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Logement abordable: Montréal adopte un règlement de compromis

Le fameux «20-20-20» sera assoupli pour le centre-ville, où la construction de logements abordables est plus difficile.
La mairesse de Montréal, Valérie Plante
Crédit: Sean Kilpatrick/La Presse Canadienne
La mairesse de Montréal, Valérie Plante

Le règlement fort attendu sur le logement social et abordable a finalement été présenté mercredi par l’administration Plante. Les promoteurs immobiliers devront se plier à des règles beaucoup plus contraignantes, mais plusieurs allégements leur ont été concédés, notamment pour le centre-ville.

Le nouveau «règlement pour une métropole mixte» est l’un des projets phares de la mairesse Valérie Plante. Celle-ci en avait fait l’une de ses cinq priorités lors de son assermentation, en 2017.

Les détails confirment la promesse électorale d’obliger les promoteurs à inclure 20% de logements sociaux, 20% de logements abordables et 20% de logements familiaux dans tout grand projet immobilier, une règle communément appelée le «20-20-20».

Toutefois, le logement social ne sera pas inclus directement dans le projet en question. Plutôt, le promoteur devra céder des terrains équivalent à 20% du projet, ou encore verser une contribution financière pour que la Ville procède elle-même à la construction des unités.

Des exceptions sont également accordées au centre-ville pour les seuils de logement abordable et familial. Ceux-ci sont réduits à 15%.

“«Nous voulons plus de logements et d’inclusion, mais pas à n’importe quel prix. [...] Nous croyons avoir développé un outil qui permettra d’avoir un effet structurant et stimulant dans la construction de logements sociaux, abordables et familiaux, sans compromettre la vitalité et l’abordabilité du marché résidentiel dans son ensemble.»”

- Robert Beaudry, responsable de l'habitation et du développement économique

La Ville précise que le nouveau règlement doublera, et même plus, la quantité de logements familiaux actuellement construits au centre-ville. Ceux-ci représenteraient présentement 5% des unités.

Le centre-ville est défini comme formant la partie ouest de l’arrondissement Ville-Marie, ainsi que Griffintown et la portion la plus au sud du Plateau-Mont-Royal. Les quartiers adjacents, notamment le reste du Plateau et de Ville-Marie, une partie de Rosemont, Outremont et Villeray, sont considérés comme «centraux». La majorité de l’île est «périphérique» et les quartiers les plus excentrés sont considérés comme les «extrémités».

Chacune de ces zones a ses propres particularités en ce qui concerne les exigences et les seuils de prix.

Carte des zones d'application du nouveau règlement.
Crédit: Olivier Robichaud
Carte des zones d'application du nouveau règlement.

Les constructeurs toujours inquiets

Le nouveau règlement découle de discussions avec, entre autres, l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ). Cet organisme, de concert avec l’Institut de développement urbain, a récemment publié une étude montrant que le prix des condos pourrait augmenter de 16% avec l’adoption de la règle du 20-20-20.

Les assouplissements annoncés mercredi ne satisfont pas entièrement l’organisme.

«Les discussions entre la Ville et les acteurs de l’immobilier montréalais au cours des derniers mois ont permis, il est vrai, un certain travail d’amélioration du règlement. Malgré tout, l’APCHQ considère que certains aspects et effets indésirables sont encore difficiles à établir et pourraient même s’avérer contraires aux objectifs de la politique», affirme François Vincent, vice-président aux affaires gouvernementales et relations publiques de l’APCHQ, dans un communiqué.

M. Vincent craint un accroissement de l’exode des familles si l’ajout de nouvelles exigences fait monter le prix des autres logements à Montréal.

Le chef de l’opposition, Lionel Perez, abonde dans le même sens.

«C’est un règlement qui va faire plus de mal que de bien. Il va augmenter encore plus le prix des logements à Montréal, chassant les familles de la classe moyenne vers les banlieues», affirme-t-il.

