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Le multiculturalisme une source de la radicalisation

En coupant dans les cours d'adaptations aux immigrants, Couillard prône une approche multiculturelle plutôt qu'interculturelle qui faisait la fierté du Québec.
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Je sais le titre étonne, frappe, surprend. Pourtant, si l'on connaît bien les termes, il est juste. J'ai étudié et je travaille dans le domaine des relations interculturelles. J'ai étudié les religions à l'aide des sciences sociales et aussi en immigration. Mon constat est simple, les politiques multiculturelles prônées depuis Trudeau par le gouvernement canadien et prônées par le PLQ, la CAQ et depuis quelques années par le PQ sont une des raisons de la radicalisation d'extrémistes.

La différence entre interculturalisme et multiculturalisme

En coupant dans les cours d'adaptations aux immigrants, Couillard prône une approche multiculturelle plutôt qu'interculturelle qui faisait la fierté du Québec. Le multiculturalisme permet la multitude des cultures, mais voilà tout. Dans ce contexte, on ne parle pas d'intégration, mais d'assimilation ou encore d'inadaptation. On ne parle pas de dialogue entre les cultures, mais simplement une coexistence entre elles. L'interculturalisme est une version plus inclusive du multiculturalisme. Il prône certes la multiplicité des cultures, mais dans une interrelation. Plutôt que de vivre sur le même territoire, on propose un vivre ensemble, un projet de communauté commun. Cette relation commence par une intégration des immigrants: leur expliqué qu'est-ce que c'est la vie ici.

J'ai vu des Américains en panique face à une souffleuse dans les rues de Montréal se questionnant sur l'origine de ce monstre mécanique. Si les Américains peuvent être déboussolés à Montréal, imaginez les autres provenant de cultures différentes. Le froid, la langue, la culture et même la religion catholique du Québec diffèrent du reste du monde.

L'intégration pour prévenir la radicalisation

L'intégration est la clé principale pour prévenir la radicalisation des immigrants et le seul moyen de prouver aux membres de l'État islamique qu'ils ont tord. Mais questionnons-nous sur pourquoi les immigrants se radicalisent. Nous savons comment ils sont recrutés, mais personne ne se questionne sur leur motivation initiale.

Prenons les délais d'immigration plus longs au Canada que dans les autres pays occidentaux. Le délai d'attente pour une immigration par parrainage au pays est de 27 mois, la moyenne occidentale est de 6 à 9 mois. Le Canada prétend que c'est pour assurer la sécurité du pays et prévenir la fraude. Pourtant les Américains plus pointilleux sur ces sujets ont des délais de 6 mois, le Royaume-Uni 3 mois. Pendant ces 27 mois, le statut monétaire de la famille est précaire. Pendant 27 mois, les soins de santé pour le parrainer ne sont pas couverts. Une femme qui doit accoucher doit payer une fortune pour accoucher, pourtant l'enfant sera citoyen canadien. Immigration Canada a aussi perdu ses lettres de noblesse, considéré comme l'organisme ayant le moins de norme sur le racisme en matière d'immigration par l'ONU. Le Canada est maintenant considéré comme un des pays les plus racistes grâce à un guide établi par le gouvernement Harper. On y considère par exemple comme mariage non légitime une union entre un Chinois et une personne non chinoise.

L'accès aux emplois qualifiés est plus difficile aussi. Lors de leur dernière saison, l'émission Testé sur des Humains diffusé à TVA vérifiait le taux de diplômé des chauffeurs de taxi. Alors que les médecins et les ingénieurs ont une plus grande facilité à immigrer que des gens ayant d'autres professions, le taux de médecins accédant à ce rôle au pays est faible. Pourquoi? Les ordres professionnels prétendent que les études dans d'autres pays ne sont pas fiables. On inclut ici la France, les États-Unis et autre pays occidentaux modernes. En fait, ces ordres sont plutôt racistes et acceptent difficilement des étrangers au sein des leurs. Sans oublier qu'il faut en moyenne 10 ans pour une personne avec un nom étranger pour trouver un emploi dans son domaine d'étude, qu'il soit immigrant ou non. La moyenne pour les « Québécois de souches » est de 2 ans.

Plusieurs ont acclamé la commission Bouchard-Taylor. Je l'ai regardée avec horreur. Ce fut un spectacle médiatique permettant de dire publiquement les plus grandes atrocités racistes et xénophobes et les médias s'en sont régalé. Depuis, il est devenu normal au Québec d'avoir des commentaires de ce genre et de considérer les immigrants comme des citoyens de seconde zone.

Ce ne sont que des exemples expliquant que les immigrants se sentent menacés par les « Québécois de souche ». Face à cette agression, ils se replient sur eux-mêmes. J'ai étudié ce phénomène au Temple Thiru Murugan de Dollard-des-Ormeaux, un temple pour les Tamouls hindous de foi shivaïte. Des entrevues auprès de plusieurs membres de la communauté m'ont permis de constater que les gens de nationalité sri lankaise, surtout du groupe ethnique tamoule, mal vu au pays, « mentent sur leur origine » en se disant hindou ou Indien. Pourtant l'Inde et le Sri Lanka se ressemblent moins que le Québec et la France. L'hindouisme pratiqué par les Tamouls est unique au Sri Lanka. Toutefois, pour le commun des Occidentaux, il n'y a pas de différence et il n'y a pas de mensonge. Ces gens se replient donc sur leur seule source identitaire réelle : leur religion. Ceux qui n'étaient pas pratiquants le deviennent, ceux qui étaient très pieux deviennent extrémistes. Se sentant isolés du Québec et de sa société, ces gens créent leur microsociété.

Alors qu'on attise la haine contre l'immigrant, ces groupes attisent leur haine contre nous qui leur avons promis une vie meilleure et dans l'ouverture d'esprit. Une rupture se crée ici entre les arrivants et les natifs. Alors l'intégration est un échec. Le multiculturalisme l'emporte et la radicalisation gagne du terrain.

Donc lorsque Couillard annonce qu'il coupe dans les organismes et les cours d'accueils pour ensuite annoncer un investissement dans la lutte à la radicalisation, il fait en fait l'inverse. L'accueil est l'étape pour permettre aux immigrants de s'adapter à nous, il faut aussi se questionner sur le rôle que nous y jouons. Les livres d'histoires oublient l'esclavagisme des noirs et des autochtones de la Nouvelle-France. Tout comme ils ont oublié comment les Portugais ont revitalisé le plateau et que les Juifs portugais et marocains ont supporté avec nous la syndicalisation. Il faut se dire que l'intégration dépend autant de l'immigrant que du natif. Se dire qu'ils ont choisi de vivre ici n'est pas l'argumentation complète, il faut se questionner sur le pourquoi.

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