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Sept ans, c'est long. New York a un nouveau maire. Les clôtures entourant le site du World Trade Center sont sur le point d'être retirées. Les arbres bourgeonnent. Le ciel est bleu. Il ne faut pas tourner la page ou oublier. Il faut se souvenir, apprendre et grandir.
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En 2006, je suis retourné sur le site du World Trade Center pour la première fois depuis les attaques du 9/11. Difficile d'exprimer ce que je ressentais à ce moment.

C'était, bien entendu, un chantier de construction avec tout ce que cela comporte de casques de protection, de poutres d'acier, d'effervescence et de promesses que quelque chose de nouveau s'érigera bientôt sur le site.

Mais c'était également un lieu empreint d'émotions accablantes. Les souvenirs du 11-Septembre- ces nuits sombres, les flammes et la fumée, les amas de débris et les innombrables morts de toutes nationalités et religions - imprégnaient également l'atmosphère.

De plus d'une manière, l'avenir de New York, et celui d'un monde aussi tolérant qu'interconnecté était ici en jeu. Ce sont ces émotions et cet instinct de survie triomphant que j'ai tenté d'immortaliser dans mon film 7 Days In September.

Lorsque j'ai pris la décision de faire don au Musée des droits de ce qui était à ce moment-là la plus imposante archive portant sur le 11-Septembre, j'étais à la fois plein d'espoir et d'appréhension.

C'était en 2006 et le New York Times publiait alors un texte sur l'importance de cette archive et son impact pour les générations à venir.

À l'époque, alors qu'approchait le cinquième anniversaire, j'ai déclaré au Times que l'archive "contient des choses que nous ne connaissons pas encore et que nous devons connaître. Nous ne savons pas pourquoi elles doivent être préservées, mais nous savons qu'elles doivent l'être."

En 2006, Jan Ramirez, la conservatrice en chef du World Trade Center Memorial Foundation disait: "il s'agit d'un extraordinaire recueil de perspectives, une archive d'une importance capitale à préserver."

Grâce au travail remarquable de Jan et de ses collègues, nous y sommes parvenus.

Nous voici donc, sept années plus tard, et le trou béant a été remplacé par le mémorial de Michael Arad, mais une chose est demeurée invisible pour la très vaste majorité des gens: le travail minutieux qui a été nécessaire pour la cueillette, la conservation et la préparation du Musée que le président Obama inaugurera aujourd'hui sur le site du World Trade Center.

Les défis qu'a dû surmonter cette équipe étaient monumentaux. Aborder un tel sujet qui, rappelons-le, est sans aucun doute l'événement le plus photographié et le plus documenté de l'histoire du monde nécessitait une compassion sans bornes et des décisions déchirantes à tout moment. Le résultat est un imposant musée souterrain qui offrira au public comme aux historiens un accès à un degré de détail inimaginable. La complexité des efforts éditoriaux déployés n'aura d'égal que la diversité des visiteurs qui défileront dans les multiples galeries du musée. Il y aura, bien sûr, les familles de ceux qui ont perdu la vie il y a presque 13 ans, maintenant. Leur deuil est encore vif, leurs émotions toujours à fleur de peau. Puis il y aura tous les New-Yorkais dont la vie a été bouleversée et qui, pour beaucoup, sont anxieux de tourner la page sur ces événements. En très grand nombre, il y aura tous ces visiteurs venant d'ailleurs, des étudiants les plus studieux aux touristes les plus curieux. Puis, il y aura les enfants, qu'ils soient anglophones ou non, qui ont quant à eux été peu ou pas exposés aux événements du 11-Septembre.

Ma propre famille aura des membres s'inscrivant dans l'une ou l'autre de ces catégories. Ma femme et moi étions aussi près du site qu'humainement possible dans les jours qui ont suivi les attaques. Mon fils aîné avait 12 ans: pour lui, les événements du 11-Septembre ont été le décor même de son adolescence à New York. Quant à mon plus jeune fils, qui n'avait que 4 ans, il ne se souvient pas de ces événements, mais ils font indubitablement partie de sa vie.

Au cours des sept dernières années, on m'a permis d'observer et de documenter le processus de la conception, de la conservation, de la construction et, aujourd'hui, de l'ouverture au public du National 11-Septembre Memorial Museum. Mes images et mes enregistrements couvrent sept années remarquables dont le résultat sera rendu public lorsque le musée ouvrira ses portes le 21 mai. Ce que le public ne verra pas, c'est tout le travail accompli pour mener ce projet à bon port. C'est pourquoi, aujourd'hui, il m'a semblé approprié de partager avec vous quatre importantes observations au sujet du musée qui vous permettront de mieux comprendre ce projet et son résultat.

Que s'est-il vraiment produit?