À l’inverse, le Front d’action populaire en réaménagement urbain implore la Ville de faire appliquer aussi rapidement que possible son nouveau règlement. La porte-parole Céline Magontier estime que l’entrée en vigueur, prévue en janvier 2021, est trop tardive.

“«Ce qui me fait pleurer, ce n’est pas les promoteurs immobiliers. Ce qui me fait pleurer, ce sont les drames humains que vivent au quotidien des familles, des ménages seules, précaires. Qui ne peuvent pas manger parce qu’ils doivent payer leur loyer. Qui sont évincés de leur logement et qui se retrouve dans des situations d’itinérance.»”

- Céline Magontier

Du côté de la Ville, on souligne que l’étude de l’APCHQ et l’IDU ne comprenait pas les assouplissements présentés mercredi. On estime que le règlement pourrait faire monter de 1% à 4% le prix des logements vendus au prix du marché.

Le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), Michel Leblanc, réserve un accueil favorable, mais nuancé au nouveau règlement.

«Pour la première fois, on va appliquer des exigences sur des projets qui ne demandent pas de dérogations [aux règlements de zonage]. Donc c’est pour ça qu’il faut l’étudier avec attention. [...] Mais dans les faits, ça semble être un bon projet de règlement», dit-il.

M. Leblanc souhaite que l’application des exigences soit simple, surtout pour les petits propriétaires.

Logements familiaux abordables

Le nouveau règlement prévoit une formule spécifique pour les familles à revenus modestes ou moyens. Le quart, voire le tiers, des logements familiaux, définis comme ayant trois chambres à coucher ou plus, devront être abordables.

Par exemple, au centre-ville, un logement abordable doit respecter un loyer mensuel plafond de 880$ pour un studio, 1040$ pour une chambre à coucher, 1440$ pour deux chambres. Les logements abordables de trois chambres et plus, plafonnés à 2000$, devront obligatoirement former 5% du projet.

Crédit: Olivier Robichaud

Les prix sont identiques dans les quartiers centraux. Ils diminuent pour les quartiers considérés comme périphériques, et encore pour les extrémités de la ville.

Le prix maximal d’un condo abordable variera entre 225 000$ et 450 000$, selon la taille et le quartier.

Les prix du logement social, c’est-à-dire des unités subventionnées par le gouvernement, sont établis par le programme AccèsLogis.

Le versement d’une contribution financière à la Ville en lieu et place du logement abordable sera également possible.

12 000 logements: 40% confirmés

La Ville prévoit créer 600 nouveaux logements sociaux et 1000 logements abordables par année grâce à ce nouveau règlement. Ce chiffre comprendrait 300 unités familiales abordables.

Rappelons que la mairesse a promis de construire 12 000 logements sociaux et abordables d’ici la fin de son mandat. Questionnée à ce sujet, Mme Plante souligne que cet objectif est rempli à 40%.

«Il reste encore deux années au mandat, alors on poursuit le travail», dit-elle.

L’an dernier, la cadence de construction de logements sociaux et abordables s’est accélérée. Elle demeurait toutefois en-deçà du rythme nécessaire pour atteindre le chiffre promis.

Cet hiver, la mairesse a réduit les attentes concernant cette promesse électorale. Certaines des 12 000 unités seront des logements déjà en existence, mais qui seront rénovés.

Droit de préemption sur le stade de baseball

La mairesse souligne que d’autres mesures s’ajoutent au «20-20-20» pour accélérer la construction de logements sociaux et abordables. D’ailleurs, toujours mercredi, la Ville s’est prévalue de son nouveau «droit de préemption» pour intervenir dans le secteur du bassin Peel, visé entre autres par un projet de stade de baseball.

Le droit de préemption permet à la Ville d’intervenir avant la vente d’un terrain à un promoteur privé. La Ville peut acquérir elle-même le terrain, ou encore négocier la cession de certains lots.

C’est notamment ce que l’administration a fait la semaine dernière lors de la vente de la brasserie Molson à un consortium privé qui souhaite construire des logements.

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