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«Le miel est plus doux que le sang»: l'effervescence de la jeunesse

, de Simone Chartrand et Philippe Soldevila, est la démonstration éclatante de tous les espoirs et tous les possibles que promettait le 20e siècle.
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Le miel est plus doux que le sang, de Simone Chartrand et Philippe Soldevila, présenté au théâtre Denise-Pelletier, est la démonstration éclatante de tous les espoirs et tous les possibles que promettait le 20e siècle.

Incarné par trois artistes incontournables, Luis Buñuel, Federico Garcia Lorca et Salvador Dali, la fougue et la créativité espagnole, et plus spécifiquement andalouse, s'expriment dans le cinéma, la poésie et l'art visuel alors que l'avancée des technologies, l'accès aux transports rapides et sûrs et la production de masse s'établissent en parallèle avec de nouvelles façons de concevoir la création. Ces trois artistes ont contribué de façon scintillante à l'invention d'un nouveau langage qui allait caractériser ce siècle.

Tous les trois ont vécu dans la même résidence étudiante à Madrid. Ils avaient vingt ans et voulaient changer le monde. Ils ont réussi.

La mise en scène de Catherine Vidal nous séduit d'emblée. C'est sensible mais aussi plein de gags visuels très réussis, un heureux mariage avec un texte qui nous en apprend beaucoup tout en évitant les pièges du scolaire ou du pontifiant. Évidemment, c'est bien si on a vu Un chien andalou ou Le charme discret de la bourgeoisie, si on connait les poèmes de Garcia Lorca et si on s'est déjà repu des peintures de Dali.

Mais la pièce nous introduit à tout cela, nous démontre combien ces jeunes gens étaient géniaux et comment ils ont commencé à marcher et courir hors des sentiers battus. Et surtout comment leur processus de création, ce grand mystère, fonctionnait. Une scène, entre autres, montre Dali avec un matériau ressemblant au Silly Putty de mon enfance, à la fois caoutchouteux, solide et visqueux et alors qu'il s'amuse à lui faire adopter toutes sortes de formes, on ne peut s'empêcher de penser à La persistance de la mémoire (les montres molles) qu'il peindra quelques années plus tard.

Simon Lacroix est un Dali fantasque et affolant qui s'enfonce au plus moelleux de son délicieux et insolent délire. Renaud Lacelle-Bourdon rend avec délicatesse ce Federico Garcia Lorca blessé, tendre et marginal, cabré contre sa propre douleur, qui sera exécuté au début de la guerre d'Espagne en 1936.

François Bernier est un Buñuel au début quelque peu cartésien mais qui va laisser tomber ses études d'entomologie et se passionner, s'enflammer, grâce à l'apport de ses deux amis.

Et Isabelle Blais est tout simplement divine en Lolita, la muse, la mère, le mentor qui dorlote et bouscule les trois amis afin qu'ils soient conscients du potentiel qu'elle voit en eux. Sa beauté est rehaussée par son look années vingt qui lui va à ravir. Elle chante aussi, entre autres Take this waltz de Léonard Cohen, dont le texte est une traduction d'un poème de Garcia Lorca. Comme j'aimerais la voir plus souvent au théâtre...

Le miel est plus doux que le sang nous fait également comprendre l'importance de l'art comme agent de changement social. Les trois artistes sont conscients des inégalités, ils s'opposent à la peine de mort, ils soutiennent les grévistes dans leur combat, tout cela dans une Espagne en déclin, loin de sa splendeur passée, où on étouffe sous une monarchie aux prises avec des problèmes de succession et qui sera chassée du pouvoir par une dictature militaire.

Buñuel, Garcia Lorca et Dali peuvent servir de modèles cent ans plus tard dans leur façon d'être et de faire. Ils ont osé apposer les certitudes du fantasme sur une détestable réalité. De ce beau et bon spectacle j'ai retenu que, parfois, il ne faut pas devenir plus raisonnable à mesure qu'on vieillit et qu'ici-bas il faut avoir le verbe haut. Surtout lorsqu'on est jeune et terriblement doué.

Le miel est plus doux que le sang, une production du Théâtre Sortie de Secours, au théâtre Denise-Pelletier jusqu'au 27 février 2016.

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