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Le Québec fait face à une inquiétante pénurie de pompiers

Pas moins de 75 % des municipalités n'ont pas les effectifs requis.
Shutterstock / John Hanley

Le Québec est frappé par une importante et inquiétante pénurie de pompiers sur son territoire. Plus de la moitié des localités québécoises sont actuellement en situation critique avec une demande urgente de recruter de nouveaux sapeurs.

Des 718 municipalités de moins de 2000 habitants de la province, la presque totalité est en manque de pompiers. Une situation qui passe de critique à difficile pour 75% de toutes les localités réparties sur le territoire québécois (au Québec, on dénombre quelque 1134 municipalités) lorsqu'on comptabilise les municipalités qui sont incapables de combler les postes vacants depuis des années. «Seules les grosses villes peuvent dire qu'elles ont un service incendie avec le nombre requis de pompiers», mentionne Patrick Lalonde, spécialiste en incendie.

Conférencier auprès de pompiers, M. Lalonde explique cette pénurie principalement par deux raisons.

Le plus gros obstacle serait la formation devenue obligatoire pour les pompiers volontaires. Une formation pilotée par l'École nationale des pompiers du Québec.

«Ce sont des pompiers volontaires, mais ils doivent quand même suivre la formation de 315 heures. Une formation exigeante qui demande des déplacements de plusieurs heures pour les candidats des petites localités et ce, bénévolement, bien souvent», dit M. Lalonde.

«Pour les 315 heures à temps partiel, il faut prévoir un an et demi de sacrifice. Ce n'est pas facile de convaincre un jeune de réserver ses mardis soirs et ses samedis au complet lorsqu'il sait qu'il ne sera payé que lors de son premier incendie. Heureusement, certaines localités payent pour suivre la formation, mais d'autres n'ont carrément pas les moyens. Il faut vraiment être décidé pour choisir ce chemin et devenir pompier», renchérit le président de Sécurité incendie Québec, Jonathan Roy, qui mentionne qu'un pompier touche un salaire moyen de 23$ de l'heure.

On comptabilise 17 000 pompiers volontaires au Québec. «Il fut jadis un temps où les casernes de pompiers à temps partiel (qu'ils soient volontaires ou non) étaient pleines à craquer. On y admettait les aspirants au compte-goutte... c'était l'époque où être pompier était un privilèg», lance M. Lalonde, en ajoutant que la plupart des enfants en bas âge rêvent encore d'être pompier.

L'image du paramilitaire nuit au recrutement des pompiers

Patrick Lalonde, qui est expert-conseil en gestion et organisation des services de sécurité incendie, souligne aussi qu'on associe aisément le métier de pompier aux uniformes, aux grades, à la hiérarchie, à la milice et à tout ce décorum lié au secteur militaire. «D'ailleurs, on fait souvent référence à des termes militaires comme le ''combat'' d'incendie ou les ''stratégies et tactiques d'intervention'' pour décrire le quotidien des pompiers. En fait, dans plusieurs pays, les pompiers sont des militaires.»

Le HuffPost Québec a obtenu copie de deux sondages réalisés par ICARIUM. Le premier a été effectué auprès de 104 étudiants en sécurité incendie pour constater que l'approche paramilitaire semble dorénavant constituer un frein pour les aspirants-pompiers.

En effet, seulement 32% des répondants au sondage accepteraient de travailler pour un patron dont le style de gestion pourrait être qualifié d'autoritaire. Les autres étudiants recherchent un patron dont le style de gestion s'apparenterait davantage à la concertation ou à la persuasion.

«On s'éloigne ainsi de l'approche paramilitaire. Remarquez que ça vient confirmer la littérature sur les milléniaux qui fait état d'une génération à la recherche de rapports égalitaires empreints de respect entre patrons et employés», précise M. Lalonde.

Un second sondage mené auprès de 473 pompiers du Québec révèle que 75% de combattants du feu issus de la génération Y se considèrent présentement comme étant malheureux au travail lorsqu'ils ont un officier supérieur qui leur manque de respect.

Parallèlement à ces difficultés de recrutement, les pompiers volontaires en fonction doivent continuer à protéger la population avec moins de pompiers pour les aider. Rien d'encourageant, car même si les brigades perdent tranquillement des pompiers, elles doivent faire face à une augmentation des appels sur leur territoire avec plus d'alarmes en fonction, plus d'assistances médicales et plus d'appels d'entraide automatique.

Le regroupement, une solution d'équipe

Chargé de cours en leadership à HEC Montréal, Patrick Lalonde croit que la solution au manque criant de pompiers est le regroupement. «Un camion de pompier coûte au moins 350 000 $ et une autopompe 1 M$. C'est beaucoup d'argent pour des localités où il y a trois ou quatre feux par année. Le regroupement de plusieurs petites localités dans la même région permet une économie de coûts en plus de se doter d'un personnel qualifié et permanent».

Du même souffle, M. Lalonde ne cache pas que le regroupement peut être un succès, mais aussi un fiasco. «À certains endroits, comme dans la Matapédia, le regroupement a été bénéfique. Par contre, à d'autres endroits, comme au Témiscouata dans le Bas-Saint-Laurent, ç'a été plus difficile.»

L'an dernier, le gouvernement du Québec avait débloqué une enveloppe pour que les municipalités puissent réaliser des études de fusion des casernes avec les localités voisines. Cette année, le gouvernement n'a pas encore reconduit ce montant. Des élus municipaux et des dirigeants de services incendies croient que la Semaine de la prévention des incendies serait un moment idéal pour annoncer que le projet est de retour.

La prévention... dans la cuisine!

Rappelons que la Semaine de la prévention des incendies se termine le 14 octobre sous le thème: «La prévention, c'est bon! C'est dans la cuisine que ça se passe!». Une vidéo mettant en vedette Bob le chef (ci-dessus) a été publiée dans le cadre de cette campagne.

Le ministère de la Sécurité publique et ses principaux partenaires souhaitent conscientiser les citoyens aux dangers potentiels d'incendie liés aux feux de cuisson, trop souvent responsables des décès lors des incendies.

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