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Mon mari s'est pris en main et je ne pensais pas que je lui en voudrais autant

Il devenait un homme brillant, en forme et sexy, et je l'admirais. Pendant ce temps-là, je portais peu attention à mon propre bien-être.
Mon conjoint lors de nos dernières vacances.
Courtoisie/Baisakhi Roy
Mon conjoint lors de nos dernières vacances.

«Je ne veux pas entrer dans la quarantaine avec une bedaine. Je veux bien paraître dans mes vêtements. Je ne veux pas aller dans la piscine du centre communautaire avec mes poignées d’amour!», m’a annoncé mon mari, un matin.

Ce petit bout de son corps qui s’appuie sur le haut de son maillot de bain? Je ne l’ai pas dit à haute voix, mais je pensais à l’époque que c’était peine perdue. Mon mari se plaignait qu’il voulait perdre du poids depuis un certain temps. Je le comprenais - je voulais moi-même apporter quelques changements à mon mode de vie, mais je me trouvais toujours des excuses.

Je l’encourageais à 100% dans son désir de s’impliquer pour améliorer sa santé. Mais alors que je me préparais à être témoin de ses tentatives pour changer, je ne m’étais pas préparée à ce que je ressentirais quand il aurait réellement atteint ses objectifs.

C’était troublant de voir mon mari être «soudainement» meilleur que moi, personnellement et professionnellement. Il a pris son erre d’aller pendant sa trentaine. De mon côté, j’avais vécu une jeunesse couronnée de succès et marquée par l’ambition, et je craignais d’atteindre un plateau.

On a commencé à sortir ensemble il y a près de deux décennies. On aimait écouter des séries en rafales sur Netflix, regarder des matchs de cricket pendant des heures, dormir le matin et profiter de la bonne nourriture. On pouvait paraitre très semblables, mais on était aussi très différents.

C’est une des raisons pour lesquelles nous sommes tombés amoureux. À l’époque, il était réservé, j’étais loquace. Il était réfléchi, je me lançais dans la vie tête première. Il se remettait toujours en question, et moi j’avais une confiance sans limite. Nous faisions ressortir le meilleur l’un de l’autre.

J’ai senti que notre relation changeait lorsque notre fille est née en 2008. Mon mari est devenu plus sociable et il lisait des articles sur la religion, la politique et les droits des femmes. Il a expérimenté de nouvelles recettes, a appris à skier et s’est développé un intérêt pour l’humour. Quant à moi, j’ai perdu l’intérêt d’écrire le livre que je voulais écrire depuis le secondaire, et j’ai arrêté d’aller à mes cours de danse.

“Le problème, c’était mon manque de discipline et ma peur du changement.”

Un jour, mon mari a croisé un de ses collègues qui était anciennement assez corpulent, et qui était devenu aussi agile qu’une ballerine adolescente. Il a passé une semaine à s’extasier au sujet du poids que son ami avait perdu et voulait essayer le régime Keto.

Il faut mentionner que la version de mon mari de ce régime faible en glucides et riche en matières grasses n’incluait aucun de mes aliments préférés: les barres de chocolat Twix, les chips et ce délicieux gâteau double chocolat de l’épicerie.

Il a fait le plein de riz au chou-fleur, tandis que je suis restée fidèle au riz blanc ordinaire. Pendant qu’il prenait le temps de se faire griller du poulet ou du poisson pour son lunch, je le regardais en mangeant une cuillerée de Nutella. Avant de partir pour le travail le matin, il préparait deux verres de smoothie rose pour le déjeuner dans le nouveau mixeur que nous avions juré d’utiliser ensemble.

Je ne peux pas vous dire combien de fois j’ai voulu utiliser ce mélangeur comme matraque.

Il a fait ça tous les jours pendant des mois. Il devenait un homme brillant, en forme et sexy, et je l’admirais. Pendant ce temps-là, je prêtais peu d’attention à mon propre bien-être.

Deux ans plus tard, il a perdu 20 livres, ses vêtements le rendent un peu trop sexy à mon goût et il ne fait plus autant de rots (tout est dans les petites choses). Deux ans plus tard, j’ai encore de la difficulté à accepter la réalité: le problème, c’était mon manque de discipline et ma peur du changement.

Lâcher mon ressentiment

Ma première réaction face aux changements de mon mari a été l’indignation. Je lui ai dit à plusieurs reprises: «Tu ne m’aimes pas comme je suis?». Il était perplexe, et il avait raison d’être confus - il ne m’avait jamais demandé de changer. Ça me frustrait de constater qu’il ne pouvait pas voir que plus il se forçait pour être en bonne santé, plus mes propres doutes se révélaient. Je projetais mes insécurités sur lui, mais je ne le réalisais pas encore.

Par exemple, s’il y a une chose pour laquelle je vis, ce sont les moments pour se coller. Nous avons longtemps savouré ces 20 minutes avant que notre fille se lance dans notre lit, chaque matin, se glissant entre nous deux et nous rappelant sa présence dans nos vies.

Dans mon ressentiment, je sentais qu’il m’avait enlevé ce temps spécial - parce qu’à la place, il se retrouvait au gym tous les matins, même parfois la fin de semaine. J’ai fait ma part pour saboter sa routine: j’ai fait semblant d’être malade, d’être déprimée et même d’avoir la diarrhée pour l’empêcher d’y aller. Il y a cru (une fois!), mais a rapidement compris la vérité face à mes bouderies, mes fausses larmes et mes menaces occasionnelles de divorce.

«On peut s’entraîner ensemble, tu sais», m’a rappelé mon mari, un jour.

J’ai eu un déclic. Il avait raison, c’est sûr.

Je suis impressionnée par la discipline et le focus de mon mari. Je reconnais de plus en plus que je suis un individu à part entière. C’est important, dans le mariage, d’être mis au défi et de tenter d’être la meilleure version de soi-même. Me défier, c’est exactement ce que mon mari a fait, même si c’était involontaire. Je travaille à délaisser mon ressentiment avant qu’il ne se transforme en une animosité complète envers un homme doux qui voulait juste bien paraître en maillot de bain.

Ces jours-ci, j’essaie de rejoindre mon mari à mi-chemin. Mes repas sont devenus plus sains. Je vais au gym au moins trois fois par semaine (et je regarde Netflix sur le tapis roulant ... parce que avouons-le, c’est ennuyant!). Je suis passée au blanc d’oeuf et il n’y a pas de sucre dans mon café ou mon thé. Je refuse toujours de skier. Et ça fait ... du bien.

Mon mari fait aussi sa part pour garder les choses en équilibre dans notre relation. Il m’aime et, surtout, vit avec moi depuis assez longtemps pour savoir qu’il ne peut pas ignorer mes sentiments. Véritablement saint, il accommode mes humeurs depuis 18 ans et ça continue. Nos câlins du matin sont de retour. Il ne me dit jamais quoi manger ou ne pas manger. Il pense plutôt toujours à «nous». J’apprécie ça.

Mais j’ai peut-être parlé trop vite. La semaine dernière, il est entré dans notre cuisine l’air un peu trop pensif - à propos de quoi, encore? - le pain.

«Nous devons aller au Costco et faire le plein. Il faut acheter ce pain protéiné à faible teneur en glucides. Je dois reprendre un peu de poids! »

Ce texte, initialement publié sur le site du HuffPost Canada, a été traduit de l’anglais.

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