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Le défilé qui choque : égalité ou liberté ?

Il va de soi que, dans la réalité, nous ne sommes pas tous égaux.
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Il va de soi que, dans la réalité, nous ne sommes pas tous égaux.
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Il va de soi que, dans la réalité, nous ne sommes pas tous égaux.

La controverse entourant le premier tableau du Défilé de la Fête nationale, samedi dernier sur la rue Saint-Denis à Montréal a fait beaucoup jaser. Les antiracistes y ont déchiré leur chemise sur la place publique y percevant, ô horreur, une scène digne de l'esclavagisme.

La chanteuse Annie Villeneuve livrait une performance de l'air connu « Mon cher Québec, c'est à ton tour... ». Le char allégorique sur lequel la chanteuse se trouvait montée fut poussé à bras par quatre personnes et fut suivi par un groupe de choristes. Tous les participants de ce tableau étaient des personnes blanches vêtues de blanc, exceptées quatre qui poussait le chariot, de jeunes hommes noirs vêtus de vêtements beiges. Les organisateurs répliquèrent sur-le-champ que ce n'était pas du tout l'intention du tableau allégorique d'évoquer l'esclavagisme. Chaque année depuis 2014, les chars allégoriques sont poussés à bras d'homme. Cette année, ce rôle était assumé par une soixantaine de jeunes de 13 à 18 ans des équipes sportives de l'école Louis-Joseph Papineau de Montréal. Il n'y a pas de quoi, à mon avis, de crier haro sur le racisme.

Le tableau « allégorique » suscita tant l'émoi que le premier ministre Couillard, deux jours plus tard, dut intervenir pour calmer le jeu. « L'important, dit Couillard, c'est ce qui est perçu. »

En d'autres termes, la réalité, c'est une chose, et les lunettes que nous portons pour la regarder, c'est autre chose. Ces lunettes, ce nos valeurs québécoises, dont l'égalité, faisant écho au Préambule de la Charte québécoise des droits et liberté de la personne (1975) stipulant que « ... tous les êtres humains sont égaux en dignité et ont droit à une égale protection de la loi... »

Il va de soi que, dans la réalité, nous ne sommes pas tous égaux.

Il va de soi que, dans la réalité, nous ne sommes pas tous égaux. Loin de là. Mais le droit à l'égalité nous rappelle impérativement que nous devons traiter quiconque de la même manière. Il s'agit donc d'un idéal. Or, l'idéal est rarement réalité. Quoi qu'il en soit, nous adhérons tous à cet idéal qui, pour nous, constitue une réalité concrète dont notre devoir consiste à l'incarner concrètement. Tout manquement à cet égard est odieux et honteux.

Je suis donc d'avis que les réactions de ceux et celles qui ont perçu l'esclavagisme dans le premier tableau allégorique suscitant une telle polémique réagissaient à l'égratignure de la valeur fondamentale d'égalité, presque sacro-sainte.

L'indignation serait à son comble si l'un ou l'autre d'entre nous souscrivait au mot fameux de Lord Acton (1834-1902) : « La meilleure chance de bonheur que le monde ait jamais entrevue a été gâchée parce que la passion de l'égalité a détruit l'espoir de la liberté. »

Parlez-en à la soixantaine de jeunes élèves de l'école Louis-Joseph Papineau qui, librement, ont accepté de participer avec fierté au Défilé de la Fête nationale. Au nom toutefois de l'égalité sacro-sainte, quatre de ces jeunes n'auraient pas dû y participer, car ils mettaient à mal la valeur d'égalité.

Nous sommes tous d'avis que plus d'égalité produit davantage d'égalité.

Il faut bien comprendre le rôle de la valeur d'égalité vis-à-vis sa contrepartie, la liberté. Nous sommes tous d'avis que plus d'égalité produit davantage d'égalité. En somme, nous sommes d'avis que l'égalité est bonne en elle-même. Or, c'est faux. Car l'égalité implique en contrepartie une perte sèche de liberté. C'est tout le débat existant en philosophie politique entre les partisans de l'Égalitarisme et ceux du Libertarisme. Les seconds font valoir que pour assurer une plus grande égalité, il faut brimer la liberté de plusieurs. Cela est particulièrement éloquent au plan économique. Au Québec, 2,9% de nantis ont payé en impôts fédéral et provincial sensiblement la même somme que les 80% de contribuables gagnant moins de 50 000$ par année. (Michel Girard, La Presse, mai 2008). Il faut ajouter que près de 50% de la population du Québec ne paient pas un cent d'impôt !

Ces chiffres sont ahurissants. Près de 50% des Québécois vivent aux dépens des autres dont une minorité, 3% des plus nantis, doivent se délester d'une partie de leur fortune afin de payer plus de 40% de la facture d'impôt.

Or, comme le dit si bien notre bon premier ministre, « l'important, c'est ce qui est perçu », pas ce qui est. La perception en question, toujours par ceux et celles portant les lunettes de l'égalité, est que les riches, quoi qu'ils fassent, sont coupables, et ne pourront jamais en faire assez. Être riche est une tare. Avec le philosophe anarchiste français Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865), les Égalitaristes hurlent : « La propriété, c'est le vol ! »

Les libertariens, eux, avec le philosophe américain Robert Nozick (1938-2002) en tête, crient « l'impôt, c'est du vol ! ». Je ne souhaite pas entrer dans les méandres parfois acrimonieux des débats entre l'Égalitarisme et le Libertarisme. Je voudrais seulement donner la saveur d'un argument libertariste contre l'égalitariste provenant de Nozick, voulant que la liberté bouleverse l'égalité. L'argument libertarien est, en somme, relativement simple si l'on reprend notre cas du char allégorique poussé par quatre jeunes Québécois de couleur noire.

Donc, nos quatre jeunes élèves décidèrent librement, de leur plein gré, de mettre la main à la pâte à l'occasion du Défilé de leur Fête nationale. J'insiste sur ce point : ils l'ont fait librement, en se portant volontaires, voire de manière enthousiaste. Pour eux - pas, semble-t-il, pour le metteur en scène, Joël Legendre, qui dit n'avoir pas été informé de la chose -, et pour les responsables organisateurs du char en question, tout baignait dans l'huile avant le départ. En aucune manière, la pensée ne leur est venue que le char allégorique évoquerait l'esclavagisme. Ils sont aujourd'hui atterrés par la tournure de l'événement.

Il en va de même avec les 3% des contribuables qui, chaque année, remplis les coffres de l'État. Ils ne travaillent pas pour l'égalité, mais de leur plein chef, de manière délibérée. Mais l'État les oblige après coup à payer 40% des impôts alors que 50% n'en payent pas. Comme dit Couillard « l'important, c'est ce qui est perçu ». (Sans jeu de mots)

La liberté précède donc l'égalité. Mais les lunettes de l'égalité de la gauche régressive rattrapent rapidement la « réalité », de sorte que l'on « vit » l'horreur : l'égalité mise à mal. Il faut cependant dire que nous avons choisi librement l'égalité. Donc, la liberté est première, et l'égalité seconde, mais venant toujours corriger la première. Ainsi vont les choses en cette terre de nos aïeux érigée librement par eux.

Avril 2018

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