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Quand Louise Beaudoin et le PQ parlaient de «laïcité vraie, de laïcité tout court»

Si l'on veut parler de « laïcité vraie, de laïcité tout court », j'ose espérer que le gouvernement péquiste entendra les doléances principales des citoyens et d'autres intervenants sociaux en ce sens, soit une Assemblée nationale qui ne siège plus à l'ombre du crucifix, qu'on ne permette pas aux élus de se soustraire aux dispositions d'une charte de la laïcité et, surtout, qu'on évite les imbroglios kafkaïens de droits de retrait pour l'un, pour l'autre.
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On a beaucoup reproché au Parti québécois d'avoir lancé la discussion sur la laïcité au Québec. « Pourquoi parler de ça maintenant alors que tout va bien! » disent les uns, « Il n'y a aucun problème d'accommodements au Québec! » disent les autres. Bref, pour certains, il fallait protéger à tout prix le silence imposé par les libéraux à la suite des tractations avortées du projet de loi 94, cette mièvrerie que les libéraux avaient voulu présenter comme suite logique à la Commission Bouchard-Taylor.

Au contraire des professionnels du silence imposé comme moyen de protéger le statu quo, j'aimerais féliciter le Parti québécois d'avoir lancé cette discussion. Oui, il y a bien eu la déferlante de mépris qui accompagne chaque geste des Québécois dans cette confédération qui n'en a pas jamais une. « So what! ». Bien qu'il nous faille dénoncer cette banalisation du mépris, il ne faut plus que nos questionnements soient tributaires des humeurs (et des intérêts) d'une autre nation. Car c'est bien ce que le bon Stephen Harper nous a dit un matin de gouvernement minoritaire à Ottawa, quand le Québec lui semblait encore prenable, que nous étions une « nation ».

Donc le PQ a lancé la discussion. Pour les junkies de politique comme moi, le résultat net est indéniablement positif. Car, si l'on fait la recension de tout ce qui s'est écrit sur la laïcité, la Charte des valeurs, la nécessité d'en parler, de la réaliser ou pas, si on collait bout à bout tout ce qui s'est écrit sans égards aux inclinaisons idéologiques, on en arriverait à un ouvrage collectif de haut niveau sur la question. Je suis toujours impressionné par la qualité des textes qui sont publiés, par exemple, au Devoir, par des spécialistes de la question. Tout cet éclairage ne peut qu'être bénéfique en fin de compte.

Comment ne pas saluer non plus l'effervescence des échanges qui ont cours entre opposants à la laïcité, ou à la forme de celle-ci proposée par le gouvernement, et ceux qui l'appuient? Certains soirs, ma timeline Twitter se transforme littéralement en forum de discussion où s'échangent des positions diamétralement opposées. Des hyperliens par ici, un texte sur la question sombré dans l'oubli, mais rappelé par là. Les échanges sont parfois corsés, mais le plus souvent civilisés, respectueux. La même chose peut être dite par rapport à ma nébuleuse Facebook, où il arrive parfois que les commentaires qui suivent un article affiché, une réflexion sur le sujet prennent des allures de colloque. Longs échanges, contre-arguments, un « j'aime » par ici, un autre hyperlien par là. En somme, ce bouillonnement idéologique est tout à fait salutaire selon moi.

Pourquoi? Tout simplement, car le PQ touche au cœur du problème, ce que le projet de loi 94 des libéraux évitait bien entendu. Pour s'en convaincre, il suffit de revenir au texte de ce projet de loi.

Mais aussi au Journal des débats de la Commission des institutions, qui consigne le verbatim de la Consultation générale et des auditions publiques sur le projet de loi 94.

D'entrée de jeu, les partis d'opposition de l'époque, le PQ par la bouche de Louise Beaudoin et l'ADQ par celle de Sylvie Roy, ont tôt fait de dénoncer l'évidente inutilité de ce texte de loi « qui ne faisait que consacrer le statu quo », selon la députée adéquiste. Pour Louise Beaudoin, « l'éléphant accouchait d'une souris ».

