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Louer un ami, quel triste monde dans lequel nous vivons!

Peut-on appeler « ami », une personne payée pour réaliser des activités?
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Getty Images/Westend61

Le 26 février 2018, le Journal de Montréal a rédigé un article sur un sujet qui est passé inaperçu pour beaucoup de personnes. L'article stipule qu'il est possible, via un site internet, de faire appel à des amis afin de participer à des activités. L'idée est de briser le silence, la solitude, l'isolement des personnes au sein de la société. Néanmoins, ce site et cette pratique posent des questions, et ce, en raison du caractère lucratif. De fait, il s'agit de « louer » un ami ou une amie.

Selon l'article, environ 500 Québécois et Québécoises se proposent pour combler un vide ou réaliser des activités. Les utilisateurs seraient dans 55 % des situations des hommes, contre 45% des femmes ayant recours à ce service. Ce service d'amitié serait accessible pour une rémunération allant de 20 à 60 $ par heure.

Face à cette information, nous devons, en tant que citoyen, en tant qu'individu, nous interroger sur le caractère lucratif de ce service. Peut-on appeler « ami », une personne payée pour réaliser des activités ? Mais surtout, que signifie l'amitié ?

J'ai l'impression que nous vivons dans un monde de plus en plus mu par le Dieu Argent. Il se fait rare de voir des activités réalisées, et ce, sans un motif financier derrière. Pourtant, il me semble que l'amitié ou l'amour ne peut pas exister sans un volet émotionnel et de relations réciproques authentiques.

Peut-on vraiment appeler « ami » une personne que nous ne connaissons à peine, voire pas du tout, et qui est présent uniquement à la suite d'une rémunération allant de 20 à 60$ de l'heure ?

En voyant cette information, il apparaît que nous vivons une marchandisation des relations sociales. Les relations sociales ne semblent pas tenir face aux pressions de l'appât du gain et l'accumulation facile d'une rente financière. Où est donc le temps de l'Amitié ? Où est le temps du véritable ami, partageant les bons comme les mauvais moments ? Peut-on vraiment appeler « ami » une personne que nous ne connaissons à peine, voire pas du tout, et qui est présent uniquement à la suite d'une rémunération allant de 20 à 60$ de l'heure ?

Revenons sur la notion d'Amitié

L'amitié, selon le dictionnaire Larousse illustré 2018, est « un sentiment d'affection, de sympathie qu'une personne éprouve pour une autre ». Dans ce cadre, nous pouvons déjà nous entendre que l'action de payer, rémunérer est contraire à la notion même de l'amitié au sens le plus stricto sensu indiqué dans le dictionnaire.

En lisant cette nouvelle, cela me fait penser à une forme de perversion du mot et de la notion d'amitié. En effet, faire appel à un service relationnel (relation sexuelle ou non) peut se trouver considéré comme une prostitution. Nous connaissons la prostitution sexuelle, nous avons affaire ici avec de la prostitution amicale et platonique.

Depuis toujours, l'Amitié a été considérée comme une notion noble et une valeur humaine de grande importance. Ainsi, Aristote, philosophe grec de l'Antiquité, considéré l'Amitié comme étant une condition du Bonheur et le ciment de la communauté. Si l'humain est un animal politique, selon lui, alors ce volet est possible par un lien fort existant entre les personnes. Ce lien, entre d'autres, est celui de l'Amitié. Nietzsche a aussi signalé que l'Amitié permettait aux humains de sortir d'eux-mêmes, de penser au-delà de soi en recherchant une amélioration perpétuelle.

Nous aurions beaucoup à dire sur l'Amitié et sa valeur primordiale dans la construction de soi. Et en ce sens, nous vivons actuellement une perversion de l'amitié en faisant appel à des techniques, des moyens de financer, de gagner de l'argent en se basant sur les failles de quelques humains. User du faible réseau social d'un individu, d'une solitude ou d'un isolement pour se faire de l'argent, n'est-ce pas signe d'une décadence des valeurs humaines au sein de nos sociétés capitalistes ?

User du faible réseau social d'un individu, d'une solitude ou d'un isolement pour se faire de l'argent, n'est-ce pas signe d'une décadence des valeurs humaines au sein de nos sociétés capitalistes ?

L'Amitié véritable ne peut et ne doit pas se résumer à un échange de services monétaires. Quand il y a de l'argent en ligne de compte, nous pouvons même dire que l'Amitié s'en trouve perturbée et réduite à un aspect purement financier et instrumental.

En voyant cette nouvelle, une seule pensée m'est venue : quel triste monde dans lequel nous vivons !

Avril 2018

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