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Le robot anesthésiste est né

Le vrai rôle du médecin, demain, sera à la relation personnelle avec le malade, et à la prise de décision ultime, plus qu'à ses qualités purement techniques transférables. Nous rentrons bien dans l'ère de la Média Medecine ou l'homme et la machine travailleront de plus en plus en symbiose pour soulager la souffrance.
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Qui aurait imaginé qu'une machine pût assurer l'anesthésie d'un opéré ? Qui vient d'oser le faire ? Les ingénieurs de Johnson and Johnson, tout simplement, le plus gros constructeur mondial de matériels médicaux. Quatre hôpitaux américains viennent de s'équiper de Sedasys, l'anesthésiste de synthèse. Après un refus en 2010 de la Food and Drug administration (FDA), au prétexte de la sécurité du patient, et malgré une autorisation obtenue en 2013, les concepteurs ont attendu cette année pour vendre leur robot. Le lobby des anesthésistes américains tenta de retarder l'arrivée de la machine infernale sur le marché. Mais le calcul économique l'emporta : pour une même efficacité, mieux vaut payer 200 dollars de procédure réalisée par un robot que 2000 dollars d'honoraires pour le médecin spécialiste.

Le système injecte le Propofol, un anesthésiant à élimination rapide. Grâce au contrôle des paramètres habituels, tels que le rythme cardiaque et respiratoire, la saturation en oxygène, il délivre la dose adaptée tout au long de l'opération. Le réveil est extrêmement rapide, car la machine évite le surdosage.

Quatorze millions de colonoscopies sont effectuées chaque année aux États-Unis depuis que Nancy Reagan en subît une. La grande majorité des personnes qui se font contrôler est saine avec une moyenne d'âge de 55 ans. Le robot anesthésiste semble donc parfaitement adaptée à ces opérations endoscopiques légères et brèves chez des personnes en bonne santé, mais une nouvelle génération de robots anesthésistes plus sophistiqués est en cours de fabrication pour assurer des opérations plus lourdes et longues.

La voie est tracée et nul ne pourra revenir en arrière. a cet égard, l'exemple de l'aviation est emblématique de l'énergie colossale à dépenser pour convaincre du bien-fondé d'une innovation aussi "disruptive". Rappelons que les pilotes ne voulaient pas entendre parler de la suppression du troisième homme, le mécanicien, puis ils ne crurent pas à la possibilité de traverser l'océan Atlantique sur un biréacteur. Résultat : trente ans plus tard, le premier a disparu du poste de pilotage et le second vole au-dessus des mers et de plus en plus loin.

Il en sera de même avec la médecine et la chirurgie. Le changement radical qui survient, sous la poussée irréversible des technologies de l'information, nous oblige dès maintenant à repenser intégralement nos modes d'action au service des malades. Quand on me dit que l'homme peut rattraper une erreur de la machine, je réponds que la machine fait moins d'erreurs que l'homme. Dans l'aviation, les accidents sont à 90% secondaires à des erreurs humaines. Le Val qui transporte des milliers de voyageurs d'Antony Paris vers Orly est un train entièrement automatisé, sans conducteur, et le métro parisien est en passe de le devenir. Google a fait déjà rouler sa voiture sans chauffeur sur plus d'un million de kilomètres sans accident.

Outre le robot anesthésiste, le robot infirmier (déjà en action) prélève le sang dans la veine ou y pose une perfusion avec une efficacité supérieure à la main. Le robot chirurgien qui améliore la qualité du geste de l'opérateur au plus profond de l'anatomie du malade. Le médecin de synthèse, ordinateur que j'ai sur mon bureau, est prêt à faire le bon diagnostic et à proposer la bonne thérapie.

Ne refusons pas ces innovations technologiques qui améliorent la qualité et la sécurité de nos procédures médicales au bénéfice des malades, car de toute façon elles gagneront la partie. Ne jouons pas à ces fileuses qui détruisirent les premiers métiers à tisser venus d'Angleterre à la fin du dix-huitième siècle. Accompagnons-les au contraire, en sachant qu'il faudra toujours un homme ou une femme connaissant le métier pour contrôler les instruments, pour rassurer les malades qui se confient à eux et pour décider à bon escient...

Le vrai rôle du médecin, demain, sera à la relation personnelle avec le malade, et à la prise de décision ultime, plus qu'à ses qualités purement techniques transférables. Nous rentrons bien dans l'ère de la Média Medecine ou l'homme et la machine travailleront de plus en plus en symbiose pour soulager la souffrance.

La société ne semble guère préoccupée par ces enjeux majeurs, engluée qu'elle est dans la gestion quotidienne de ses petites misères et de ses glouglous intérieurs. Or l'avenir appartiendra à ceux qui l'auront pensé. Réfléchissons donc dès maintenant aux implications de cette transformation magistrale de nos métiers de soignants en gardant à l'esprit cet humanisme qui fonde plus que tout notre statut d'homme, même si ces prothèses, ces outils et autres instruments numériques nous aideront à vivre mieux et plus longtemps.

Guy Vallancien est l'auteur de La médecine sans médecin? chez Gallimard

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