Pendant que j'observais l'équipe s'attarder sur les moindres petits détails - vérifier, revérifier et re-revérifier les faits, à la virgule près, ajustant la cadence des mots - une chose m'est apparue claire: Alice Greenwald et son équipe ont véritablement compris l'importance de ce musée en tant que dernière demeure des souvenirs et des faits entourant les événements du 11-Septembre. Certains remettront sans doute en question la façon dont l'histoire y est relatée, pourtant, toutes les voix, même les plus dissidentes, ont été entendues tout au long du processus. Les faits, tels que nous les connaissons aujourd'hui, sont relatés sans artifices et de façon très touchante.

Qui sont ces gens?

Pendant des années, de nombreux points de vue souvent divergents ont été débattus, toujours dans le respect. Comment raconter cette histoire? En images? En mots? Avec des témoignages enregistrés? Devrait-elle l'être par des spécialistes ou par des survivants? Par des membres de la famille des morts, ou par des politiciens? Chaque décision a été prise avec minutie et en soupesant chacune des options afin de faire consensus, et ce, pour les moindres détails. Alice Greenwald est issue du Holocaust Museum de Washington, D.C. La conservatrice en chef, Jan Ramirez, est issue du New York Historical Society. Le directeur artistique Michael Shulan est l'homme derrière le projet This Is New York, un projet de photographie participatif qui mettait totalement à profit la nature collective du processus de documentation. Puis, il y a les architectes, les designers de nombreuses pièces du musée, et les producteurs et réalisateurs des présentations multimédias du musée. Les points de vue politiques et esthétiques de tous ces gens sont aussi variés qu'ils sont nombreux. Les désaccords sont souvent passionnés, mais en fin de compte, les décisions sont toujours prises dans la collégialité et en respectant l'esprit et l'objectif commun à tous: dire la vérité.

Y a-t-il un objectif?

Alice Greenwald s'empresse de souligner qu'il s'agit d'un musée vivant, autrement dit, que ses conservateurs comprennent parfaitement la nature complexe de l'acte de mettre un point final dans une phrase qui n'est pas encore complète. Les historiens s'entendent sur le fait que les événements du 11-Septembre marquent un tournant dans l'histoire des États-Unis et du monde, mais ils s'entendent également sur le fait que le dernier chapitre de ces événements n'est pas encore écrit. S'il y a ou avait un objectif, c'était d'éviter que le musée ait l'imprimatur d'un seul politicien ou d'une perspective politique unique. De facto, il est fort probable que chaque visiteur ressente un peu d'inconfort quant à la façon dont l'histoire est relatée, et c'est très bien ainsi. L'exposition ne reflète pas une perspective purement américaine; la mission de cette exposition, même si elle demeure campée dans le patriotisme, n'est pas de faire de la propagande proaméricaine. Les noms et les visages de ceux qui ont perdu la vie sont présentés d'une manière à la fois respectueuse et dynamique, et leur histoire est racontée par la voix de leurs proches. Toutefois, les conservateurs du musée savent que bon nombre des histoires du 11-Septembre n'ont pas encore été racontées, c'est pourquoi ils ont installé, à la fin du parcours de la visite du musée, une cabine où chaque visiteur peut ajouter sa voix à la collection de témoignages du musée, s'il le désire.

Qu'allez-vous retirer d'une visite au musée?

Tout le monde arrive au pavillon avec sa propre histoire du 11-Septembre, que ce soit parce que vous avez senti l'odeur inoubliable de la fumée âcre qui a envahi le lower Manhattan ou simplement parce que vous avez regardé les événements se dérouler à la télévision. Mais peu importe le bagage avec lequel vous arriverez, vous en sortirez enrichi. L'histoire du 11-Septembre est tellement puissante, émotive et personnelle qu'il faudra vous attendre à être pris au dépourvu. Dans mon cas, j'ai été pris au dépourvu par une histoire racontée dans une des alcôves, ces petits espaces privés qui ont été aménagés à l'écart de la passerelle principale dans le but très clair de signifier que ce n'est pas tout le monde qui voudra voir et entendre les histoires qu'on y raconte. Dans celle qui m'a déstabilisé, on pouvait entendre les messages vocaux laissés par les passagers de l'avion, des massages qui étaient calmes et très clairement énoncés comme des adieux à leurs familles et proches. "Ne vous en faites pas, je vais bien", peut-on entendre une mère dire dans le message qu'elle a laissé à sa famille avant de mourir. "Je vous aime."

Sept ans, c'est long. New York a un nouveau maire. Les clôtures entourant le site du World Trade Center sont sur le point d'être retirées. Les arbres bourgeonnent. Le ciel est bleu. Il ne faut pas tourner la page ou oublier. Il faut se souvenir, apprendre et grandir, et quel que soit votre point de vue politique, c'est ce qu'une visite au National 11-Septembre Memorial and Museum vous apportera, et je suis très fier d'y avoir participé.

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