Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Lisée et Drainville ne sont pas des Thomas Jefferson

Dans leur lettre publiée le 18 novembre dans, les ministres Jean-François Lisée et Bernard Drainville affirment que le projet de loi 60 (la Charte des valeurs) leur rappelle le président américain Thomas Jefferson et sa célèbre citation dans laquelle il a comparé à un «mur» la séparation de l'Église et de l'État prévue dans la Constitution américaine. Nos deux ministres auraient eu intérêt à faire un peu de recherche avant de citer n'importe comment l'illustre président.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Dans leur lettre du 18 novembre publiée dans The New York Times, les ministres Jean-François Lisée et Bernard Drainville répondent à une lettre d'opinion signée par Martin Patriquin et affirment que le projet de loi 60 leur rappelle le président américain Thomas Jefferson, un des pères fondateurs de la constitution américaine, et sa célèbre citation dans laquelle il a comparé à un «mur» la séparation de l'Église et de l'État prévue dans la constitution américaine.

Nos deux ministres auraient eu intérêt à faire un peu de recherche avant de citer n'importe comment l'illustre président.

Le «mur» séparant l'Église de l'État a en effet été évoqué par Thomas Jefferson dans une lettre datée du 1er janvier 1802 qu'il écrivit en réponse à une missive de l'association baptiste de Danbury au Connecticut. Celle-ci se plaignait que la constitution de cet État ne contenait pas de disposition spécifique empêchant cet État américain de légiférer en matière de religion.

Le président américain leur répondit que la religion est une question qui ne regarde que l'Homme et son Dieu, et que l'Homme n'est imputable pour sa foi et la pratique de sa foi que devant son Dieu. Il ajouta que les pouvoirs du gouvernement d'adopter des lois ne doivent sanctionner que des actions, et non des opinions. Il cita enfin la constitution américaine qui prévoit que le congrès n'adoptera aucune loi visant l'établissement de religions ou empêchant le libre exercice des religions pour conclure que cette constitution crée ainsi un "mur" séparant l'État et l'Église.

Jefferson n'en était pas à sa première réflexion sur le sujet. 24 ans plus tôt, en 1777, il avait fait adopter une loi sur la liberté religieuse en Virginie. Il considérait cette loi comme un de ses plus grands accomplissements. Cette loi affirme que tous les hommes ont le droit d'exprimer leurs opinions religieuses et que ces opinions ne doivent pas restreindre, élargir ou affecter leurs droits et libertés civiques. « Nos droits civiques ne doivent pas dépendre de nos opinions sur la religion, pas plus que de nos opinions sur la physique ou la géométrie ». Elle ajoute que les citoyens ont un droit naturel à exprimer leur foi et que de priver un citoyen de la possibilité de se voir confier un poste de confiance à moins qu'il professe sa foi ou y renonce violerait ce droit. C'est suite à cette loi que le premier amendement à la constitution américaine énonçant le principe de la séparation de l'Église et de l'État fut adopté en 1791.

Dans la mesure où le projet de loi 60 vise à empêcher certains Québécois d'exprimer leur adhérence religieuse ou d'exercer librement leur religion sous peine de ne pas pouvoir travailler pour l'État, j'aurais plutôt tendance à croire que Thomas Jefferson, s'il était toujours parmi nous (il est décédé il y a 187 ans), aurait promptement rabroué les deux ministres pour avoir utilisé sa métaphore du « mur » pour promouvoir un projet de loi qu'il aurait probablement désavoué.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Barack Obama 2009-2016

Les présidents américains de l'histoire

Retrouvez les articles du HuffPost sur notre page Facebook.
Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.