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Ce n'est pas dans la maternité que je pourrai m'épanouir

Je suis fatiguée de devoir me justifier encore, encore et encore de ne pas vouloir devenir mère.
AndreyPopov via Getty Images

J’ai moins de 30 ans, je n’ai pas d’enfant, ne suis jamais tombée enceinte, et j’ai décidé de me faire stériliser. Bien accompagnée et bien conseillée, je n’ai pas subi le refus de plusieurs gynécologues, souvent agrémenté de commentaires déplacés et infantilisants, que la plupart des personnes entreprenant cette démarche reçoivent.

Les seules contraintes imposées par mon gynécologue, en raison de mon jeune âge, sont un délai de réflexion de six mois et un bilan psychologique pour s’assurer que j’ai conscience des conséquences de ce choix. Pour ce bilan, il m’a été demandé de rédiger un texte dans lequel j’argumente mon choix de ne pas être mère et de ne pas avoir d’enfant. J’ai aujourd’hui envie de le partager, pour donner des arguments à qui en a besoin pour défendre son choix et peut-être faire entendre raison à qui refuse d’accepter cette liberté.

Je comprends que dans ma démarche de stérilisation volontaire, les professionnels de la santé me demandent de justifier pourquoi je veux être stérilisée et donc pourquoi je ne veux pas d’enfant. Mais je suis fatiguée de devoir me justifier encore, encore et encore de ne pas vouloir devenir mère. Pour moi, ça revient à justifier à un homme pourquoi je n’ai pas envie de coucher avec lui, pourquoi je n’ai pas envie de faire quelque chose qui va contre mes envies et ma volonté. C’est une remise en question de mon consentement et de ma légitimité à choisir ce que je fais de mon corps et de ma vie.

“Pourquoi faut-il montrer qu’on est digne de confiance pour se faire stériliser quand on ne demande pas aux gens qui font un enfant de prouver qu’ils sont aptes à s’en occuper?”

C’est d’autant plus agaçant et aberrant quand on voit que les gens qui veulent des enfants ne doivent pas justifier cette envie. Pourquoi faut-il montrer qu’on est digne de confiance pour se faire stériliser quand on ne demande pas aux gens qui font un enfant de prouver qu’ils sont aptes à s’en occuper? On ne sait pas après tout, ils pourraient regretter plus tard, un enfant, ça change une vie. Il y a bien l’IVG et l’abandon à la naissance, mais ceux qui le font, ce sont ceux qui ne voulaient pas de cet enfant.

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Pourquoi je ne veux pas d’enfant?

La réponse est simple, je n’en veux pas. Je n’en ai jamais voulu. Ce n’est pas quelque chose qui me faisait rêver lorsque j’étais plus jeune, je me désintéressais des poupées que l’on m’offrait. Au début de notre relation, mon compagnon et moi en avons parlé en disant «On verra plus tard», même si je doutais de changer d’avis.

Je pense que ce «On verra plus tard», c’est l’expression de la pression continue, durant des années, à se faire dire «Tu es trop jeune, attends de trouver la bonne personne, là, tu voudras fonder une famille». Mais après plusieurs années de relation, nous n’avons toujours pas besoin d’avoir un enfant pour être une famille et être heureux. L’injonction du plus tard s’est effacée et est devenue «On ne veut pas devenir parents», qui correspond bien plus à nos envies et nos attentes.

Je n’ai pas de manque ou de vide à combler avec un enfant. Avouons-le, on ne fait pas un enfant pour l’enfant lui-même, ce n’est pas de la générosité envers cet être qui n’existe pas encore. On le fait pour faire plaisir à autrui ou pour soi-même, c’est un acte égoïste.

Mais je digresse. S’il me faut donner d’autres arguments que juste l’absence d’envie d’avoir un enfant, alors partons sur des raisons secondaires. Je ne veux pas d’enfants parce que le monde dans lequel nous vivons va droit dans le mur et que je n’ai pas envie d’y ajouter un être qui, en plus de ne pas trouver sa place auprès de moi, verra ses conditions de vie se dégrader.

Je ne veux pas devenir mère, car je ne veux pas changer pour un être que je ne connais pas. Parce que je veux rester libre, parce que je ne veux pas d’un être totalement dépendant de moi. Ma vie me plaît telle qu’elle est et je n’ai aucune envie de la changer avec un enfant. Je plains profondément mes amis et mes proches qui ne vivent plus que pour leur progéniture, quand bien même cela les rend heureux!

Si je suis égoïste? Oui!

Si l’on me dit que c’est égoïste, je réponds oui. Car une fois encore, qui est la plus égoïste entre moi et celle qui fait un enfant pour elle-même? Entre moi qui fais ce que je veux de ma propre vie et ceux qui m’accusent d’égoïsme, alors qu’ils veulent m’imposer leur vision du monde et agir sur mon corps?

«Dans quelques années, tu regrettas ce choix et tu ne pourras que pleurer!» Le sacro-saint appel à la maternité, cet instinct que seule connaîtrait la «femme», cette injonction à procréer pour se conformer au modèle social. Mais qui croit me connaître mieux que moi-même pour connaître mes envies, ma volonté, et savoir comment elles vont évoluer avec le temps?

“Je serai libérée de cette pression que l’on subit lorsqu’on est perçue comme une mère potentielle, quand on ne voit en nous qu’un utérus capable de donner la vie.”

Quand bien même plus tard la sainte envie de devenir mère me prendrait, pourquoi faudrait-il que ce soit un enfant que j’aie porté? Si cela arrivait, je préférerais encore adopter. Parce qu’encore une fois il n’y a pas besoin de rajouter un être humain sur cette Terre quand tant d’autres ont besoin d’amour et d’une famille pour grandir. Il n’y a pas besoin de lien du sang pour s’aimer!

Je sais ce que je veux et j’ai longuement considéré la question. Cela fait des années que je questionne cette absence d’envie de procréer. Je ne me vois pas mère, ça s’est confirmé lorsque j’ai fait face au plus gros risque de grossesse que j’ai vécu. J’ai eu peur, peur de subir une situation traumatisante et destructrice pour moi.

La stérilisation sera pour moi une libération. Je n’aurai plus à craindre de revivre cette peur. Je n’aurai plus à supporter la pression de la contraception, les effets de la pilule sur mon corps et mon mental. Je serai libérée de cette pression que l’on subit lorsqu’on est perçue comme une mère potentielle, quand on ne voit en nous qu’un utérus capable de donner la vie. Je pourrai être moi, pleinement moi. Ce n’est pas dans la maternité que je pourrai m’épanouir, mais dans la stérilité.

Ce texte a initialement été publié sur le HuffPost France.

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