté d'éviter un débris de grande taille. Résignée, elle se laisse glisser les fesses dans l'eau vers le bas de la pente, jusqu'à ce qu'elle soit hors de portée de la caméra. Cette vidéo est tout simplement pathétique, en grande partie parce que l'auteur de la vidéo, ses amis et les autres témoins de la scène n'ont pas pensé à tendre la main à cette jeune femme. C'est après 45 secondes, alors que celle-ci disparaît de la vue, qu'un homme s'exclame: « Dude, somebody should probably go help her. » (Quelqu'un devrait peut-être aller l'aider.) Cette attitude est emblématique de la négligence généralisée qui prévaut maintenant dans la Métropole. Et dire que ces étudiants sont les mêmes qui ont marché dans les rues du centre-ville tout l'été pour réclamer la gratuité scolaire.

La Commission Charbonneau, qui tente actuellement de faire la lumière sur la corruption et la collusion dans l'industrie de la construction, révèle au reste du Canada l'état de pourriture avancée dans lequel se trouve Montréal. Ciblant une douzaine de grandes compagnies, la Commission met en vedette des entrepreneurs qui ont manipulé les contrats municipaux pendant des années afin d'être payés plus pour travailler moins. Le plus grave est que les élus des deux principaux partis municipaux (au fait, le multipartisme est-il vraiment nécessaire à Montréal?) ont eux-mêmes trempé dans ce système de pots-de-vin, de ristournes et de dons illégaux. La classe politique au grand complet semble avoir pris part au stratagème, incluant celui qu'on surnomme désormais « Monsieur trois pour cent ». Tombé en disgrâce, l'ex-maire Gérald Tremblay a dû démissionner mais a nié jusqu'à la toute fin avoir quoi que ce soit à se reprocher.

Pour couronner le tout, l'ancien directeur général du CUSM, qui supervisait le chantier du méga-hôpital anglophone, s'est enfui en laissant derrière lui des dettes de plusieurs centaines de milliers de dollars et la réputation de s'être associé avec un trafiquant d'armes présumé.

La Commission Charbonneau a pris une tournure « sexy » la semaine dernière lorsque Michel Lalonde (l'un des gros bonnets de la construction ayant avoué leur corruption), a pris la barre des témoins. Durant quatre jours, M. Lalonde a raconté avec moult détails comment les entrepreneurs et les firmes de génie-conseil (dont la sienne) ont systématiquement versé des sommes d'argent aux élus et aux fonctionnaires, y compris à l'ancien directeur général de la Ville de Montréal, afin de rafler des contrats bien juteux. Non contentes d'avoir noyauté le marché, ces firmes ont facturé à la Ville des dépassements de coûts frauduleux, et contribué en retour à la caisse électorale des partis ainsi qu'à la réélection de politiciens complices incluant des maires d'arrondissement. Mardi dernier, M. Lalonde a résumé la situation en ces quelques mots : « On a des projets, on contribue. »

En matière de politique et de conduite des affaires, la Commission Charbonneau en général et le témoignage de M. Lalonde en particulier sont un cauchemar devenu réalité. L'on se rend compte que ces deux sphères d'activité ont fusionné et qu'elles sont contrôlées par des escrocs, au détriment de tous les contribuables. Il faudra beaucoup de temps pour corriger la situation. Jeudi dernier, un promoteur immobilier cité par le chroniqueur Henry Aubin dans The Gazette a d'ailleurs déclaré qu'il faudra « au moins une génération pour reconstruire notre ville et sortir de ce merdier ».

Pour l'instant, les crapules qui dirigent Montréal semblent déterminées à la laisser tomber en ruine, morceau par morceau. Quant à l'aqueduc de la rue McTavish et aux autres canalisations centenaires prêtes à crever à tout moment, je n'ose même pas croire qu'elles seront correctement remplacées. La compagnie qui a obtenu le contrat de réfection dans ce secteur est nulle autre que Louisbourg Construction, appartenant à la famille de Tony Accurso, l'un des entrepreneurs au centre de l'enquête publique menée par la juge Charbonneau.

Bien entendu, il restera toujours la fabuleuse culture montréalaise, son histoire fascinante, les boutiques et les restaurants de son Vieux-Port, les Canadiens et Arcade Fire. Montréal demeure une belle ville, si ce n'est la plus belle au Canada. Je n'ai jamais dit qu'il ne fallait pas la visiter. Au contraire, je vous encourage à profiter de ses attraits, mais faites attention de ne pas tomber dans une gigantesque crevasse, et n'oubliez pas d'enfiler votre combinaison de plongée.

EN IMAGES:

Tony Accurso

La commission Charbonneau en bref

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