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«J’ai porté ma guitare toute ma vie durant pour ne pas me mettre en rang...»
Le sauvage

Jean Leloup ne se décrit pas comme un grand voyageur, ni même comme un aventurier : il se voit plutôt comme un grand marcheur qui aime se poser dans les pays qu’il se rend visiter. C’est en marchant longuement dans diverses villes donc qu’il a composé L’étrange pays. Un album au naturel «dénudé de crémage» au goût et à l’image de l’artiste pour qui la guitare se fait synonyme de liberté et de vérité.

Une guitare, c’est tout

«J’ai porté ma guitare toute ma vie durant pour ne pas me mettre en rang», chante Jean Leloup dans la pièce L’oiseau vitre. Pour celui qui a commencé à en jouer à l’âge de 9 ans (au moment où s’est aussi déclenchée chez lui une allergie à l’école), la guitare fait depuis belle lurette office d’instrument libérateur.

«Seul à la guitare, on dirait que ça dit dans ta face ce que ça veut dire, explique celui qui avait d’abord eu l’idée de livrer un album acoustique de ses chansons les plus connues. Je me suis dit que les gens n’ont jamais entendu les chansons comme je les compose, comme je les fais avant de passer par le processus du studio. Personnellement, j’aime beaucoup mieux mes affaires comme ça et j’ai toujours aimé les artistes seuls avec leur guitare, leur piano ou leur instrument.»

C’est «un truc dépouillé» qu’il avait envie d’entendre d’abord, puis de livrer aux amis et admirateurs qui lui réclamaient depuis longtemps un album de chansons livrées uniquement à la guitare. Doucement pourtant, les pièces cultes ont laissé place à de nouvelles chansons «qui sont venues toutes seules, au fur et à mesure», au gré des pas et du vent.

«Quand j’écris, ça n’arrive pas, explique l’artiste. C’est anarchique. Les tounes, je me rends compte que je les ai faites après qu’elles soient finies. Je fais une toune, je me mets à chanter et je n’ai aucune idée de ce qui s‘est passé entre le moment où je jouais de la guitare, où je jouais dans la rue et où ce qui est arrivé est arrivé. Ça part tout seul. Ça fait tellement longtemps que je joue que peut-être qu’une guitare et chanter fait partie de moi, un peu comme on parle et on marche.»

Treize nouvelles chansons composent cet album ayant pris forme (en trois ans et non en six mois, comme il l’avait d’abord imaginé) les volets bien ouverts entre des balcons de Québec, Montréal et Charlevoix et un volcan, un aéroport et le bord de mer venteux du Costa Rica. Comme uniques bagages : un Leloup poétique et bien inspiré, une guitare et un micro captant quelques petits sons de la nature. Un retour vers de la musique plus simple, non arrangée, s’alliant au souhait de l’artiste d’«une vie qui serait composée de moins de crémage».

«Ç‘a commencé à m’étouffer, quand j’entends des trucs trop produits et tout arrangés par logiciel pour que ce soit parfait. On vit dans un monde où c’est hot et au début, je trouvais ça hot. Mais là, je suis tanné. Lorsque j’entends une chose simple, je peux m’imaginer ce que je veux. Honnêtement, faire des chansons, c’est vraiment le fun. C’est de la poésie. Pour moi, je trouve que c’est dans ta face; ça dit vite quelque chose. Tu n’es pas obligé de faire des trucs compliqués. Guitare-voix, c’est simple.»

Le sauvage

«Assis dehors, je suis heureux»

Nous n’étions pas assis dehors, mais dans une salle de la galerie d’art L’Arsenal truffée de tapis, de sofas, de coussins marocains, de pièces d’art et… d’animaux empaillés lors de cette séance d’écoute médiatique de L’étrange pays. En compagnie d’un Jean Leloup tour à tour légèrement intimidé («Je suis gêné, est-ce que je devrais vraiment être là?»), excité («Plus fort, on crinque le son, c’est pas assez fort!»), théâtral (il se déplace dans la pièce en chantant et en mimant quelques personnages), moqueur, honnête et excentrique tel qu’on l’imagine, le connaît et l’aime.

«Pour moi, une bonne chanson doit saisir toute une réalité one shot», répond-il lorsqu’on lui demande ce qui fait, selon lui, une bonne pièce.

Tout l’après-midi, Leloup se fait généreux et vrai. Il nous parle de son besoin vital de se retrouver à l’extérieur, de littéralement jouer dehors. Puis, des personnages de ses chansons (souvent inspirés de gens qu’il a réellement rencontrés) qu’il aime jusqu’à les laisser s’exprimer librement.

«J’aime les jouer aussi, ajoute celui qui confie avoir entamé l’écriture de contes qui mettraient justement en scène les personnages de L’étrange pays. Comme celui du squelette qui parle sur le bout de la langue et qui attend dans l’armoire que le temps lui permette de sortir, mais qui ne se peut plus. Il comprend que plus tu attends longtemps, plus tu vas faire un effet quand tu vas sortir.»

On parle du temps qui semble être passé si vite que mon idole d’adolescence se trouve maintenant âgée de 58 ans. «Le temps passe, mais ce n’est rien, nous rassure-t-il. Je n’ai pas le buzz, je n’ai pas le truc que les gens ressentent. Je ne le sens pas. Je ne comprends pas cette mode de parler du vieillissement… Moi, je le sais depuis que j’ai 4 ans que je vais vieillir, puis mourir.»

De la mort aussi, à laquelle celui qui se définit comme «un travailleur autonome» lance un «Attends un peu, pas tout de suite, j’ai envie de tripper!»

Jean Leloup nous regarde en face lorsqu’on lui demande, des lueurs dans les yeux, si on peut espérer une série de spectacles de L’étrange pays dans un avenir rapproché. Il hoche doucement la tête, évoque une lointaine année 2020 et explique que c’est écrire qui le rend profondément heureux.

«Les spectacles, il faut que ça reste magique. Quand tu n’en fais pas trop, c’est le fun, mais quand tu commences à être bon et que c’est toujours la même chose, ce n’est plus bon, c’est moisi.»

Pour le moment, le magnifique auteur de L’étrange pays a envie de diverses belles autres choses : repartir quelque part en voyage, monter un spectacle sous un chapiteau au cœur d’une belle grande forêt et boire du thé dans les montagnes d’un pays éloigné.

Le nouvel album de Jean Leloup, L’étrange pays, sortira ce vendredi 24 mai.

Before You Go

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