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«Les vieux copains»: quand une garderie illumine le quotidien des aînés

«Le contact avec les personnes âgées, c’est magique. Ça rend l’enfant plus accueillant envers la différence. Et pour les personnes âgées, c’est un médicament en soi.»
Alice fait de la pâte à modeler avec Mme Gagnon (image tirée du documentaire «Les vieux copains»).
Anémone Films
Alice fait de la pâte à modeler avec Mme Gagnon (image tirée du documentaire «Les vieux copains»).

La garderie Aux petits rayons est tout sauf banale. S’il fait beau, les tout-petits peuvent sortir dehors et recevoir un cours sur les insectes avec M. Jobin. Lorsqu’ils arrivent dans la salle à manger pour dîner, ils chantent «Bon appétit» devant un public conquis. Et après la sieste, ils pourront monter faire de la pâte à modeler avec Mme Mireille.

Située au sous-sol d’un Centre hospitalier de soins longue durée (CHSLD), la garderie Aux petits rayons porte bien son nom, car elle illumine le coeur d’une soixantaine de personnes âgées, en plus de celui des six bambins qui la fréquentent.

Cette garderie bien spéciale (elle est une des seules du genre au Québec) est au coeur du film Les vieux copains, un documentaire qui sera présenté lundi soir sur Unis TV et réalisé par Loïc Guyot. Le HuffPost Québec s’est entretenu avec le cinéaste, qui est aussi professeur à l’École des médias de l’UQAM.

«Je dis tout le temps à mes étudiants: “il faut partir de nous-mêmes” pour un projet de film. Et il y a trois ans, quand j’ai commencé à travailler sur ce film-là, ma maman avait 79 ans. Je me disais qu’avec la vie occupée de famille reconstituée qu’on mène, on ne pourrait pas la garder avec nous pour s’en occuper à temps plein. Et elle avait vraiment une belle relation avec mon garçon Edgar, qui avait trois ans à l’époque, ça me touchait de voir ça.»

Le cinéaste Loïc Guyot
Courtoisie/Loïc Guyot
Le cinéaste Loïc Guyot

Alors quand le cinéaste a entendu parler de cette garderie se trouvant dans un CHSLD à Chambly, ça l’a tout de suite interpellé. Et après avoir visionné Les vieux copains, on comprend pourquoi.

«Je suis tombé sous le charme de Nancy Gaudet (vice-présidente du Manoir Soleil et directrice de la garderie) et du concept», raconte Loïc Guyot.

“Quand les enfants se sont mis à chanter, j’ai vu leurs regards s’illuminer. C’est le moment qui m’a fait dire: «il faut faire un film». (...) C’était un grand moment de bonheur.»”

- Loïc Guyot, cinéaste

Il se rappelle la première fois qu’il a mis les pieds au Manoir Soleil. À l’heure du dîner, les six petits bambins sont arrivés en chantant «Bon appétit».

«Ce n’est pas nécessairement facile de se retrouver devant des personnes âgées avec des pertes cognitives... Et quand les enfants se sont mis à chanter, j’ai vu leurs regards s’illuminer. C’est le moment qui m’a fait dire: “il faut faire un film”. Personne n’est insensible au bonheur... et ça, c’était un grand moment de bonheur.»

Une idée qui «allait de soi»

Nancy Gaudet, qui est aujourd’hui vice-présidente du Manoir Soleil, est la fille des fondateurs de cette résidence privée qui a vu le jour en 1983. Son père était entrepreneur en construction, sa mère était infirmière en gérontologie, explique-t-elle en entrevue avec le HuffPost Québec. Et la petite Nancy a été élevée au milieu de personnes âgées, puisque sa mère l’amenait souvent avec elle au travail. Quand elle avait 14 ans, sa mère a enfin pu réaliser son rêve d’avoir sa propre résidence pour aînés.

Nancy y a travaillé comme préposée, comme préposée à l’entretien et même comme cuisinière («mais j’étais pas bien bonne, ma mère m’a mise dehors de mon poste de cuisinière», confie-t-elle en riant).

«C’était un milieu valorisant pour moi. Ça allait de soi de travailler là-dedans.»

Après avoir fait des études en psychologie de l’enfant et en gestion, alors qu’elle travaillait toujours comme préposée au Manoir Soleil, elle a eu l’idée d’y ouvrir une garderie.

«J’étais enceinte de mon deuxième enfant, je me suis dit, égoïstement: je pourrais amener mes enfants ici!»

La vice-présidente du Manoir Soleil, Nancy Gaudet, en compagnie de ses petits-enfants (les deux jumeaux fréquentent la garderie Aux petits rayons)
Courtoisie/Nancy Gaudet
La vice-présidente du Manoir Soleil, Nancy Gaudet, en compagnie de ses petits-enfants (les deux jumeaux fréquentent la garderie Aux petits rayons)

C’était aussi, et surtout, une façon pour elle de mêler ses deux passions.

«Le contact avec les personnes âgées, c’est magique. Ça rend l’enfant plus accueillant envers la différence. Il y a des personnes âgées avec des pertes cognitives, des maladies dégénératives... Les enfants n’ont pas de jugement envers elles. Et pour les personnes âgées, les enfants, c’est un médicament en soi.»

Il se crée des liens uniques entre les enfants et les aînés, comme des coups de foudre, continue Nancy Gaudet. Elle cite en exemple le cas de Mme Tremblay et de la petite Jade.

«Mme Tremblay ne voulait pas manger. On est allés chercher la petite Jade... et oups, son angoisse et sa colère se sont envolées. Elle voulait être de bonne humeur. Quand Jade lui a apporté son assiette, elle a tout mangé et c’étaient les meilleures toasts au monde! Alors que quinze minutes plus tôt, elle lançait ses toasts.»

M. Jobin, ancien professeur et résident du Manoir Soleil, enseigne ses connaissances sur les insectes aux tout-petits de la garderie Aux petits rayons.
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M. Jobin, ancien professeur et résident du Manoir Soleil, enseigne ses connaissances sur les insectes aux tout-petits de la garderie Aux petits rayons.

La garderie Aux petits rayons ne compte que six enfants. Et selon Nancy Gaudet, il s’agit du nombre idéal pour ne pas trop déranger les résidents et ne pas avoir à dire constamment «chut» aux enfants.

Un modèle rare

C’est peut-être ce qui fait que ce genre de combinaison est plutôt rare, au Québec (selon Loïc Guyot, il en existe deux ou trois, mais les modèles sont différents). Car la garderie n’est pas aussi lucrative qu’elle pourrait l’être, avec seulement six enfants. Mais Nancy Gaudet aimerait pourtant que ce genre d’installations se multiplie.

«L’humain est fait pour être ensemble, pas pour être classé en sections, selon son âge, fait remarquer Mme Gaudet. Il faut qu’on se côtoie, qu’on se parle...»

Même son de cloche du côté du réalisateur du film, Loïc Guyot.

«Quand j’ai commencé le projet, je ne pensais pas à ça... Mais au fur et à mesure qu’on tournait, j’y pensais de plus en plus. J’ai 45 ans. Dans une quarantaine d’années, je serais heureux d’être avec des enfants plutôt que juste avec des personnes âgées. Je l’ai vu, je le sais à quel point ça fait chaud au coeur!»

«On ne vient pas au monde tout seul, soulève Nancy Gaudet. On a une famille qui nous accompagne. On ne devrait pas mourir tout seul non plus.»

Le documentaire Les vieux copains sera présenté le 25 novembre à 21h sur Unis TV.

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