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«Laudato Si'» ou la refondation de l'écologie

Comprendre que notre nature ne sera jamais satisfaite par la consommation devrait, selon le Pape, être le but, direct ou indirect, de toute action véritablement écologique.
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Le 18 juin dernier, le pape François publiait la très attendue encyclique «Laudato Si'» sur des questions primordiales liées à l'environnement et à la pauvreté. Ce texte, long de 192 pages, est un document accessible, tant par son langage que par le public auquel il est adressé, l'environnement nous concernant tous.

Dans ce texte, le pape François cherche à faire reconnaître l'importance du dialogue pour la résolution de la présente crise. En effet, il écrit : «Si nous cherchons vraiment à construire une écologie qui nous permette de restaurer tout ce que nous avons détruit, alors aucune branche des sciences et aucune forme de sagesse ne peut être laissée de côté, la sagesse religieuse non plus, avec son langage propre. » (no63). Ainsi l'évêque de Rome invite gouvernants et citoyens du monde à reconnaître que la foi chrétienne est une alliée de poids sur la route vers un respect global de l'environnement. Cette invitation prend encore plus d'importance lorsque l'on considère l'atmosphère souvent fermée à la spiritualité des grandes conférences et débats actuels sur la lutte au changement climatique. Au contraire, selon lui, cette méfiance devrait se transformer en confiance, en ouverture vis-à-vis de ceux qui ont « la merveilleuse certitude de savoir que la vie de toute personne ne se perd pas dans un chaos désespérant, dans un monde gouverné par le pur hasard ou par des cycles qui se répètent de manière absurde! » (no65) .

Après avoir souligné l'apport de la pensée chrétienne à la réflexion sur l'écologie, le pape amorce une profonde réflexion sur la Création selon une perspective unique et surprenante. En effet, il présente la place de l'homme dans l'univers selon une perspective relationnelle. De fait, selon le Pape, « les récits de la création [...] suggèrent que l'existence humaine repose sur trois relations fondamentales intimement liées : la relation avec Dieu, avec le prochain, et avec la terre » (no66) . Ainsi, de la relation fondamentale avec Dieu découle l'harmonie entre les hommes et, par le fait même, avec la création. Faisant référence au péché des origines, cette véritable « déclinaison » relationnelle se porterait à merveille si un incident historique n'était pas venu « détruire par le fait d'avoir prétendu prendre la place de Dieu » (no 66) .

Ayant évidemment une dimension apologétique, le Pape François réfute l'accusation souvent lancée contre les chrétiens selon laquelle le commandement originel de « dominer et de soumettre la terre » (Gn1, 28) serait une des sources de l'exploitation irresponsable des ressources naturelles ne tient pas compte du jugement de l'Église stipulant qu'il « ne s'agit pas d'une interprétation correcte de la Bible » (no67) . Prendre en compte la révélation chrétienne dans cette lutte en faveur de l'environnement consistera donc, selon François, à prendre au sérieux cette invitation à une triple réconciliation : avec Dieu, l'homme et la création.

Pour ce faire, nous devons prendre conscience d'un élément fondamental soit : « Que tout est lié » (no 92) . En effet, « la négligence dans la charge de cultiver et de garder une relation adéquate avec le voisin, envers lequel j'ai le devoir d'attention et de protection, détruit ma relation intérieure avec moi-même, avec les autres, avec Dieu et avec la terre » (no 70) . Ainsi, rétablir notre relation avec la création passerait par le rétablissement simultané de ces trois relations fondamentales. C'est en ce sens que l'on a qualifié l'encyclique « d'écologie intégrale ». En échangeant notre microscope pour un télescope, nous pourrons avoir une vision d'ensemble et, ainsi, cesser de prétendre sauver la planète sans considérer ce qui est défaillant en l'homme même.

C'est là, je crois, l'élément le plus original et le plus subversif de la pensée écologique de François. En incluant l'homme dans la protection de la nature, c'est-à-dire dans ce qui doit aussi être protégé, il nous pousse tous à redécouvrir la nature même de l'homme et sa place dans l'univers. Réflexion parfois difficile pour un monde enfermé dans la pensée calculatrice centrée sur l'utilité, le profit ainsi que ce que l'on a appelé «la primauté de la raison instrumentale» (Taylor). Au contraire, souligne le pape, le premier pas vers une solution durable doit passer par l'affirmation de ce qu'il appelle, en citant les Évêques d'Allemagne, «la priorité de l'être sur le fait d'être utile» (no 69) .

Sortir du «à quoi ça sert ?» pour entrer dans le registre du «qu'est-ce que c'est ?», est le premier pas vers la prise de conscience du fait que la nature humaine a «une fin déterminée» (no 63). Révolution ontologique me diriez-vous ? Comprendre que notre nature ne sera jamais satisfaite par la consommation devrait, selon le Pape, être le but, direct ou indirect, de toute action véritablement écologique. Ce faisant, peut-être que le rythme de production d'une société de consommation carburant à l'illusion du bonheur dans le posséder matériel diminuera. Mais n'est pas exactement ce que recherchent toutes les conférences sur le climat? Ne cherche-t-on pas à limiter le « pillage de la nature » (no 192) en limitant cet appétit toujours plus assoiffé de l'humanité, cause, par le fait même, de tant de guerres et d'iniquités entre les hommes?

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