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La politique a perdu ses lettres de noblesse. Elle n'est plus l'instrument naturel du progrès ni la vocation des grands hommes. Ces grands hommes, ceux qui ont la vraie passion de l'État et de la nation, s'ils existent encore, sont bien trop conscients de leur propre grandeur pour la gaspiller dans une politique si morose.
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Depuis plusieurs années, en politique, le monde est à pleurer. La politique a perdu ses lettres de noblesse. Elle n'est plus l'instrument naturel du progrès ni la vocation des grands hommes. Ces grands hommes, ceux qui ont la vraie passion de l'État et de la nation, s'ils existent encore, sont bien trop conscients de leur propre grandeur pour la gaspiller dans une politique si morose.

Ils sont bien trop intelligents pour ignorer un fait qui semble de plus en plus irréversible: la politique avec un grand P est chose du passé. Là où on voyait autrefois un peuple, on voit aujourd'hui une société.

Conséquemment, la gestion de l'État passe de la gouvernance à l'administration. Ça peut sembler banal, consensuel ou poli, mais c'est une tragédie. C'est une tragédie, parce que ça change drastiquement le rôle qu'occupe l'État vis-à-vis de ses constituants pour le transformer en une simple entité comptable. Mais encore plus, ça désarme le peuple du seul outil qu'il avait pour exister et matérialiser ses valeurs.

C'est la mode! C'est le multiculturalisme, surtout. Puisqu'il n'y a plus de peuple à défendre, il n'y a plus de valeurs communes à incarner non plus. Ainsi, c'est le renversement du rôle d'intégration : ce n'est plus au nouvel arrivant de s'adapter à la société qui l'accueille, mais plutôt au peuple qui lui ouvre ses bras de s'excuser de ses traditions et de les rendre aussi discrètes que possible, au risque de se faire reprocher d'exister.

Il faut qu'on se parle

Chez-nous, au Québec, c'est un peu parce qu'on semble être allergique à la dissension. Un peu comme si on voulait jamais trop débattre, par peur de se chicaner et de ne plus s'aimer. Nous recherchons constamment le consensus, évitons les grandes questions, souvent au détriment d'exercices politiques pourtant très sains. Comme le disent les autres, il faut qu'on se parle.

Il faut vraiment qu'on se parle parce que là les seules fois qu'on le fait c'est pour s'obstiner sur des pitbulls et que pendant ce temps-là, notre ministre de la Santé organise une rencontre avec la presse pour manger des patates en poudre tout sourire dans un CHSLD.

Et ça dérange tout le monde. Plutôt, ça nous dégoûte.

C'est ce que je veux dire quand je dis qu'en politique, le monde est à pleurer. Notre exemple est tellement frappant, tellement évocateur. Pendant que 76 % des Québécois considèrent les libéraux de Couillard comme autant ou plus corrompus que ceux de Charest, le PLQ trône au sommet des sondages avec 10 points d'avance. Morts de rire.

Mais au fond, comment en vouloir aux Québécois? Sont-ils vraiment si égarés dans leurs décisions politiques? Ne font-ils pas simplement voter pour leurs convictions? Faut avouer que les paramètres politiques ne sont pas très flexibles au Québec. Un indépendantiste n'a pas vraiment le choix de voter pour le PQ, nous devons en convenir. S'ils se mettent à le déserter en masse, ils devront dire adieu à la survie de leur option et accepter sa folklorisation, pour toujours.

Cette seule réalité condamne le PQ à rester souverainiste jusqu'à un certain point. Jean-François Lisée est celui qui a été le plus loin dans la remise en question de cette prérogative en mettant le projet sur la glace. Si tu es un nationaliste et que tu ne votes pas PQ, ta seule excuse est pas mal d'être un nationaliste de droite ou de centre droit et encore, j'argumenterai que diviser le vote nationaliste sur des nuances économiques revient à contribuer directement à l'avènement du multiculturalisme. En d'autres mots, refuser de faire un compromis sur sa position économique et mettre en place les conditions nécessaires au maintien d'un gouvernement qui se fout de la nation, c'est faire activement la négation du nationalisme.

Toutefois, c'est un sacrifice que certains semblent prêts à faire et qui suis-je pour juger de leurs convictions. Donc nous avons la CAQ, qui demeure une maison politique très légitime lorsque l'on considère les limites évidentes du PQ idéologiquement : s'il va trop à droite, il se décime et encense QS, ce qui le force à laisser de la place pour une CAQ relativement forte. Si tu crois au multiculturalisme, tu as le choix entre les libéraux et QS, dans le fond.

Il ne faut pas se surprendre qu'un gouvernement aussi médiocre laisse fuir le vote multiculturaliste chez un parti qui n'a pas de réelle chance d'accéder au pouvoir. La seule chose qui assure une certaine rétention du vote chez les libéraux, cela devient donc l'à-plat-ventrisme systématique face aux dérapages multiculturalistes fédéraux. Ainsi, pour ne pas se faire damer le pion par QS sur la gauche, il doivent être aussi serviles que possible. Donner la patte chaque fois que Justin le demande.

C'est pour ça que le monde est à pleurer. Parce que tout le monde est à sa place politiquement et que tout le monde a des bonnes raisons de ne pas faire de compromis. Pourtant, une majorité de Québécois sont en dissonance de valeurs profonde avec leur propre gouvernement et n'importe quelle option adverse serait préférable. C'est quand même paradoxal : on vote tous pour les moins pires et ce sont les pires qui sont assurés de gagner à tout coup, avant même que ça ne commence.

C'est déprimant. D'être condamné à n'avoir aucune influence sur l'avenir de sa nation, condamné à la regarder disparaître, elle et son pouvoir de construire un État fier et digne. De regarder ces hommes de petites intentions s'échanger ce qui était autrefois aussi grand et sacré, c'est une tragédie que personne ne devrait taire.

Le PLQ est au pouvoir pour l'infini, le français est désormais un fait culturel et non national et l'État ne sera jamais complètement laïc puisque ce serait renier le multiculturalisme. Il faudra s'y faire, même si ça nous a été imposé. Si au moins on avait eu droit au débat. Se regarder mourir avec une telle impuissance a quelque chose de pathétique, mais surtout, de tellement malheureux.

Quand on y pense longuement, le futur politique du Québec semble pointer vers la mort de ses racines les plus profondes et c'est difficile d'être optimiste pour ce qui va venir ensuite.

Le monde est à pleurer.

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