Tous savaient que jamais les libéraux n'attaqueraient de front le problème, car il leur aurait fallu légiférer au contraire des intérêts de leur clientèle politique. Dans les segments anglophones et allophones, surtout au sein des communautés ethniques fortement attachées à leur appartenance religieuse, le PLQ récolte des appuis quasi omnipotents. Il fallait donc pour les libéraux que toute suite à Bouchard-Taylor ne contraigne en rien sa clientèle politique. En ne s'attaquant pas au nœud du problème, le projet de loi 94 devenait une coquille vide qui n'était d'aucune utilité en dehors de l'arbitrage qui existait déjà par rapport aux accommodements religieux.

D'ailleurs, la lecture de la Consultation générale sur le projet de loi 94 est très instructive quand on l'analyse à l'aune des débats actuels. Les partis d'opposition, Louise Beaudoin et Véronique Hivon pour le PQ notamment, ont bien plaidé pour des réponses concernant les signes religieux, la laïcité à l'époque, mais les représentants du Barreau, Christian Brunelle par exemple, ont vite tué dans l'œuf ces questions :

« Par ailleurs, il est assez évident qu'avec le statut de la Charte canadienne des droits et libertés elle a priorité sur les lois du Québec, dans l'état actuel de notre système juridique, et la Charte canadienne elle-même n'établit pas de hiérarchie entre les droits. Et donc, dans la mesure où les élus québécois décidaient d'aller dans ce sens-là, il m'apparaît que le projet de loi qui consacrerait cette priorité-là serait hautement à risque d'une contestation constitutionnelle. De telle sorte que je pense qu'il est plus sage, qu'il est préférable, dans les circonstances, de s'en tenir au principe de l'égalité et de l'interdépendance entre les droits et de laisser à l'appareil judiciaire le soin de faire les arbitrages, lorsque ceux-ci s'imposeront, au nom de valeurs plus fondamentales. »

Traduction : ne touchez pas à la liberté de religion au risque de l'arbitrage suprême de la haute cour de l'autre nation.

Voilà que le Parti québécois a justement décidé que, à propos de la question de la laïcité, ou de cette formulation caduque que sont les « valeurs québécoises », il était temps désormais d'affirmer d'abord cette volonté partagée par une majorité au Québec d'avoir un espace public, institutionnel, neutre, laïc. Et en ce sens, le projet de Charte du gouvernement m'apparaîtrait plus cohérent, du moins plus accompli, si on en revenait à la représentation de la députée Louise Beaudoin lors de ces consultations :

« Tel me paraît, entre autres, être un des écueils qui menacent l'application du concept de laïcité, que vous dites ouverte, et qui propose une laïcité à la pièce, au cas-par-cas, une laïcité, de notre point de vue, édulcorée peu à peu, incohérente et qui finirait par se nier elle-même. Et vous avez touché un point extrêmement important, disant: Les institutions de l'État, l'État et ses institutions, sont laïques, mais ses représentants, ses agents ne le sont pas, ne sont... ne doivent pas afficher eux-mêmes cette neutralité qui est celle des institutions et qui est celle de l'État. Et vous savez que, là-dessus, nous avons une divergence fondamentale.

Quant à nous, nous préférons parler de laïcité tout court, de laïcité authentique, de laïcité vraie. Dans ce sens, le projet de loi n° 94 nous apparaît, je dirais, aussi inutile. »

Si l'on veut parler de « laïcité vraie, de laïcité tout court », j'ose espérer que le gouvernement péquiste entendra les doléances principales des citoyens et d'autres intervenants sociaux en ce sens, soit une Assemblée nationale qui ne siège plus à l'ombre du crucifix (même si j'avais ici étayé les fondements historiques de sa présence), qu'on ne permette pas aux élus de se soustraire aux dispositions d'une charte de la laïcité et, surtout, qu'on évite les imbroglios kafkaïens de droits de retrait pour l'un, pour l'autre. Il me semble que si le gouvernement Marois se montre cohérent dans sa présentation d'une « vraie laïcité », il trouvera là sa meilleure chance de rallier une majorité de Québécois de toutes tendances.

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Avril 2018

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