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«Le plus fort au monde» : François Bellefeuille, solide et musclé

C’est le public qui se musclera mâchoires et abdominaux en s’esclaffant de bon cœur.
jfgalipeau.ca

François Bellefeuille s'autoproclame «Le plus fort au monde» dans le titre de son deuxième one man show, mais c'est le public qui se musclera mâchoires et abdominaux en s'esclaffant de bon cœur devant ce spectacle extrêmement solide et robuste, livré par un artiste visiblement confortable dans son art, qui en maitrise toutes les facettes.

La quasi entièreté de la colonie artistique québécoise s'était donné rendez-vous au Théâtre Maisonneuve, mardi, pour la première montréalaise de ce désopilant Plus fort au monde. Les éclats de rire ont fusé toute la soirée, et sur Twitter, au sortir de la salle, un commentaire élogieux n'attendait pas l'autre.

Et avec raison. Grâce à Le plus fort au monde, on constate non seulement à quel point François Bellefeuille est un naturel de l'humour, mais aussi que le comique à la chevelure hirsute s'impose dorénavant comme une valeur sûre. Il se dit fort, mais on peut en outre affirmer qu'il est un grand.

François Bellefeuille

«J'ai engraissé!»

Depuis sa première tournée, qui avait débuté en 2014, l'univers de François Bellefeuille est désormais bien établi. Le public connaît son personnage d'asocial révolté et il peut se permettre d'ouvrir davantage les vannes lorsqu'il monte sur scène. C'est ce qu'on attend de lui. Mais c'est l'un des grands talents de l'homme, de savoir doser l'extravagance du petit monde parallèle qu'il s'est créé. Ce n'est jamais trop. Ni trop gueulard, ni trop bizarre.

Mais ça l'est, juste ce qu'il faut pour nous emballer. Ses observations sont suffisamment réalistes pour que chacun s'y reconnaisse un peu, mais assez absurdes pour nous dérouter, nous surprendre et nous faire rire instantanément. Elles sont diablement efficaces dans Le plus fort au monde, où, sous la loupe de Bellefeuille, chaque sujet, si anodin soit-il, devient unique et tordant. Puisqu'il en aborde plusieurs pendant 90 minutes, on est gâtés.

Un «J'ai engraissé!» hargneux, et surtout tellement inattendu, craché d'un torse légèrement bombé, fait office de mot de bienvenue, avant que n'arrive un sévère avertissement : «Ceux qui ont la carte Air Miles, ici, sacrez votre camp!» Puis, gare à celui qui ne l'applaudira pas lorsqu'il annoncera qu'il est papa depuis peu («J'suis de bonne humeur, mais je dors plus, je suis fragile...»)

À partir de là, François Bellefeuille commence à discourir, et ça coule de source. La vaseline («T'achète pas ça, un pot de vaseline, ça apparaît après un déménagement!»), la grosseur du portefeuille («Plus il est gros, moins t'es important!»), la vie de couple («Le secret d'un couple heureux, c'est la capacité de refouler jusqu'à ce que la mort vous sépare»), le centre d'interprétation de la courge (hilarant segment), la voiture électrique et les cyclistes («Plus ils sont penchés sur leur bicycle, plus ils font chier»), les bonnes manières, les punaises de lit («Une MTS pour les gens qui couchent avec personne»), les jeans, le droit d'être nu dans sa voiture... Et quoi encore. Un guide d'insultes selon les pays? Ça aussi, il l'a. Mention spéciale à la Bulgarie («Ta mère fait des fellations à des ours dans la forêt».).

Il passe d'une notion à l'autre comme les poupées russes s'emboîtent les unes aux autres, le public n'y voyant que du feu. C'est déjanté, mais il y a toujours une logique dans ce qu'il nous expose, dans ces petites colères du quotidien qui nous rejoignent toutes un peu. C'est parfois grivois ou scatologique sans devenir grossier, rarement politiquement correct, mais jamais choquant.

Et, preuve que ses textes (qu'il cosigne avec Olivier Thivierge et Simon Cohen) sont minutieusement travaillés, le bougre arrive à boucler des boucles avec ses phrases lancées plus tôt. Comme quoi, tout finit par se tenir, comme si son propos avait quelque chose de raisonnable. On rapporte ici quelques gags à l'emporte-pièce, mais aucun compte-rendu écrit ne rendra justice à l'énergie déployée sur les planches par François Bellefeuille, à son ton si particulier, dans ce style de stand up aussi pragmatique que décalé.

Jeux d'enfants

Pour ce deuxième solo, au lieu d'en mettre davantage dans le contenant, François Bellefeuille repousse plutôt les limites de son contenu en explorant la thématique de l'enfance. Son statut de nouveau papa de Milo, deux ans, et Dali, huit mois, y est évidemment pour beaucoup.

Ce fil conducteur se décline en deux portions : la réalité récente de père de François Bellefeuille («J'ai compris le concept de garderie : tu leur donnes 7 piasses, et en échange, ils te donnent la gastro»), et sa propre enfance, qu'il met en lumière en dévoilant quelques-uns de ses dessins esquissés à l'âge de huit ans, puis en exhibant des photos de cette époque pas toujours glorieuse de son existence. Deux trouvailles absolument brillantes, qu'on s'étonne qu'aucun autre humoriste n'ait exploitées par le passé. Et un grand exercice d'humilité, il faut l'avouer.

À cet égard, on se contentera de spécifier poliment que le petit garçon qu'était François Bellefeuille semblait fasciné par l'anatomie humaine, et que l'adolescent qu'il était jadis était peut-être un peu moins bien bâti que ce nouveau spectacle qui ne tourne aucun coin rond. L'autodérision dont fait preuve Bellefeuille en décrivant les clichés «compromettants» de lui-même est irrésistible. «Probablement que tout le monde pensait que j'étais la madame de la pastorale», énonce-t-il en contemplant sa carte étudiante du séminaire de Trois-Rivières.

Un mot enfin sur la mise en scène concoctée par François Bellefeuille lui-même et Marie-Christine Lachance pourLe plus fort au monde, qui incorpore des animations sur vidéo qui sont franchement impressionnantes. Le montage de la fin, dont rêveraient probablement tous les gamins, est aussi amusant qu'impressionnant. Vraiment, Le plus fort au monde démontre que François Bellefeuille est colossal à tous les niveaux.

Toutes les dates de la tournée de François Bellefeuille sont disponibles sur son site web. Il repassera par Montréal, à l'Olympia, les 2 et 3 février, les 30 et 31 mars et le 26 mai.

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