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Pourquoi il ne faut pas lire la Bible au pied de la lettre

Il faut apprendre à lire intelligemment la Bible sous peine de passer complètement à côté du sens que les textes bibliques recèlent. Pour bien entendre ce qu'on lit, il importe de tenir compte du contexte historique, culturel, ainsi des traditions et des genres littéraires qui sont à l'origine de ces textes.
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Les êtres humains ont besoin de donner sens à leur existence. Les mythes et les légendes de l'humanité ont toujours été source de sagesse. Le peuple juif ne fait pas exception à la règle. Mais contrairement aux autres peuples anciens, leurs récits légendaires concernent une divinité unique, Yahvé.

Évidemment, pour nous, modernes, les histoires sacrées des Hébreux, que poursuivront après eux les chrétiens, sont aussi merveilleuses que loufoques et n'auraient aucun fondement factuel. Est-il vrai, par exemple, comme il est raconté dans le deuxième livre du Pentateuque, l'Exode, que les Hébreux passèrent à pied sec la mer des Roseaux lors de leur fuite d'Égypte, Moïse tenant à la main le bâton avec lequel il fendit la mer en deux ? Je ne suis pas bibliste, comme le sont les excellents auteurs de Questions controversées sur la Bible, mais il y aurait, en réalité deux exodes, deux récits rédigés par des traditions littéraires différentes (voir Exode14 15-31; 15 1-18), l'une dite « yahviste », l'autre « sacerdotale ».

Il faut apprendre à lire intelligemment la Bible en ne la lisant pas au pied de la lettre sous peine de passer complètement à côté du sens - mieux, de la vérité - que les textes bibliques recèlent. Pour bien entendre ce qu'on lit, il importe de tenir compte du contexte historique, culturel, ainsi des traditions et des genres littéraires qui sont à l'origine de ces textes. C'est ce que prennent soin de faire les biblistes et exégètes qui ont contribué à l'ouvrage Questions controversées .

Le directeur du recueil, Sébastien Doane, signe pour sa part un texte fort intéressant: « La Bible, parole de Dieu ou écrits humains ? ». Il ne faut pas penser, affirme le bibliste, que les auteurs des différents livres de la Bible auraient reçu passivement la dictée de Dieu, de telle sorte que leurs textes rapportent fidèlement la parole pure sortie directement de la bouche de Dieu. Non, les choses ne sont pas aussi simples, voire simplistes.

Reste une autre avenue : les écrits humains et la parole de Dieu forment une unité indissociable. À cet égard, Victor Hugo a cette formule brillante: « Tout homme est un livre où Dieu lui-même écrit. » (Les contemplations). Mon histoire personnelle, en somme, est elle-même une parole de Dieu, Dieu se manifestant dans ma vie. Les auteurs de la Bible font exactement la même chose pour leur peuple. Il ne faudrait surtout pas croire que Yahvé n'intervient plus dans la vie aujourd'hui, et que la Bible est désormais close.

Considérons Les Misérables de Victor Hugo. C'est l'histoire de Jean Valjean, ancien forçat, ayant passé 20 ans au bagne pour avoir volé un pain. Malgré son mauvais départ dans la vie, Valjean parviendra finalement à se racheter. Un jour l'évêque de Digne, Myriel Bienvenu, lui pardonna d'avoir volé sa coutellerie après l'avoir accueilli chez lui. À partir de ce pardon, événement majeur dans sa vie, Valjean se transfigurera en homme de bien. C'est la même chose avec le peuple juif après leur sortie d'Égypte. Ils institueront la fameuse Pâque juive, symbole de leur libération de leurs bourreaux égyptiens. Même les premiers chrétiens y insisteront à nouveau, car Jésus, après sa crucifixion, ressuscitera à Pâques.

Un récit romanesque tel Les Misérables devraient faire partie de la Bible, version élargie. Au cœur du roman, Victor Hugo nous indique son sens, c'est-à-dire la vérité qu'il souhaite partager : « Ce livre est un drame dont le premier personnage est l'infini. L'homme est second. ».

L'infini en question, c'est Dieu; le premier personnage, le personnage central, même s'il n'est jamais nommé. Le second, c'est l'homme (Valjean et les autres, dont le double obscur, Javert). Yahvé-Dieu, c'est le Pardon même. Voilà la vérité biblique essentielle. La Bible regorge de récits d'hommes de bien comme Jean Valjean qui furent pardonnés, ce qui transforma leur vie et ainsi que celle d'Israël.

Nous jugeons la Bible, nous, au pied de la lettre. Au premier degré, pour ainsi dire; alors que le sens, c'est-à-dire, la vérité est à saisir au second degré. La vérité factuelle domine la vérité du sens. Comme si on disait que, puisque les événements relatés dans Les Misérables sont fictifs, l'intérêt devient à peu près nul. Pourtant, le roman de Hugo recèle une grande vérité touchant les rapports entre Dieu et l'homme.

Dans la Bible, se trouve la vérité de l'Être, concernant Celui qui suis et qui sera , nom de Dieu donné à Moïse (Exode 3 14). Oui, la Bible dit la vérité, pas forcément, cependant, au plan factuel, mais surtout sur le plan de l'être. Le roman de Hugo est vrai sur le plan de l'être, de la personne de Jean Valjean. C'est d'ailleurs pourquoi Jean l'évangéliste dit de Jésus : « Je suis le chemin, la vérité, la vie » (Jean 14 6).

Depuis que David Hume (1711-1776), philosophe des lumières écossaises, a lancé le haro sur la religion, beaucoup ne lisent plus la Bible, car, apparemment, son plancher factuel ferait défaut. Je me souviens, alors que j'étais jeune étudiant universitaire en philosophie, où nous étudiions l'Enquête sur l'entendement humain (1748). Je fus sidéré par le dernier paragraphe qui clôt l'essai où Hume condamne sans appel la littérature religieuse et théologique. Mes maîtres jubilaient alors que je restais perplexe.

«Quand persuadés de ces principes, nous parcourons les bibliothèques, que nous faut-il détruire ? Si nous prenons en main un volume quelconque, de théologie ou de métaphysique scolastique, par exemple, demandons-nous : contient-il des raisonnements abstraits sur la quantité ou le nombre ? Non. Contient-il des raisonnements expérimentaux sur des questions de fait et d'existence ? Non. Alors, mettez-le au feu, car il ne contient que sophismes et illusions. »

Plus tard, je réalisai qu'Hume lui-même devait logiquement jeter au feu son essai parce qu'il tombe sous le diktat de sa propre condamnation. Je compris alors qu'on ne saurait échapper au mystère de l'être. Non pas qu'il n'y ait rien à comprendre, que c'est peine perdue, etc., mais que l'être est inépuisable. On a aura jamais fait le tour, pour ainsi dire.

«Le mystère de l'être», écrit de son côté le philosophe Jean Guitton (1901-1999), est « un échange d'amour » (L'absurde et le mystère, 1984, p. 20). Oui, le sens de l'être demeure un mystère. Et c'est très bien ainsi, vu que le mystère de la relation amoureuse entre Dieu et l'homme est sans fond, inépuisable, intarissable. C'est ce que j'ai d'ailleurs toujours pensé au sujet de la Bible : une histoire d'amour sans fin.

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