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Les communautés musulmanes, ces mal connues

Le Québec avec ses 200 000 musulmans, a toujours été une terre d'accueil ouverte aux nouveaux arrivants des pays arabo-musulmans qui, venant souvent de régions en proie à des conflits et des guerres, y ont trouvé paix, sécurité et prospérité.
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  • Combien sont-ils ?

Ils étaient 13 sur près de 3.5 millions d'habitants du Dominion du Canada au recensement national de 1871 et près de 650 à celui de 1931.

Bien que la présence musulmane au Canada remonte à la fin du XIXe siècle, ce n'est qu'au début des années 1970 - suite aux indépendances des pays sous domination coloniale - que s'amorça un véritable mouvement migratoire en provenance de deux axes géopolitiques où le Canada a des liens internationaux, le Commonwealth et la Francophonie mondiale.

De 100 000 immigrants en 1981 à près de 600 000 en 2001, le nombre de musulmans est passé à plus d'un million en 2011, et Statistique Canada l'estime à 1.5 million, en 2017. Les pays sources de cette immigration se déploient sur la carte du monde, principalement l'Asie (Inde, Pakistan, Bangladesh, Afghanistan, etc.), le Moyen-Orient (Égypte, Liban, Syrie, Iraq, Iran), le Maghreb ( Maroc, Algérie, Tunisie), l'Afrique au sud du Sahara (Sénégal, Mali, Niger, Soudan, Somalie, Mauritanie, etc.. ), l'Europe, notamment la Turquie et la Bosnie.

Pas étonnant que ces communautés - qu'il faut toujours conjuguer au pluriel - représentent la diversité du monde au plan géographique, historique, racial, ethnique, linguistique, culturel et même religieux, puis qu'ils appartiennent à différentes branches de l'islam (sunnite majoritaire, chiite, ismaélite, etc. .). Cette hétérogénéité se retrouve aussi au niveau du rapport à l'islam. On y compte des croyants pratiquants, des croyants non pratiquants, des laïcs, des soufies, des athées et des convertis.

Le Québec avec ses 200 000 musulmans, a toujours été une terre d'accueil ouverte aux nouveaux arrivants des pays arabo-musulmans qui, venant souvent de régions en proie à des conflits et des guerres, y ont trouvé paix, sécurité et prospérité. Mentionnons aussi que ces pays sources comptent aussi des non-musulmans de différentes appartenances religieuses et ethniques qui enrichissent la diversité du Québec et du Canada.

  • Qui sont-ils ?

Les musulmans du monde entier sont conscients de leur appartenance à une civilisation et des cultures qui ont marqué l'histoire de l'humanité par leur contribution significative au développement des sciences et techniques, en mathématiques, en physique, en médecine, en philosophie, en sociologie, en Arts, en littérature, etc. Ils sont conscients aussi que cet apport inestimable qui demeure méconnu et non reconnu, a donné une impulsion à la Renaissance qui va sortir l'Europe de l'époque médiévale, la conduire au Siècle des Lumières et la propulser vers la modernité. Donc, s'il y a une civilisation occidentale, l'islam en fait partie et pas seulement par le fait des mouvements migratoires.

Cette conscience de ce qu'ils sont et de la fierté de leurs origines est imprégnée dans le conscient collectif des musulmans, ceux du Québec et du Canada n'y font pas exception. Il s'agit là d'une immigration au profil très enviable. Qu'ils soient francophones ou anglophones, ils sont hautement scolarisés et leur taux de diplomation universitaire est supérieur à celui des Canadiens de naissance et des autres immigrants.

L'éducation est une valeur positive pour les familles arabo-musulmanes qui poussent leurs jeunes à aller le plus loin possible dans leurs parcours académiques. Ce bassin de capital humain est une véritable pépinière de talents et de savoir-faire.

On n'a tendance à ne pas le savoir mais ce sont nos dirigeants d'entreprises, nos médecins, nos infirmières, nos travailleuses sociales, nos pharmaciens, nos ingénieurs, nos économistes, nos informaticiens, nos comptables, nos avocats, nos chercheurs, nos administrateurs, nos gestionnaires, nos techniciens de laboratoires, nos éducatrices des services de garde, nos professeurs du primaire, du secondaire, de l'enseignement technique et professionnel, du collégial et de l'université, nos artistes, nos journalistes, nos policiers, nos propriétaires de commerce de détail, nos chauffeurs de taxi et nos serveurs dans les restaurants. C'est une histoire à succès qui mérite d'être racontée pour offrir des modèles positifs aux jeunes en recherche d'identité. Ne les cherchez pas sur les pages de nos journaux ou à l'ouverture de nos bulletins de nouvelles, car ils sont tellement bien intégrés qu'on oublie qu'ils sont musulmans.

