Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.
Je l'aime plus que tout au monde et je ne l'échangerai contre aucun autre enfant, malgré les épreuves à venir et les épreuves vécues.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.
Simon L. St-Onge

16 Mars 2018 - 9h03

Je viens de terminer une conversation avec une coordonnatrice, une procédure doit subir des modifications. Alors que je quitte mon bureau pour en aviser mes collègues, mon cellulaire sonne, c'est ma douce moitié. Je réponds :

«Simon, je perds mes eaux»

Heureusement, je me suis préparé mentalement à cette situation, j'inspire... j'inspire... je panique... je cours comme une poule sans tête. Une collègue nous transporte jusqu'à l'hôpital. J'habite à 5 minutes de route du travail et le travail est à 5 minutes de route de l'hôpital.

9h31

On nous place directement dans une salle d'accouchement, la salle de préparation est pleine. Nous y passerons près d'une journée entière.

17 Mars 2017 - 7h45

L'épidurale ne fait plus effet, le coeur du bébé faiblit. Le col est dilaté à 5 cm. Le travail a réellement débuté vers 1h30 du matin. Le médecin quitte la salle pour préparer la césarienne.

8h00

Le médecin nous annonce que l'on quitte pour une césarienne, ma conjointe lui répond alors : «Je pousse !» Le médecin incrédule vérifie la dilatation, ses yeux expriment la surprise. Branle-bas de combat, on se prépare en vitesse, on prépare une ventouse.

8h11

Florence est déposée sur le ventre de sa mère. En la regardant, une petite lueur d'espoir s'éteint. Ses yeux nous dévoilent sans équivoque le diagnostic tant redouté, ce terme qui la suivra toute sa vie: Trisomie 21.

Nous le savions, nous l'attendions avec son petit extra, mais une lueur d'espoir d'un enfant «normal» était toujours présente dans notre esprit.

Nous le savions, nous l'attendions avec son petit extra, mais une lueur d'espoir d'un enfant «normal» était toujours présente dans notre esprit. Tout se déroule bien, elle affiche une jaunisse. Rien de compliqué, rien de grave. Elle boit bien, bouge bien, dort bien se comporte bien et surtout, elle est magnifique avec ses grands yeux saphirs qui semblent vouloir explorer le monde qui l'entoure.

18 mars - vers 16h30

Elle a bu et je vois qu'elle veut faire son rot. Je la place en position semi-assise en la tenant par les joues, comme les infirmières nous ont montrés. Elle se redresse et se tiens assise.

«Regarde chérie, elle se tient déjà assise toute seule», c'est en disant ces paroles que je réalise que quelque chose cloche. Elle cherche son air, ses bras et ses jambes deviennent de plus en plus raides. J'appelle à l'aide.

Les infirmières, les médecins et tout le personnel paniquent. Elle semble faire des crises d'épilepsie.

«On doit la transférer vers Sainte-Justine»

NON !

On insiste, on préfère le Children.

Entre deux convulsions, nous parlons à notre Florence qui tourne son regard et sa tête vers nous.

22h15

Nous arrivons au Montreal's Children par nos propres moyens, nous n'avons pas pu monter dans l'ambulance. On se dirige vers les urgences en panique, tel que les ambulanciers nous l'ont indiqué, on montre la carte. L'agente au poste d'accueil ne sait pas trop quoi faire, nous demande à voir notre enfant. On lui réexplique qu'elle est transférée ici, elle nous dit que non. Un garde de sécurité nous entend et dit qu'un bébé en provenance de Saint-Jérôme vient d'arriver en ambulance. On le suit, il nous montre le bébé.

«Où est mon bébé, ce n'est pas elle!»

Il quitte ainsi, une infirmière se questionne sur notre présence dans ce lieu restreint. Je ne peux expliquer le sentiment que j'ai en ce moment, stress, horreur, colère et panique font un joli cocktail météo dans ma tête.

J'explique la situation pour la cinquième fois (oui, j'ai sauté des étapes dans la narration). On me montre un ascenseur : «Montez au sixième et suivez les indications pour le NiCU».

Je cogne à la porte, une infirmière me répond : «Vous ne pouvez pas être là !»

Je n'en peux plus : «VOUS ALLEZ ME DIRE OÙ EST MON BÉBÉ !»

Par chance, un ambulancier arrive, il nous reconnaît. Il nous dirige vers la bonne chambre.

Nous figeons... elle est dans une cage de verre, des électrodes ont été placées tout partout sur elle, certaines vissées dans sa tête.

«Vous ne pouvez pas la toucher.» Nous prévient-on, mais c'est notre seul désir : la prendre dans nos bras et lui dire que tout va bien aller.

Ma conjointe doit enregistrer notre enfant à l'accueil, je reste avec ma petite, c'est à ce moment que je dirai ces mots qui me hanteront toute ma vie : «T'aurais pas pu naître normale» et je pleure. J'ignore encore si c'est par honte, par horreur ou, car c'est la véritable sensation que j'éprouvais depuis la première minute, tout ce que je sais c'est qu'aussitôt que ces mots ont été dits je les ai regrettés.

Comment expliquer le sentiment lorsqu'un miracle nous sourit ?

Mercredi 28 mars - 12h33

12 jours, c'est la durée de son hospitalisation aux soins intensifs.

12 jours de calvaire émotionnel, mais 12 jours de traitement humain.

12 jours où chaque infirmière, chaque médecin et chaque professionnel nous demandaient après chaque intervention : «Avez-vous des questions ? Peut-on faire autre chose pour vous ?»

12 jours pendant lesquels notre fille a subi une panoplie de tests.

12 jours pendant lesquels elle fut traitée aux petits oignons.

12 jours pendant lesquels on nous a offert du psychosocial et psychologique pour affronter la réalité du diagnostic et de l'hospitalisation.

12 jours pendant lesquels nous avons pu compter sur le support de tout notre réseau d'amis. Nous avons pu réaliser à quel point nous étions chanceux. Ma soeur a pu nous héberger plus près de l'hôpital. Des amis nous ont permis de nous déplacer, de nous nourrir. Des proches nous ont supportés émotivement. Je ne peux vous dire à quel point nous sommes reconnaissants.

C'est à cette heure que je prends la coquille avec ma fille confortablement installée à l'intérieur et passe les portes qui mènent à la liberté.

Samedi 7 avril - 13h23

Je rédige ce texte, ma cocotte a maintenant 3 semaines, voilà une semaine et demie que nous sommes sortis de l'hôpital. C'est la plus belle et la plus exceptionnelle des petites filles. Je l'aime plus que tout au monde et je ne l'échangerai contre aucun autre enfant, malgré les épreuves à venir et les épreuves vécues.

Avril 2018

Les billets de blogue les plus lus sur le HuffPost

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.