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Le retour de la tribu dans le Maghreb postrévolutionnaire (1/2)

Tribalisme, néo-tribalisme, régionalisme, autant d'hypothèses évoquées pour rendre intelligible les faits observés çà et là et qui ont probablement à voir avec l'affaiblissement des pouvoirs d'État.
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Rien n'est plus opaque dans le débat, et quelquefois parmi les chercheurs, que la notion de tribu évoquée pour rendre compte de phénomènes divers et souvent opposés à la modernité.

Il n'en reste pas moins que des individus et des groupes vivent et s'identifient encore comme des membres de telle ou telle tribus.

On ne peut dès lors que relever pour elles un intérêt grandissant, au point qu'on les place quelquefois exagérément au centre des nouvelles relations sociopolitiques. Force est de constater que le sujet de la tribu a resurgi avec vigueur à la faveur des événements récents survenus au lendemain de la chute de Kadhafi en Libye.

Outre divers articles de presse, plusieurs papiers et travaux à caractère scientifique ont paru depuis lors à ce propos. Pourtant, depuis la fin des années 1980, et bien que les recherches portant sur ce thème aient été à l'époque quelque peu dépréciées, déclassées, l'historien français Yves Modéran (1955-2010) soulignait, tout en prenant en considération les critiques portées au concept, l'importance de la thématique de la tribu pour la compréhension historique des organisations sociales et politiques en certaines régions du Maghreb.

D'autres travaux portant sur la tribu et menés par des spécialistes paraîtront par la suite et depuis 2011 diverses recherches ont abordé le sujet sous l'angle de l'anthropologie historique ou de la sociologique. Cependant et en dépit de ces recherches, il est difficile de proposer des explications générales à la persistance ou au renouveau du phénomène.

Tribalisme, néo-tribalisme, régionalisme, autant d'hypothèses évoquées pour rendre intelligible les faits observés çà et là et qui ont probablement à voir avec l'affaiblissement des pouvoirs d'État. Il n'est d'ailleurs pas sûr que les concepts de tribalisme, néo-tribalisme ou de régionalisme soient les plus à même d'éclairer les réalités « tribales » observées en divers endroits du Maghreb, mais aussi ailleurs. Cela veut dire que contrairement à celles étudiées naguère, les tribus d'aujourd'hui, lorsqu'elles existent, évoluent essentiellement dans le cadre d'États.

Leurs membres sont citoyens d'États souverains et, de fait, toute analyse actuelle de la question tribale ne saurait éluder celle du cadre étatique dans lequel ces tribus évoluent. L'étude des organisations tribales dans un cadre étatique a surtout été faite sous l'angle de la politologie : les politiques des États à l'égard des zones dites "tribales" ou l'influence des solidarités tribales dans la construction étatique et dans la vie politique nationale.

Qu'est ce que l'anthropologie, et plus spécifiquement l'anthropologie historique, peut apporter à la compréhension du phénomène tribal dans le cadre du Maghreb postrévolutionnaire?

Nul doute que toutes les perspectives de recherche énoncées plus haut et qui sont principalement le fait d'historiens, de sociologues et d'anthropologues contribuent à rendre intelligibles les différents rapports tribus/État, et à comprendre les évolutions, permanences ou ruptures du modèle tribal dans un cadre étatique.

Il est toutefois une problématique qui nous paraît centrale, sans doute peu abordée, et à laquelle les historiens peuvent apporter des éléments de réponse. Il s'agit en effet de savoir comment les tribus arrivent à préserver, à renouveler ou recréer un ordre politique en leur sein et ce avec, en dépit ou en contournant les cadres imposés par les États.

En d'autres termes, si tribus il y a, forment-elles encore des unités politiques compte tenu des changements qui les traversent et qui les restructurent? Et si oui, comment? Une analyse de la dimension politique des tribus dans le cadre des États du Maghreb contemporains ne saurait en effet se limiter à celle du rôle des solidarités tribales dans la vie politique, ni même à celle de l'action collective tribale. Il faut plus encore s'attacher à montrer les rouages, les soubassements politiques qui permettent et contribuent à expliquer les phénomènes de l'action collective tribale et leur éventuel rôle dans la vie politique locale ou nationale. Il s'agit de comprendre comment la tribu peut maintenir un ordre politique en son sein, et ce dans un cadre étatique.

Il faut en effet avant tout se poser un ensemble de questions qui bien souvent apparaissent comme allant de soi. Par exemple: d'où les autorités tribales tirent elles, actuellement, leur légitimité? Comment la confortent-elles? Comment peuvent-elles solliciter les liens tribaux? Comment les entretiennent-elles? Comment la tribu, en dépit des changements, peut-elle demeurer un corps solidaire? Ces questions qui se posaient autrefois dans une perspective monographique doivent être alors reposées dans le contexte postrévolutionnaire dans lequel évoluent la plupart des tribus à l'heure actuelle.

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