Ce profil positif et l'apport inestimable de ces communautés à la société québécoise et canadienne sont occultés par les amalgames qui les associent, globalement et sans nuances, à l'islamisme radical, une réalité qu'on ne peut nier, qu'il faut dénoncer et combattre, mais en faisant la part des choses. Ceci est d'autant plus important que nous évoluons dans un contexte de déficit de connaissance à l'égard de l'islam et des musulmans.

Ce n'est un secret pour personne que la perception de l'islam et des musulmans est négative et ce n'est pas seulement le fait de l'actualité. Elle est largement dominante en Occident depuis des siècles. Norman Daniel, dans son célèbre ouvrage « Islam et Occident » parle d'une vision médiévale qui prévaut encore aujourd'hui. Déjà au début des années 1990, bien avant le 11 septembre, les sondages du ministère du multiculturalisme indiquaient que les Musulmans étaient les communautés avec lesquels les Canadiens se sentaient le moins à l'aise.

  • Une structure communautaire éclatée

Malgré qu'ils ne disposent pas de structure communautaire unifiée comme les communautés juive, grecque ou italienne, et loin des gesticulations des intégristes qui font beaucoup d'ombre à cette histoire à succès, les Québécois d'appartenance musulmane disposent d'une multitude d'associations qui offrent une variété d'activités culturelles et de loisir.

La quasi-totalité de ces organismes dessert des communautés qui s'identifient par leur référentiel national ou ethnique et non par leur appartenance religieuse. Ils sont d'abord Marocains, Algériens, Tunisiens, Égyptiens, Libanais, Syriens, Irakiens, Iraniens, Kabyles, Berbères, Kurdes, etc.Sauf exception, ils sont ouverts à l'ensemble des Québécois et œuvrent à l'intégration de leurs communautés respectives et au rapprochement interculturel.

Au-delà des préjugés qu'il faut collectivement combattre, les citoyens québécois d'appartenance musulmane jouissent des mêmes droits que tous les autres canadiens. Sauf pour les islamistes radicaux qui rejettent le système démocratique, ses valeurs et ses symboles et œuvrent activement à le supplanter par le régime de la charia, rien dans notre dispositif législatif n'entrave la liberté de religion des musulmans au Canada. Bien au contraire, aucun pays arabo-musulman ou même occidental ne peut leur offrir un niveau comparable de protection juridique ou sociale.

  • Qu'en est-il de leur intégration ?

Une intégration réussie dans une société pluraliste comme la nôtre passe nécessairement par la maitrise de deux leviers essentiels : l'école et le marché du travail.

Au chapitre de l'éducation, les jeunes Québécois d'appartenance musulmane réussissent généralement bien au plan académique et s'illustrent par un profil professionnel enviable. Plusieurs parviennent à trouver des emplois à la hauteur de leurs compétences. Mais un segment important d'entre eux est confronté à de multiples barrières structurelles qui entravent leur insertion au marché du travail. Le gouvernement du Québec qui devait donner l'exemple en matière d'accès à la fonction publique est un cancre en la matière et les programmes d'équité en matière d'emploi n'ont tout simplement pas fonctionné pour les communautés culturelles, faute de leadership et de volonté politique réelle.

Que de talents gaspillés quand la discrimination systémique renvoie ces jeunes au chômage forcé ou lorsqu'ils sont acculés à accepter des emplois à des salaires de survie, sinon comment expliquer que le taux de chômage des Québécois d'origine maghrébine, parlant français et ayant une formation technique, professionnelle ou universitaire acquise tout en français soit de plus de 30 % ? Une telle marginalisation est une source de grande frustration qui pousse un bon nombre de ces jeunes, pourtant diplômés de nos universités, à quitter le Québec pour les autres provinces. D'autres plus vulnérables prêtent une oreille plus attentive aux prédicateurs du malheur qui les enferment dans un repli identitaire et les font basculer dans l'islamisme radical.

