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«Tout est russe dans Leviathan, tout est vrai»

Avec, son quatrième long-métrage, le réalisateur russe Andreï Zyaguintsev s'inscrit dans la tradition nationale et dostoïevskienne de l'homme confronté au Mal.
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Lorsqu'on lui demande ce que signifie le titre de ce film impitoyable, le réalisateur Andreï Zviaguintsev répond que Leviathan représente la collusion des pouvoirs de l'Église, de l'État, et de la Mafia.

Le synopsis

Kolia habite une petite ville au bord de la mer de Barentz, au nord de la Russie. Il tient un garage qui jouxte la maison où il vit avec sa jeune femme Lylia et son fils Roma qu'il a eu d'un précédent mariage. Vadim Cheleviat, le maire de la ville, souhaite s'approprier le terrain de Kolia, sa maison et son garage. Il a des projets. Il tente d'abord de l'acheter, mais Kolia ne peut pas supporter l'idée de perdre ce qu'il possède, non seulement le terrain, mais aussi la beauté qui l'entoure depuis sa naissance, son identité. Alors Vadim Cheleviat deviendra de plus en plus agressif.

Le réalisateur

Andreï Petrovitch Zviaguintsev est un cinéaste russe né en 1964 à Novossibirsk en Sibérie. D'abord acteur, il a étudié à l'Institut de théâtre de Novossibirsk jusqu'en 1984, puis il a quitté sa ville natale pour Moscou et l'Académie russe des arts du Théâtre. Dans les années 1990, il obtient des rôles secondaires. Il se révèle au grand public avec son premier long-métrage, Le Retour, récompensé par le Lion D'Or de la Mostra de Venise en 2003 et qui lui vaudra un succès international. Avec Le Bannissement, il est en compétition officielle au Festival de Cannes de 2007 où son comédien, Konstantin Lavronenko (déjà présent dans Le Retour), obtient le Prix d'interprétation masculine. En 2011, Elena remporte le Prix spécial du Jury dans la section « Un certain regard » au 64e Festival de Cannes. Zyaguintsev revient en compétition officielle à Cannes en 2014 avec Leviathan, qui reçoit le Prix du scénario. Le film remporte aussi le Golden Globe du meilleur Film en langue étrangère, et il est en nomination pour les

Oscars.

Le film

Déstabilisée par les premières images, je n'ai aucun repère, je ne connais pas ce réalisateur qui clame: « Tout est russe dans Leviathan, tout est vrai. » J'ai la sensation d'avoir été kidnappée et embarquée dans une aventure violente dont je ne saisis pas le sens: la route, des hommes de dos, des kilomètres de route, de la brume, un bord de plage aux énormes cailloux, la mer de Barentsz sombre, glaciale, la musique obsédante et céleste de Philip Glass qui traverse cette immensité grise abandonnée. C'est l'atmosphère du film.

Les personnages se présentent à nous d'abord sans un regard, sans un mot ; une femme au regard triste, un jeune garçon qui claque les portes d'une petite maison ouverte sur la mer, et peu à peu s'installe l'homme blond, Kolia, en tee-shirt. Puis un homme en costume s'installe à la table et se verse un grand verre de vodka ; les hommes sont soucieux, Lylia silencieuse va et vient dans la cuisine.

Le film a été tourné près de Mourmansk, à 800 kilomètres de Moscou, au nord du cercle polaire arctique. « C'est un des endroits les plus beaux de Russie, dit Andreï. Nous avons visité 70 villes, chaque fois, c'était délabré, sale. À Teribërka, la nature est exceptionnelle, c'est le bout du monde, il n'y a pas d'arbres, il n'y a que du vent. » Leviathan met en scène le peuple, incarné par Kolia et sa femme dépossédés par l'état et surtout par les élus corrompus le représentant. Dans ce paysage lugubre et dévasté, au bord de la mer de Barentz, les pourris et les ivrognes sont légion et les salauds font la loi. Andreï filme son pays brutalement, sans compassion, ni justification.

On assiste à d'interminables affrontements entre le frère de Kolia, Dimitri, avocat à Moscou appelé à la rescousse pour déjouer les magouilles du maire, qui tentent à coups de vodkas d'établir des stratégies qui finissent par noyer la lucidité et la conscience des uns et des autres. Il n'y a pas de salut, ni d'espoir, les puissants en Russie sont protégés par la loi, sans compter l'église orthodoxe qui blanchit les politiques. Andreï Zviaguintsev filme jusqu'à la nausée ses protagonistes en état d'ivresse permanente. Ils boivent pour oublier leur culpabilité, leur impuissance, le fatalisme jusqu'à tout confondre ; les salauds, les pauvres, les pourris, même combat. Terrible constat. On est loin du cinéma russe de Mikhalkov, de Sokurov ou Tarkowski. Âgé de 50 ans, Andreï Zyaguintsev s'inscrit, avec Leviathan, son quatrième long-métrage, dans la tradition nationale et dostoïevskienne de l'homme confronté au Mal.

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