  • L'islam : une religion instrumentalisée à des fins politiques

L'islam est en l'an 1436 de l'hégire (calendrier musulman) correspondant à l'an 2 de « l'État islamique » depuis qu'Abou Bakr El Baghdadi a décrété l'instauration de Daech - والشام العراق في الاسلاميةالدولة - en juin 2014, et s'est autoproclamé « khalife » de tous les musulmans. Il a pris ses quartiers en Iraq et au Levant à coups de massacres, de décapitations, de lapidations, de viols, et d'esclavage sexuel et appelé les musulmans du monde entier à lui prêter allégeance, un message bien reçu par au moins une vingtaine de groupes radicaux à l'œuvre dans le monde et par des dizaines de milliers d'aspirants djihadistes de tous les continents, partis en Irak et en Syrie tuer les mécréants (musulmans démocrates, chrétiens et juifs).

Il y a une trentaine d'années, un Saoudien, Oussama Ben Laden, cofonda Al Qaïda, une organisation djihadiste à qui on attribue plus de 140 attentats, dont le tristement célèbre 11 septembre 2001 et le dernier en date, celui du 7 janvier 2015, qui a eu lieu à Paris, au siège de Charlie Hebdo et qui a fait au moins une douzaine de morts. Ses tentacules en Asie, au Moyen-Orient, au Maghreb et en Afrique ont survécu à son fondateur.

Au-delà de leurs divergences stratégiques, Oussama Ben Laden et Abou Bakr Al Baghdadi, et tous les «émirs autoproclamés de l'islamisme radical » dans une religion qui ne souffre pas les intermédiaires, ont un point en commun : ils ont tous été à la même école, celle du salafisme djihadiste promu depuis cinq décennies, par l'Arabie saoudite, à coups de dizaines de milliards de pétrodollars, dans le monde musulman et au sein des communautés musulmanes en Occident. Par la construction de mosquées, la formation d'imams obscurantistes et des prédicateurs vociférants, par le soutien aux écoles coraniques qui imposent le voile dit islamique dès la petite enfance, par la distribution massive de discours haineux à l'égard des mécréants - chaines de télévision dédiées à l'endoctrinement, livres, matériel audiovisuel -cette monarchie théocratique et rétrograde, sortie tout droit du Moyen-âge, a propagé un véritable cancer dans l'esprit de plusieurs générations de musulmans et son influence est aujourd'hui palpable jusque dans les sphères politiques dans les pays musulmans et en Occident.

Pourtant, l'islam sunnite majoritaire est une religion laïque qui n'a ni clergé, ni sacerdoce, ni confessionnal.

Les croyants et croyantes sont en rapport direct avec Dieu et lui seul peut juger de la sincérité de leur foi (actes ibadates). Aucun imam, aucun théologien et encore moins des « leaders autoproclamés » en Occident ne peuvent dicter aux musulmans et aux musulmanes, leur conduite religieuse. Dans les pays musulmans, des conseils des oulamas (théologiens), lorsque sollicités sur une question religieuse complexe, ne peuvent donner qu'un avis pour apporter un éclairage aux autorités judiciaires ou politiques à qui revient la prise de décision.

  • Au Québec : Un islam infecté par la filière salafiste

Au Canada, la première mosquée Al Rashid, a été construite, suite à une initiative communautaire, à Edmonton, en 1938, alors que la communauté musulmane (arabe et sud-asiatique à l'époque) comptait moins de 700 personnes dans l'ensemble du pays. À Ville Saint-Laurent, la première mosquée, l'Islamic Centre of Québec a été créée par une loi de l'Assemblée nationale en 1965. Elle sera suivie par une 2ème à Notre-Dame-de-Grâces, la Muslim Community of Québec, affiliée à l'Islamic Society of North America, qui obtiendra du financement du ministère de l'Éducation pour ouvrir et gérer la première école musulmane au Québec. Aujourd'hui, plusieurs dizaines de mosquées jalonnent le paysage québécois et leur implantation, dans certains cas, ne se fait pas sans heurts.

Si certaines mosquées s'appuient sur des imams locaux au profil très inégal, au départ et encore aujourd'hui, des imams payés par l'Arabie saoudite via la Ligue islamique mondiale, sont envoyés en mission, depuis le début des années 1980, pour diffuser l'idéologie salafiste et soumettre les musulmans à l'arbitraire de la charia wahhabite. Dans une série d'articles parus dans La Presse du 1er au 3 février 1992, un trésorier d'une mosquée avait avoué qu'il « il y a trois ou quatre imams dans cette situation à Montréal. Dès leur prise de poste, et sans se soucier du respect des lois du pays d'accueil, ces imams prédicateurs s'attribuent la fonction de cadi (juge) et mettent en place des conseils de la charia dans les mosquées qu'ils contrôlent. C'est la stratégie du fait accompli. Déjà en 1992, deux ans à peine après son installation comme imam de l'Islamic Centre of Québec, Fida Bukhari reconnaissait qu'il ne se contentait pas de diriger les prières, mais qu'il agissait comme juge appliquant la charia « Plusieurs personnes qui ont des différents, au lieu d'aller en cour, se présentent devant moi et me demandent de les régler à la façon islamique (...) il n'y a pas de séparation entre la mosquée et la rue, la mosquée et l'usine, la mosquée et le bureau, parce que notre religion se vit 24 heures sur 24 (...) Si vous faites une séparation, cela signifie que les décrets d'Allah ne sont pas vrais ». C'est exactement le discours que tenait, à la même époque, le directeur de la Ligue islamique mondiale, à Toronto, Arafat Al-Ashi, un ardent artisan de l'implantation de la charia au Canada quand il a déclaré «Aucun musulman ne peut prétendre à ce titre s'il ne peut appliquer cette loi (la charia), sinon il est considéré comme non-croyant.».

L'islamisme radical au Québec et au Canada n'est donc pas l'œuvre d'une génération spontanée qui a commencé avec le djihad 2.0 et les soi-disant « loups solitaires ». C'est la conséquence tangible d'un endoctrinement idéologique systématique, faite dans l'ignorance et l'indifférence générale depuis le début des années 1980, quand l'Arabie saoudite a commencé l'envoi de ses imams de service. Dès lors, et encore aujourd'hui, l'organisation de l'islam au Québec a été monopolisée par la mouvance islamiste, elle-

même reliée à un réseau national et international d'organisations salafistes et disposant de moyens financiers considérables. L'islam a donc été « pris en otage ». Il répond aux mots d'ordre de l'étranger plutôt que de s'adapter au contexte québécois et canadien. C'est l'un des grands défis qui attend la nouvelle génération de musulmans au Canada. Comment sortir des griffes des financiers de l'intégrisme qui ne se gênent même plus, aujourd'hui, pour importer ici des prédicateurs sulfureux d'Europe et du Moyen-Orient et qui font ouvertement la promotion de la charia en Amérique du Nord ?

Nos médias commencent à peine à lever le voile sur la présence de certaines organisations islamistes radicales au Canada, sur leurs liens avec les classes politiques, sur leurs ramifications à l'échelle mondiale et leurs sources de financement. Du coup, les yeux se tournent vers « la majorité silencieuse » des musulmans qu'on interpelle pour donner la réplique à ces mouvances. Malgré la peur et l'intimidation, des voix de musulman-e-s démocrates osent s'élever mais le combat est inégal car les islamistes ont réussi à « définir l'islam » et leur discours a pénétré la sphère politique, juridique, médiatique et l'ensemble de la société.

  • Oui : l'islamisme radical existe au Québec et au Canada

C'est ainsi que le Canada est devenu, au fil des ans, le paradis des islamistes, à cause des garanties fondamentales que leur confère la Charte des droits et libertés, à cause de leur capacité à imposer leur agenda politique sous couvert de religion, à cause de l'insouciance des classes politiques qui s'agglutinent, tout parti politique confondu, dans leurs mosquées pour solliciter le financement et le vote de leurs fidèles.

Les entreprises médias qui auraient pu consacrer les ressources nécessaires à cet enjeu continuent de le traiter comme un phénomène de faits divers et plusieurs journalistes évitent de toucher à cette « zone sensible » de peur d'être accusés d'islamophobes. D'aucuns qui osent s'y aventurer se ramassent avec des poursuites bâillon pour les intimider et donner l'exemple aux autres.

Les musulmans démocrates qui sont venus au Québec et au Canada et dont certains ont fui la tyrannie des islamistes, ne comprennent pas que des responsables gouvernementaux déclarent publiquement - malgré toutes les évidences - que l'intégrisme n'existe pas au Québec, ils trouvent odieux qu'une ministre de l'immigration du Québec dise qu'elle accepterait volontiers d'avoir un intégriste comme membre de son cabinet, que la ministre de la Justice et de la Condition féminine dépose un projet de loi qui permettra le port du tchador dans la fonction publique, ils sont sidérés d'entendre la ministre de la Sécurité publique faire appel à des imams pour aider à la dé-radicalisation des jeunes. Les musulmans démocrates savent que désormais, aucun pays musulman ou non musulman n'est à l'abri de la menace islamiste. Ils savent aussi que le combat contre ces mouvances ne pourra porter fruit que si tous les démocrates, de toutes les religions et sans religions le mènent ensemble, au plan national et international. Il en va de notre sécurité, de notre bien vivre ensemble et de notre harmonie sociale.

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